Bilan de la délégation des réservations préfectorales aux bailleurs

Faire reculer la ségrégation sociale dans les quartiers prioritaires ? Enregistrer au format PDF

Attributions de logement en quartier prioritaire…
Mardi 20 décembre 2016

Le délégué du gouvernement a organisé une réunion avec les bailleurs sur le bilan de la « délégation aux bailleurs des réservations préfectorales »… sujet qui semble très technique, mais qui porte sur un enjeu social essentiel pour nos quartiers populaires : comment éviter de concentrer les plus pauvres toujours dans les mêmes quartiers ?

Si la formulation administrative est compliquée, le sujet est assez simple. La préfecture a des appartements « réservés » comme tous les financeurs de la construction de logements, et elle s’en sert pour loger des fonctionnaires d’état, mais aussi les « publics prioritaires », dont par exemple les bénéficiaires de la loi DALO…

Bien évidemment, la préfecture logeait plutôt aux minguettes des ménages en difficulté qui n’ont pas trouvé de logement ailleurs, non par choix, mais parceque les logements des quartiers prioritaires ont des loyers plus bas qu’ailleurs ! [1]

Dans le cadre de la « politique de la ville », la préfecture a donc décidé de confier au bailleur la recherche de locataires pour ses logements réservés, dans l’objectif de trouver des locataires ayant un emploi et un revenu, pour ne pas concentrer que des familles au RSA… Techniquement, cela s’est traduit par la recherche de demandeurs qui soient au dessus des plafonds PLAI, plafonds de revenus donnant droit aux logements « très » sociaux… [2]

On sait que 70% des Français sont en dessous des plafonds PLS (le logement social le plus cher), donc on droit à un logement social, et sur les 50 000 demandeurs de l’agglomération lyonnaise, 75% ont droit au PLAI, le logement très social. On atteignait même 86% des attributions dans les quartiers prioritaires de Vénissieux en 2013à des ménages « PLAI », donc très pauvres…

L’objectif est donc tout à fait pertinent, faire venir dans les quartiers les plus « difficiles », des demandeurs moins précaires et moins en difficulté…

Cela a concerné de 2014 à 2016 plus de 1000 logements dans l’agglomération, dont 320 logements à Vénissieux… La réunion organisée par le délégué du gouvernement visait à faire un bilan intermédiaire de ce dispositif prévu sur 5 ans…

A Vénissieux, cela concerne principalement Alliade (140 logements), Grand Lyon Habitat (80 logements), Lyon Métropole Habitat (55 logements), ERILIA (28 logements) et quelques logements pour la ICF (8), IRA (5), la SACOVIV (3)

Le bilan fait apparaitre des différences liées à l’histoire des villes, ainsi à Vaulx-en-Velin, beaucoup de petits logements (53% de l’offre disponible en T1 T2) alors qu’ils ne sont que 26% sur Vénissieux, de même il y a une histoire d’attributions de logement à des étudiants à Vaux, compte tenu de la proximité du campus de la Doua

Mais ce bilan est … mitigé, malgré le travail énorme des bailleurs, dont par exemple GLH qui témoignait des efforts de relation avec les entreprises de la zone industrielle pour organiser la réponse aux besoins de logements des salariés qui trouvent un emploi dans cette zone à proximité des Minguettes.

Concernant l’emploi, on note une légère hausse des attributions à des locataires avec un emploi, qui sont 58% à Vénissieux (+3%), proche de la moyenne des quartiers prioritaires de l’agglomération (60%). Par contre, ils sont moins nombreux à avoir un emploi stable, en baisse de 38% à 36% alors que les demandeurs en emploi précaires passent de 18 à 22%. Cela n’étonnera personne car partout, les temps partiels, les précaires, les bas revenus sont en progression constante… même quand le taux de chômage recule un peu…

Concernant les revenus, c’est un peu la même chose… Une très légère augmentation des revenus supérieurs aux plafonds PLAI, qui passent de 14 à 18% dans la ZSP de Vénissieux par exemple et dans l’ensemble des ZSP lyonnaises de 22 à 25%.. Par contre, cette part baisse à la Duchère et Bron…

L’étude réalisée par ABC HLM, organisation groupant les bailleurs sociaux, considère que cette très légère amélioration moyenne est positive car si une volonté n’avait pas été affirmée, on n’aurait pu assister à un « décrochage » de ces quartiers, avec un renforcement de ce que l’ancien premier ministre avait appelé un « apartheid social »…

Pourtant, ce résultat n’est pas à la hauteur de l’enjeu ! Les chiffres nous confirment ce que disent les bailleurs les plus concernés. Nous n’avons pour l’instant pas renversé la tendance à la guettoisation !

  • d’une part, les plus pauvres ne trouvent pas de logement accessibles ailleurs que dans les quartiers prioritaires
  • d’autre part, les moins pauvres sont réticents à venir dans des quartiers qui cumulent les difficultés sociales.

Ce n’est évidemment pas en redonnant au préfet les attributions sur ces logements qu’on va résoudre cette ségrégation car personne, pas même le préfet, ne peut contraindre un demandeur à accepter un logement dans lequel il ne se voit pas vivre… !

C’est le sens des témoignages des bailleurs qui expliquent qu’ils doivent organiser jusqu’à 10 visites d’un logement avant de trouver un candidat qui l’accepte. Les réticences sont principalement liées à tout ce qui rend visible l’insécurité ou les risques d’insécurité. Une porte d’allée qui ne ferme plus, un attroupement devant ou dans l’allée, des traces de vandalismes… Pourtant, beaucoup a été fait autant sur la rénovation des tours que sur les espaces extérieurs et les moyens pour la sécurité… Mais cela ne suffit pas à inverser l’image ni à convaincre un demandeur que le bailleur et les collectivités sont capables de lui apporter la tranquillité qu’il recherche.

Pourtant il y a une part des demandeurs qui connaissent bien le quartier et vont accepter tel bâtiment, mais pas tel autre, telle rue et pas telle autre, dans le même quartier, parce-qu’ils savent où se situent les trafics les plus visibles…

J’ai fait remarquer que si on ne dit pas la vérité sur les volumes, on peut continuer longtemps à chercher à résoudre une équation qui n’a pas de solution ! Car il y a des milliers de demandeurs de logement en dessous des plafonds PLAI, et leur nombre augmente. Or en dehors des quartiers prioritaires, il ne se libère chaque année que quelques centaines de logements à bas loyers ! On peut toujours « répartir » la pénurie, ca reste la pénurie… C’est un peu comme pour la « mixité sociale ». Les politiques officielles disent à la fois qu’il faut rééquilibrer les quartiers prioritaires, et demandent aux bailleurs de faire plus d’efforts pour accueillir les « publics prioritaires »… Dans un contexte ou il manque des milliers de logements, ces deux objectifs sont totalement contradictoires !

Je conforte de ce bilan quelques idées simples

  • il faut renforcer les politiques de soutien au logement social partout, et notamment construire plus de PLAI dans toute l’agglomération. C’est un enjeu d’équité et de droit au logement. Les plus pauvres doivent avoir droit au logement partout ! Il faut donc remettre de l’aide à la pierre massive dans le budget de l’état…
  • mais il faut aussi reconstruire du logement social de qualité dans les quartiers prioritaires, car c’est aussi la construction neuve qui transforme les quartiers et attirent de nouveaux locataires.
  • il faut renforcer la construction en accession réellement « abordable » dans les quartiers prioritaires, à des prix nettement inférieurs à 2000€/m2. Si on ne veut pas le faire avec de la sous-qualité, il faut des aides directes ! L’état dépense des millions pour les aides fiscales aux investisseurs (loi Pinel et autres…), pourquoi ne pas dépenser pour équilibrer des opérations de promotion sociale en quartier prioritaire ?
  • il faut impérativement réussir une rénovation des bâtiments existants de grande ampleur, en ne se contenant pas de la rénovation énergétique ou de façade, mais créant les conditions d’un service nouveau aux locataires et notamment en terme de sécurité, de contrôle d’accès, de tranquillité, donc en touchant aux formes, aux circulations, intégrant la résidentialisation, pour casser la réalité et l’image de la « ZUP » ou on ne se sent pas chez soi dès qu’on sort de son logement.

Bien sûr, ces objectifs urbains de logements ne sont rien sans consacrer beaucoup plus de moyens aux deux enjeux économiques essentiels

  • faire réellement reculer l’économie parallèle, les trafics qui pourrissent la vie des familles et des quartiers
  • investir massivement dans l’emploi et la formation dans les quartiers prioritaires

Mais si l’économie et l’emploi sont les premiers enjeux, la politique de rénovation urbaine des quartiers populaires est décisive, elle doit être renforcée ! Le nouveau plan de rénovation urbaine se déroule avec la forte baisse de l’aide de l’état, pratiquement nulle, tout le financement étant apporté par le 1% logement. Cela ne peut pas suffire !

[1Ils ont été construits à une époque ou le gouvernement finançait la construction, ce qu’on appelle « l’aide à la pierre ». Mais cette aide a été progressivement mise en cause depuis les années 80 et elle a disparu du budget de l’état depuis 2013… résultat, les logements sociaux neufs ont des loyers plus élevés…et les plus pauvres ne trouvent de logement accessibles pour eux…que dans les « quartiers prioritaires »…

[2Pour mémoire, il y a trois plafonds de revenus pour le logement social

  • les logements les plus aidés sont accessibles aux demandeurs avec les plus bas revenus, qui ne doivent pas dépasser un plafond appelé PLAI (à peu près 11000€ pour une personne seule, 19000€ pour un couple avec un enfant…)
  • les logements aidés sont accessibles aux demandeurs avec des revenus supérieur au PLAI, mais inférieur à un autre plafond, appelé PLUS (à peu près 20000€ pour une personne seule, 32000€ pour un couple avec un enfant…)
  • enfin il y a des logements sociaux non aidés par des subventions publiques, avec là aussi un plafond supérieur appelé PLS (à peu près 26000€ pour une personne seule, 42000€ pour un couple avec un enfant…)

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