Grève de la collecte : quelle sortie positive pour le service public ? Enregistrer au format PDF

Vendredi 23 mars 2012

Le mouvement de grève des éboueurs et conducteurs de la collecte du Grand Lyon va atteindre sa deuxième semaine. La décision d’un référé en justice contre les salariés avait mis le feu. Son retrait lundi 19 était une occasion d’apaisement permettant de renouer le dialogue pour arriver à un accord. Mais il a de nouveau été déposé en justice et le conflit s’est durci. En complément de la déclaration des élus communistes et citoyens du Grand Lyon, une contribution sur ce qui me parait utile pour une sortie de conflit dans l’intérêt général.

  • Pour les habitants de l’agglomération, c’est bien sûr un conflit qui a des conséquences graves sur la vie urbaine, avec des amoncellements de déchets sur les trottoirs qui posent des problèmes d’hygiène, de sécurité, de propreté.
  • Pour les agents concernés, comme dans toute grève, c’est une forte tension, une perte de salaire, un risque de conflits, de divisions.
  • Pour la collectivité, c’est un défi pour trouver une sortie de conflit dans l’intérêt général du service public, en tenant compte des objectifs poursuivis par le projet et des revendications des agents.

Le point de départ de cette grève est une nouvelle répartition géographique de la collecte entre le public et le privé. Auparavant, Lyon et Villeurbanne étaient partagés entre public et privé, tout comme le reste de l’agglomération. Dans le nouveau marché, le privé ferait entièrement les deux villes centre et le public la totalité du reste.

Évidemment, chacun a son interprétation. Les syndicats considèrent qu’il y augmentation du tonnage collecté pour le privé au détriment du public, alors que le Grand Lyon souligne qu’il y a au contraire plus de tournées, plus de communes, et plus d’habitants en régie.

Les revendications exprimées dans un appel à la population de l’intersyndicale des agents portent sur

  • le maintien en régie des rondes actuelles de Lyon Villeurbanne
  • l’amélioration des conditions de travail

Tout le monde comprend que la réorganisation des circuits de collecte impacte fortement de nombreux agents. La grève, qui est bien sûr un droit, est donc aussi compréhensible et légitime. Le projet du Grand Lyon s’inscrit dans la répartition 50/50 entre public et privé. Une solution de compromis devrait donc être possible. Mais le conflit se durcit au contraire, avec blocage de sites et référé en justice contre les syndicats. Il est difficile de comprendre pourquoi ce projet n’a pas fait l’objet d’une concertation préalable, comme cela avait été le cas en 2003. Le droit de la concurrence, les remarques de la chambre régionale des comptes interdisent de publier les cahiers de charges de consultation avant leur lancement officiel. Mais les principes d’organisation, les objectifs poursuivis, les garanties de service public pour les usagers comme pour les agents auraient du être présentés aux instances de concertation et aux élus.

Pour trouver une sortie positive pour les agents et le service public, il faut revenir sur l’intérêt général des habitants, car c’est le seul point de vue qui permet de justifier le service public.

Les critères de décision pour confier au privé ou au public

  • l’intersyndicale dénonce un choix de confier au privé les rondes les plus rentables, car collectant les plus gros tonnages. Ce critère de rentabilité ne peut pourtant servir pour différencier public et privé. C’est la qualité du service rendu aux habitants qui doit compter. Dans le cadre d’une répartition 50/50, l’appel au privé doit se faire avec une vraie concurrence pour réduire le coût pour la collectivité, mais ne doit pas non plus faire pression à la baisse comme les grands donneurs d’ordre privés, car nous savons tous que cela se répercute sur les conditions de travail des travailleurs et la qualité du service. C’est la comparaison public-privé qui doit nous dire si les rondes confiées au privé sont anormalement rentables. Si le privé propose un prix très bas, on doit s’assurer qu’il ne cache pas une qualité mauvaise et des conditions de travail anormales. L’intérêt général est bien de contrôler que le service public confié au privé réponde aux besoins.
  • La collectivité confie au privé toutes les rondes qui fonctionnement en service complet [1] , renforçant ainsi l’impression qu’il y a une différence de traitement entre Lyon-Villeurbanne et le reste de l’agglomération. Pourtant, le service complet répond aux contraintes des zones très denses, aux rues étroites dans lesquelles les bacs ne peuvent rester dehors. Mais des quartiers résidentiels de Lyon, comme à Montchat, ou des quartiers d’immeubles très ressemblant aux villes de banlieue, comme dans le 8e, en bénéficient alors que dans des centre villes de périphérie, la gestion des bacs pose autant de problèmes que dans le centre de Lyon et pourrait conduire à un service complet !.
  • Si les syndicats demandent le maintien au public des rondes de Lyon Villeurbanne, il faut aussi parler des rondes actuellement faites par le privé et qui serait faites par la régie publique dans le projet du Grand Lyon. Si on peut critiquer la répartition cœur d’agglomération contre périphérie proposé par le Grand Lyon, on ne peut pas plus considérer que la répartition Ouest d’agglo au privé, Est au public, soit plus acceptable ! Le critère de discussion de la répartition devrait être de savoir où le privé apporte un service correct dans des conditions normales, et à un prix qui est gagnant pour la collectivité !

Faut-il alors tout confier au public ? Cette question doit être posée, comme pour l’eau ou d’ailleurs tout service public. Nous défendons le principe du service public, en considérant que l’appel au privé n’est nécessaire que quand le service public a besoin de produits ou services qui sont dans le secteur marchand.

Mais ce principe doit se mettre en œuvre dans la réalité en mesurant son impact sur les coûts pour l’habitant. Pour ce qui concerne l’électricité, tout le monde sait que le privé est plus cher. Pour l’eau, beaucoup d’expériences montrent aussi que le retour en régie est bénéfique pour l’habitant. Pour l’instant, les chiffres comparant le privé et le public dans la collecte des déchets ne sont pas en faveur du public. Il y a égalité en terme de qualité de service si on juge le taux de réclamation, et le privé est quasiment deux fois moins cher que la régie. C’est donc en proposant une analyse du service et une organisation plus efficace que la question d’une réponse 100% publique doit être posée. Ce ne peut donc être le cas dans ce renouvellement de marché 2012, et doit être posé dans la perspective du prochain mandat, avec un processus de construction avec les citoyens du cahier des charges d’un tel service public renouvelé.

A court terme, on peut se demander pourquoi ne pas consulter le privé sur toutes les rondes de la communauté, et ne décider de la répartition dans le cadre du 50/50 que sur la base des offres. Bien sûr, certaines entreprises pourraient faire des offres plus basses sur les rondes qui les intéressent, mais le jeu de la concurrence jouerait, et s’il ne savent pas lesquelles seront sélectionnées, le service public pourrait alors décider de la répartition en toute connaissance.

La qualité du service et les conditions de travail des agents

La proposition de réorganisation des rondes de collecte proposée par le Grand Lyon est présentée comme répondant aux critiques de la cour des comptes, à la revendication d’un samedi sur deux pour les agents, et à la réduction des accidents de travail. Mais elle ne dit rien sur la qualité du service public rendu aux habitants. De leur coté, les syndicats revendiquent de manière surprenante le passage à un samedi sur deux comme étape vers la suppression de la collecte du samedi ?

Si on ne part pas du besoin public, on ne trouvera pas de bon compromis. Il est évident pour tout ceux qui regardent les poubelles le lundi matin avant la collecte que la ronde de weekend est aujourd’hui insuffisante. Les raisons en sont multiples et concernant aussi les bailleurs, car ce sont les gardiens d’immeubles qui sortent ou pas les bacs. Donc s’il est normal que les quartiers résidentiels ne soient pas collectés tous les jours, personne ne peut accepter la remise en cause du service sur 6 jours dans les zones denses d’habitat collectif, et surtout dans nos banlieues ! Faut-il alors faire appel au privé ? La défense du service public passe par l’affirmation que le service public est organisé pour répondre aux besoins publics toute l’année, y compris pour le nettoiement des marchés le dimanche par exemple !

S’il y a une question qui devrait être posée à cette occasion, c’est la question du fini-parti, dont personne ne parle, ni le Grand Lyon qui sait que s’il remettait en cause ce principe, il aurait une grève encore plus dure, mais ni non plus les syndicats, qui savent que beaucoup d’agents le considère comme un avantage pour réduire la durée de la journée de travail. On sait que parfois, les travailleurs peuvent être leur propre exploiteurs, en cherchant à « courir » le plus vite possible pour gagner plus, que ce soit avec la paie aux pièces dans l’industrie, ou ce « fini-parti » dans la collecte, qui est l’exemple même du piège qui oppose les intérêts des personnels et des citoyens, au lieu de les faire converger. L’agent court le plus vite possible au risque de l’accident du travail (en augmentation nette ces dernières années), et avec comme conséquence la mauvaise qualité de la gestion des bacs.

La question centrale posée à tous les acteurs, élus, services du Grand Lyon, agents de la collecte, syndicats, et en fait à tous les habitants, est bien la question de la qualité du service public de collecte dans toute l’agglomération, au service de la stratégie des déchets qui vise à réduire le volume total de déchet, à augmenter significativement la collecte sélective, le compostage, le recyclage.

  • Faut-il passer à deux tournées de collecte sélective ?
  • Quels moyens pour améliorer la qualité de la collecte (silos enterrés, bacs mieux entretenus, propreté des lieux de collecte…)
  • Comment mieux coordonner le travail des agents de collecte avec le travail des gardiens qui gèrent les bacs, ne sortir les bacs qu’à l’arrivée du camion ?

Toutes ces questions montrent la nécessité d’une bataille pour le service public, ce qui suppose de rassembler les efforts des personnels, des élus, des associations et des citoyens. Cela peut paraitre idéaliste en plein conflit qui prend des tournures très agressives. Chacun peut dire ce qu’il pense de ce qu’il aurait fallu faire pour éviter cette situation, mais ce qui est sûr, c’est que l’essentiel est aujourd’hui d’appeler au dialogue sur une vraie solution, à partir des objectifs poursuivis par le Grand Lyon et des revendications des agents, et qui réponde aux besoins des habitants.

[1l’éboueur va chercher les bacs dans l’allée de l’immeuble et le rapporte, alors que dans le reste de l’agglomération, c’est le rôle du gardien d’immeuble

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