Projet Lyon Cité Campus - Convention partenariale

Accompagner ou résister à la casse de l’université ? Enregistrer au format PDF

Vendredi 17 décembre 2010

L’intervention ci-dessous n’a as été prononcé au conseil de communauté qui a voté la participation du Grand Lyon au « plan campus » dans le cadre du PRES de Lyon. Le groupe communiste et citoyen a fait une autre intervention, nettement moins critique sur le fonds du dossier, et notamment sur le contenu du projet proposé par le PRES.

Il est vrai que la pression des institutions est extraordinairement forte pour mettre en œuvre les nombreuses réformes qui bouleversent toutes les composantes de la république et de l’enseignement, de l’école maternelle à la recherche.

J’en conclus qu’il faut que le mouvement social lui-même, les enseignants-chercheurs mobilisés, leurs syndicats, leurs élus dans les établissements, se fassent entendre beaucoup plus fortement auprès des institutions démocratiques, auprès des élus qui contestent les réformes, et notamment auprès des élus communistes.

Quels que soient les opinions de chacun, et malgré les débats qui divisent les communistes eux-mêmes sur la bonne stratégie pour lier action militante et action institutionnelle, une relation plus étroite est indispensable pour faire éclater le consensus mou qui domine dans toutes les institutions.

Sur cette délibération, j’ai décidé de voter contre pour marquer nettement que ce qui domine dans ces 32M€ affectés à l’enseignement supérieur, c’est l’accompagnement des réformes qui organisent à la fois la concentration de l’université d’élite privée et la dégradation du reste, sans doute pour la majorité des universitaires… Mais la majorité de gauche à la région (groupe communiste compris) comme la majorité centre et gauche du Grand Lyon, avec la majorité du groupe communiste… ont voté ces projets… La droite et les verts aussi d’ailleurs…

Monsieur le président, chers collègues,

Cette délibération nous propose de « renforcer la place de l’université en tant qu’acteur de l’innovation et du développement de la métropole. ». D’agit-il de l’université qui existe aujourd’hui, qui a contribué à l’histoire de notre agglomération, une université publique pour confronter le plus grand nombre aux plus hautes connaissances humaines, ou de celle dont l’organisation s’accélère dans des réformes qui ont rencontré et rencontrent une opposition très large des universitaires, celle de la future « Université Fédérale de Lyon », largement privée, réservée à une élite d’excellence ?

La question ainsi présentée peut paraitre caricaturale, mais il faut bien dire la vérité. La stratégie de Lisbonne en 2000 nous promettait la « zone la plus compétitive du monde en 2010 ». C’est dans ce cadre qu’étaient pensées entre autres les réformes du LMD, de l’autonomie des universités, du statut des enseignants chercheurs, qu’étaient organisées la dislocation de nos établissements de recherche prestigieux et honorées de tant de prix Nobel en agences de moyens pilotées par les entreprises,… 10 ans après Lisbonne, on pourrait en rire si le sujet n’était pas si grave. Car ce sont les mêmes qui à Paris ou à Bruxelles, continuent de tenir les mêmes discours malgré le désastre économique, social et humain de cette stratégie de la concurrence qui étouffe les pays sous Euro.

La délibération nous propose d’ « inscrire l’université dans le dynamisme entrepreneurial et le transfert de technologies ». Des milliers d’enseignants chercheurs peuvent témoigner que le dynamisme universitaire est bien en peine pour faire bouger des entreprises engoncées dans la recherche de la rentabilité immédiate ! Demandez donc au groupe Renault quelle part de ces 3 Mds de bénéfices 2010 il va consacrer à ce supposé « dynamisme entrepreneurial ». Et quand au transfert de technologie, regardons dans les projets à quel point ce qui domine souvent, c’est le financement le plus rapide de l’entreprise, avec le moins d’innovation possible…

Le président de la république avait prévenu qu’il ne voyait pas l’intérêt de financer les sciences humaines et sociales qui ne contribuerait ni à la croissance économique ni à l’économie de la connaissance. Mais la réalité de cette LRU pour la majorité des étudiants, enseignants chercheurs, agents administratifs et techniques, y compris de sciences dures, c’est moins de moyens pour l’enseignement et la recherche, plus de temps consacré à la multiplication des démarches administratives pour monter un projet dont un sur dix ne sera pas financé, toujours plus de temps nécessaire pour justifier de son activité, et pourtant toujours plus d’opacité et de conflits dans la vie des universités. Qui sait ici qu’une grande école réputée et formant tant d’excellents ingénieurs et chercheurs comme l’INSA de Lyon est dans une situation financière dramatique avec 3 exercices successifs lourdement déficitaires !

Pendant ce temps, malgré les efforts des établissements, la réalité c’est le vieillissement des bâtiments, des mobiliers, et notamment une situation catastrophique à Bron… Si les ressources pédagogiques restent une priorité, les conditions matérielles se dégradent le plus souvent, avec des batiments, y compris à la Doua, aux bureaux surchauffé l’été et gelé l’hiver équipés parfois de mobilier de 40 ans, ..

C’est bien en partant du terrain qu’on peut comprendre la mobilisation des acteurs de l’université contre ces réformes, et notamment contre la création du PRES et son évolution. Les premiers concernés savent que le plan campus n’a pas pour objet de sortir enfin de ce non investissement public dans l’enseignement supérieur, mais d’accompagner la restructuration de l’université pour en réduire le coût, désengager l’état, concentrer les moyens sur une dizaine d’université d’excellence sensées se placer dans une concurrence mondiale symbolisée par le classement de Shangai. La conséquence est nécessairement de réduire les autres dans une situation de seconde zone, et à terme aller vers la réduction massive du nombre d’étudiants et d’enseignants chercheurs.

Le principe même de financement du plan campus par les intérêts financiers d’un "capital" remis aux universités, juste après l’explosion financière de 2008 et dans un contexte de crise exacerbée des monnaies, confirme le désengagement total de l’état, et les contraintes qui pèseront sur la capacité à réaliser ce plan !

C’est pourquoi le PRES ne s’intéresse qu’aux équipes évaluées A+. Les autres peuvent disparaitre, ce qui commence à s’organiser pour les équipes classées B ! A St-Etienne, la formation de lettres clasiques vient tout simplement de fermer..La direction du PRES veut définir un « périmètre d’excellence académique sur la base des labos A+ »… sans un regard sur les attentes ou les exigences de la société, des entreprises des collectivités… Pire, on parle de « mise en cohérence du périmètre d’excellence 2011… », comme si la recherche pouvait être pilotée par un souci de cohérence, alors qu’elle exige au contraire rupture, contradiction, innovation ! Permettez-moi cette remarque philosophique, la recherche, c’est la vie, et la vie c’est le virus, le défaut dans la reproduction ; L’excellence c’est la mort ! pour paraphraser Thomas Browne « la publication d’un labo riche est toujours excellente ».

L’évaluation quantitative qui conduit à cette qualification scolaire B A A+ des laboratoires et sur lesquels reposent ces stratégies est un non sens. Préférez-vous avoir à l’université de Lyon Claude Allègre dont le facteur d’impact bat tous les records ou Cédric Villani, Lyonnais médaille Fields 2010 de mathématiques, ou Joseph Sifakis, Grenoblois prix turing 2007 ! Cette évaluation est de même nature que celle révélée aux prud’hommes par les syndicats d’IBM, société qui demande à ces cadres de mal noter 10% de salariés pour l’utiliser ensuite dans ses plans sociaux. « Restructuration » a bien pour l’université le même sens que pour l’industrie !

D’ailleurs, dans les documents officiels sur la structuration du PRES, on parle d’actionnariat, de filiales, de valorisation, de holding… Et l’objectif est clair : Fini Lyon 1, Lyon 2, Lyon 3, l’INSA… en 2018, ce sera « l’Université Fédérale de Lyon », et des centaines d’enseignants chercheurs en moins, des milliers d’étudiants en moins !

Voila comment les 3 enseignants sur 30 membres du CA du PRES réagissent « la réponse à cet appel d’offres conduit à remplacer nos universités avec ce qui leur reste de collégialité démocratique, par un nouvel établissement dont la gouvernance sera plus autoritaire, plus hiérarchique, et plus éloignée ». C’est le sens de la proposition faite au CA de LYON 1 de suspendre la participation au projet d’excellence IDEX et d’organiser « une consultation démocratique de l’ensemble des personnels et étudiants début 2011. », ou de la déclaration du président de Montpellier 3 qui refuse de « sacrifier les Humanités pour un plat de lentilles payé à crédit et dont on ne sait même pas s’il sera servi un jour »

Pouvons-nous délibérer sans tenir compte de l’avis des organisations syndicales universitaires ? Monsieur le président, avez-vous demandé à votre vice-président de rencontrer ces organisations ? Certes, il en est comme l’UNI qui soutiendront ces réformes, mais pouvez-vous vous en satisfaire ? Si les projets de Lyon Cité Campus sont nombreux, le contexte de super austérité qui s’organise conduira nous le savons à ne financer que quelques projets à forte valeur symbolique. Et la délibération prévoit d’attribuer les subventions à l’opérateur privé à qui le PRES confierait son immobilier. L’état se désengage, donne aux universités au nom de l’autonomie un immobilier vieilli et mal entretenu, et les pousse à en confier la gestion à des spécialistes, bref à les privatiser… et on voit tout de suite les copains du président se frotter les mains !

Si un véritable débat démocratique avait été organisé avec les universitaires, ce serait sans doute d’autres priorités qui seraient apparues. Nous pourrions alors jouer un rôle pour "compenser" la pression de l’état pour privilégier quelques activités jugées "rentables", et affecter les moyens du Grand Lyon à des projets issus d’une réelle concertation avec les acteurs de l’université.

C’est d’ailleurs le même enjeu pour les pôles de compétitivité ou nous continuons à laisser les acteurs privés fixer les priorités d’utilisation de l’argent public !

Et si le vice-président Arru avait entendu la colère des enseignants-chercheurs, nous ne serions pas dans la situation de délibérer sur une subvention pour le PRES, alors que le CA de Lyon 1 vient de décider de dissoudre le PRES au 1/1/2012 en travaillant pour la création d’une structure totalement différente, publique, respectant les différents établissements, les règles nationales de frais d’inscription et de diplômes… Quand le CA de Lyon 1 vote un texte considérant qu’un « appel d’offre portant uniquement sur l’excellence de la formation et de la recherche n’est pas propice à ouvrir des discussions constructives intra et inter- établissements », je ne crois pas réaliste de voter une délibération qui s’inscrive dans ce cadre d’excellence.

Nous vous demandons, monsieur le président de reporter cette délibération en prenant le temps d’une rencontre large avec le monde universitaire, pour tenir compte de ce qui bouge en ce moment.

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