Conseil de métropole du 10 avril 2017

A quand une politique logement qui réponde aux besoins ? Enregistrer au format PDF

Lundi 10 avril 2017

L’état du mal logement décrit dans le rapport annuel de la fondation Abbé Pierre devrait être la base de toute politique du logement, même si on peut discuter ensuite ses propositions, tant il fait efficacement et précisément le lien entre les lois, leurs mise en œuvre et les réalités vécues par les habitants, y compris dans les situations les plus dures. Vous pourrez y vérifier tous les chiffres suivants.

Nicolas Sarkozy était devenu président dans une France qui construisait 450 000 logements par an. Il l’a laissé à 375 000 en 2012, et François Hollande la laissera à 338 400 en 2016. Les deux défendaient l’objectif de 500 000 logements. Ils ne l’ont pas fait.

Nicolas Sarkozy était devenu président dans une France qui construisait 95000 logements sociaux par an. Il l’a laissé à 100 000 logements sociaux en 2012, il est vrai après un pic près de 130 000 en 2010, et François Hollande la laissera à 130 000 logements sociaux en 2016, embellie après être resté jusqu’en 2015 à 110 000. Les deux affirmaient l’objectif de 150 000 logements sociaux. Ils ne l’ont pas fait.

Il faut de plus tenir compte des logements qui sortent du parc, 12 000 à 20 000 par an par démolition, notamment dans la rénovation urbaine, 10 à 20 000 pour être vendu. Résultat, le parc total ne progresse que de 70 à 80 000 par an ces dernières années. Résultat, sur les 500 000 attributions annuelles de logement, la plus grosse part concerne les mutations, et seulement 80 000 des arrivées dans le logement social,

Mais 74% des demandeurs sont en dessous des plafonds PLAI. Or, il s’est construit moins de 30 000 PLAI en 2015, comme dans les deux mandats présidentiels précédents. Pire encore, 50% du parc de logements PLAI, ces logements les plus sociaux donc, ont pourtant des loyers supérieurs aux plafonds APL ! Et c’est le cas de 82% des PLUS, ne parlons pas des PLS. Il faut dire que les loyers en général augmentent plus vite que l’indice des prix, et pas qu’un peu, puisque le loyer moyen a doublé entre 2000 et 2012. Le résultat est une catastrophe pour les locataires du privé dont le taux d’effort moyen dépasse 30%, quand celui des accédants n’est que de 15% et celui des propriétaires anciens d’un peu plus de 5%. Mais ce taux d’effort a augmenté aussi pour les locataires du parc social.

Or, le coût de la construction a presque doublé depuis 2000, passant de 80 000€ à 140 000€, la part de l’état s’effondrant de 4000€ à 1000€, contraignant les bailleurs à puiser dans leurs fonds propres à hauteur de 20 000€ et à s’endetter plus fortement. Vous pouvez constater qu’avec un financement total en baisse, nous maintenons l’objectif de 4000 logements par an, autrement dit, nous aidons moins chaque logement.

Non seulement la multiplication des discours, des lois et des décrets n’a pas réduit le mal logement, mais tous les indicateurs se sont aggravés, bien entendu d’abord parce que la pauvreté a progressé, donc la demande de logement à loyer modéré comme on disait, et que le rythme de construction n’a jamais atteint les promesses de 150 000 logements sociaux par ans. Le financement état de l’aide à la pierre est d’ailleurs à l’opposé des promesses, en forte baisse, quasi zero en charge nette pour l’état.

Les faits, qui sont têtus comme chacun sait, sont clairs. Non seulement le logement n’a pas été une priorité politique, mais l’effort public en faveur du logement a diminué en poids dans le PIB, passant de 2% en 2009 à 1,79% en 2016, en sachant que face aux 40G€ de dépenses pour le logement, il y a 60G€ de recettes. Les politiques réelles, loin des discours, ont continué à favoriser la rente foncière, les dépenses de défiscalisation pour l’accession dépassent 2 milliards par an, avec les dispositifs Duflot, Pinel et consors, tournés vers les couches aisées. La fiscalité du patrimoine immobilier, bien moins taxé que la patrimoine productif, aggrave une fracture entre couches sociales, les 50% les plus aisés possédant 90% du patrimoine, et les revenus des successions ayant retrouvé pratiquement leur niveau du 19e siècle, vive la modernité, monsieur Macron !

Les aides sociales pourtant en hausse ne permettent pas de sortir les couches populaires de la paupérisation, les couches moyennes sont les perdantes ne bénéficiant ni des aides sociales, ni des aides fiscales… et le discours promettant l’accession est un mensonge de plus, la part des propriétaires dans le 1er quartile des revenus a fortement baissé depuis 1973 passant de 35% à 15% en 2013, alors que cette part augmentait fortement de 45% à 65% pour le quartile des plus aisés.

Alors bien sûr, vous parlez monsieur le président, avec tant d’autres, de mixité sociale, mais la société que vous défendez en marchant est celle des inégalités structurelles, et de l’incapacité des politiques publiques à les résorber.

Les locataires du quart des plus bas revenus représentaient 12% des locataires du parc social en 1973, avant le premier coup donné par Raymond Barre à l’aide à la pierre, ils étaient 30% en 1988, 40% en 2006… et cela continue. Pourtant, les ménages prioritaires ont moins de chances d’obtenir un logement social que les autres… on nous dit que la cause principale est dans les politiques d’attribution, et qu’il faudrait donc renforcer les pouvoirs du préfet ou de la métropole, alors que, comme je le disais plus haut, la question centrale est celle du coût de la construction, et donc d’une aide à la pierre massive, et d’une politique foncière au niveau des besoins, pour retrouver les loyers équivalents à ceux des constructions des années 70…

Bien sûr, nous voterons cette délibération qui permet de réaliser du logement social, insuffisamment, et pas dans les conditions les meilleures, mais nous rappelons des demandes fortes

  • respecter le choix des communes et leur histoire. L’équilibre social, populaire, culturel d’une ville, ce n’est pas un seuil, et les fractures identitaires, les incivilités, les divisions se développent tout autant chez des propriétaires que chez des locataires. La baisse de la part du logement social dans une ville populaire peut se traduire par le développement du mal logement dans le privé, du logement indigne,
  • respecter le choix des habitants dans leur histoire territoriale. On peut choisir d’habiter Vénissieux parcequ’on s’y sent bien, pour la qualité de ses services publics, parcequ’on y connait des amis, des relais, qu’on touche le RSA, un SMIC ou nettement plus. Ce qui doit nous guider, c’est la demande des habitants.

Oui, nous voterons cette délibération, mais nous répétons qu’elle s’inscrit dans le cadre d’une absence de volonté politique de résorber le mal logement.

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