Eoliennes en mer : 15 à 20 milliards d’investissements en vue, un contresens économique et environnemental Enregistrer au format PDF

Jeudi 14 octobre 2010

Participant fin septembre à l’université d’automne de l’association « Sauvons le climat », j’ai pu conforter encore mon sentiment de la grande utilité de cette association qui n’oppose pas science et écologie, mais qui au contraire, cherche dans la connaissance scientifique de l’environnement, l’énergie, le climat, la biologie, la clé des réponses politiques aux défis climatiques et environnementaux.

Les deux thèmes de cette université d’automne était la mer et la ville… Bien sûr, la mer n’est pas vraiment un sujet Vénissian ! Mais elle joue un rôle essentiel dans le climat, les échanges de carbone, et absorbe le plus gros de l’énergie solaire…

Par contre, la ville est au cœur de nos discussions sur le développement humain durable, et les débats sur la rénovation énergétique des bâtiments ou les enjeux du plan climat territorial me concernaient bien sûr beaucoup…

En tout cas, un exemple des prises de position de cette association qu’il me semble utile de faire connaitre sur une grande annonce du gouvernement dont les conséquences en terme économiques et environ mentaux sont plus que discutables…

15 à 20 milliards pour des champs d’éoliennes en mer… ?

En pleine crise économique, alors que l’on s’apprête à demander des efforts considérables aux citoyens et qu’un rapport gouvernemental fustige les dérives du solaire photovoltaïque1, le MEEDDM (Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement Durable et de la Mer) récidive avec l’éolien offshore : il annonce un appel d’offres pour installer 3000 MW d’éoliennes en mer (soit 600 éoliennes géantes de 160 m de haut), dans le cadre d’un programme évalué entre 15 à 20 milliards d’euros d’ici 2020 pour atteindre un total de 6000 MW.

Puisque chacun sait que la génération d’électricité ne produit en France que très peu de gaz à effet de serre (gaz carbonique) car elle ne fait appel qu’à moins de 10% d’énergie fossile, « Sauvons le Climat » recommande que l’essentiel des aides et défiscalisations soit réservé aux domaines fortement émetteurs de gaz carbonique, le bâtiment et le transport en particulier, en privilégiant économies d’énergie et déplacement vers des énergies non carbonées.

La décision de lancer des investissements majeurs dans l’éolien marin mériterait une étude économique et environnementale sérieuse2 qui n’a pas été présentée par l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie). Il ne s’agit pas de contester l’intérêt que peut avoir l’éolien dans certains pays qui produisent l’essentiel de leur électricité avec du charbon (Allemagne, Danemark et Espagne par exemple), ou dans certaines aires géographiques comme les îles, mais de s’assurer que les solutions adoptées par notre pays répondent à un réel bénéfice, qu’il soit social, économique ou environnemental.

En première approche, « Sauvons Le Climat » estime que le programme éolien marin, plus encore que le programme terrestre, sera coûteux et d’une utilité environnementale très limitée. En effet :

• Ce programme sera sans gain significatif sur les émissions de CO2 dès que l’éolien dépassera 7000 à 10000 MW (sachant que 19000 MW d’éolien terrestre sont programmés et que 5500 sont déjà opérationnels) car, au-delà de ces puissances installées, il viendra largement en substitution de l’électricité nucléaire,

• Les investissements faits dans l’éolien ne réduisent que très marginalement les autres investissements en centrales électriques car le vent est discontinu (rendement moyen des éoliennes terrestres françaises en 2009 : 23%, rendement espéré des éoliennes en mer : 35 %) et souvent absent lors des grands froids et des canicules, c’est-à-dire quand le besoin est le plus intense

• L’éolien offshore implique des investissements importants pour étendre les réseaux électriques, et compenser la variabilité de sa production par des stockages ou des systèmes d’effacement de la consommation complexes et généralisés.

• Il sera coûteux, en particulier lorsqu’il se substituera au nucléaire, car seul le combustible nucléaire sera économisé pour environ 15 €/MWh à comparer au prix d’achat imposé de l’électricité éolienne marine, au minimum 130 €/MWh3. En calculant le surcoût par différence avec les coûts de production en France (et non avec le coût moyen européen comme le fait l’ADEME), les consommateurs français pourraient avoir à débourser en pure perte entre 1 et 3 milliards d’€ par an en 2020 aux conditions actuelles pour le seul éolien marin. Ce coût est considérablement plus élevé que celui que nous pouvons espérer d’autres actions plus raisonnables, qu’il s’agisse d’isolation thermique, de biomasse, de bio carburant ou de nucléaire par exemple.

• L’impact sur l’emploi en France restera faible, les éoliennes étant en quasi-totalité importées, leur conduite de plus en plus télé-opérée et leur maintenance largement assurée par les équipes itinérantes des fournisseurs.

« Sauvons le Climat » ne peut que confirmer son opposition à un développement massif des éoliennes en France tant que leur coût restera aussi élevé et, a fortiori, au développement de l’éolien marin. L’effort économique de l’Etat comme celui des citoyens devrait être réellement affecté en priorité à l’efficacité énergétique, notamment dans le bâtiment et au remplacement des combustibles fossiles dans le transport et le chauffage. Dans ce contexte le développement de l’éolien marin en France (excepté pour les îles) est un non sens économique et environnemental qui pèsera sur le niveau de vie des plus pauvres, tandis que financiers et investisseurs bénéficieront d’une manne inespérée, déjà révélée par de nombreux experts.

Les engagements pris par la France en terme d’éolien offshore pour 2020 ne sont donc basés ni sur un bilan économique, énergétique ou écologique sérieux, ni sur une étude comparative des différentes sources d’énergies. Ils reposent sur la seule nécessité de complaire à l’exigence émise par l’Europe sous la pression de pays qui refusent le nucléaire, de disposer de 23 % d’énergies renouvelables en 2020.

En conséquence, « Sauvons le Climat » demande :

• Qu’un moratoire sur le déploiement de l’éolien offshore soit proclamé jusqu’à ce que des études dignes de ce nom aient été réalisées par des organismes compétents sous le contrôle de la Commission de Régulation de l’Energie et de RTE avec pour objectif clairement affiché une minimisation des émissions de CO2 et des coûts de l’électricité,

• Que la France engage des négociations avec l’Union Européenne pour revoir certains aspects du contenu du « paquet climat » qui sont particulièrement pénalisants et injustifiés pour des pays qui ont su maîtriser leurs émissions de gaz à effet de serre dans la production d’électricité.

1 Dérives fortement dénoncées par Sauvons Le Climat dans plusieurs communiqués 2 Pour Saint Malo et les Chausey, soit à 7000 mètres de la côte, le gain (de facteur de charge) ne devrait pas être considérable par rapport à celui obtenu dans la bande côtière (23%). 3 Le syndicat des énergies renouvelables réclame 200€ et qque les raccordements au réseau soient pris en charge par EDF ou sa filiale RTE.

Voir en ligne : suivre la discussion sur le blog de l’association SLC

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