Impertinence, consensus, et pensée unique Enregistrer au format PDF

Lundi 20 septembre 2010

J’ai retrouvé cette intervention datant de 1998 à la rencontre « vers l’administration électronique » à l’assemblée nationale… il me semble qu’elle était tout à fait « pertinente » et que depuis s’est encore aggravé la concentration toujours plus grande d’Internet autour de quelques géants techniques et financiers (google, facebook…)… et la privatisation toujours plus grande du secteur de la communication fabricant de grandes fortunes pendant qu’Internet s’éloigne de toute dimension citoyenne…

Plusieurs interventions ont soulignés les possibilités offertes par les inforoutes « d’impertinences » dans l’expression des citoyens, des membres d’un intranet… Pourtant, cette rencontre est restée largement consensuelle dans la forme. L’a-t-elle été dans le fonds ? Permettez-moi quelques impertinences pour éclairer cette question.

D’abord sur le public.

Participant pour la première fois comme élu local à une rencontre nationale, j’ai été surpris d’une apparente majorité de fonctionnaires. S’agit-il d’une spécificité des NTIC ? Conséquence ou pas, en dehors de quelques questions (formation) qui touchent de près les fonctionnaires, peu de débat sur le sens des démarches engagées, sur le contenu des services, des usages…. Il est vrai que notre collègue anglais a été clair : « sur l’internet l’état doit parler d’une seule voie, du premier ministre au fonctionnaire de base »  !

Et sur le débat…

En dehors de la faconde connue de A Santini, les quelques réactions sont venues apparemment soutenir les anecdotes ou propositions les plus libérales : privatisations socialistes dans le cadre d’un état « réduit » toujours de notre collègue anglais, externalisation du service informatique d’Issy les moulineaux… Y-avait-il donc consensus sur les vertus libérales ? Internet est-il un sujet apolitique ou carrément vecteur du libéralisme ?

Et quelle est la réalité concrète des projets, de leur utilisation… Au-delà des effets marketing bien connu de ce secteur, combien de déclarations de naissance sur le Net à Parthenay ? Combien d’actes administratifs par le net à Issy ? Combien d’heures de connexion par habitants dans ces villes pionnières ? Quelle sont les financements d’exploitation stabilisés en dehors de la participation d’entreprises privées sur leur budget marketing, ou de leur participation à l’investissement initial dans le cadre d’une privatisation de fait ? Que vient faire dans la discussion la gestion des délits dans le SIG d’ISSY. Comme dans de nombreuses autres villes je suppose, il existe un observatoire géographique de la délinquance depuis plus de 5 ans à Venissieux, mais il s’agit d’application informatiques et pas d’intranet !

Citoyenneté ?

La faiblesse du débat politique pendant ces rencontres surprend quand on écoute les nombreux discours faisant état du merveilleux outil démocratique et citoyen que représenterait Internet.

Un mot très consensuel, certes… Mais quand un responsable de groupe de travail est interrogé, il nous propose d’attendre la publication du rapport intermédiaire dans 4 ou 5 mois… Pourtant, on peut lire sur certains sites ministériels (justice par exemple) des documents provisoires, des comptes-rendus de réunion qui ne représentent pas des décisions, ni des documents officiels…. Vieille question d’ailleurs. Les documents internes des administrations sont-ils secrets ? Peut-on réclamer leur diffusion ? On aurait pu attendre des propositions plus innovantes sur les conditions du débat citoyen dans sa liaison avec le débat gouvernemental ou parlementaire…

Aide au développement dans les zones de dynamisation rurale ou urbaine ?

Quand est évoqué l’Etat minimal ou le coût social de l’automatisation du travail des cols blancs, on évoque vaguement de nouveaux métiers qui viendraient compenser ce coût social. Y-a-t-il des études statistiques sur l’évolution des emplois liés au développement des intranet, par exemple dans le privé ? Quels sont les types d’emplois touchés ? Question simplement évoquée quand au rôle de la secrétaire sur la boite aux lettres du cadre.

l’emploi ?

Dans mon expérience en société de conseils, les secrétaires qui assuraient les tâches administratives et documentaires des chefs de projets et consultants ont été largement supprimés dans la crise du début des années 90. Mais l’industrialisation de certaines activités de conseils autour d’outils de modélisation par exemple conduit parfois à recréer des fonctions de support pour l’administration de dossiers entièrement numérisés. Comment confirmer ou infirmer cette expérience ?

Enfin, quelles études permettent de cerner les localisations préférentielles des entreprises de la société de l’information ? Peut-on parler de spécificité ? En dehors de quelques exemples volontaristes, que disent les statistiques sur le moyen terme… Ne constate-t-on pas un développement traditionnel autour de centres technologiques des grandes agglomérations ?

La société de l’information ?

A moins que cette société de l’information soit une société non marchande, que dire des affrontements économiques, du rôle de l’europe, du secteur public ? Un seul chiffre pour illustrer les enjeux : Le couple WinTel représente 8% du CA mondial de la microinformatique et près de 60% des résultats ! (GARTNER Group 1997), mais quels sont les acteurs européens, français.. Y-a-t-il un enjeu politique, les collectivités locales doivent-elles s’en préoccuper ? L Fabius cite en introduction les logiciels libres, mais la discussion les oublie vite… la présence des principaux éditeurs de logiciels « non libres » y-est-elle pour quelque chose ? Et ne parlons pas du câble, des opérateurs téléphone… ! Au delà des mythes répandus pendant la déréglementation, à quelle situation la concentration à venir des opérateurs conduira dans 10 ans ? Faudra-t-il un procès à la Microsoft pour découper en morceaux le futur géant des télécoms ?

Les enjeux internationaux…

Il était très intéressant d’introduire une dimension internationale aux discussions. Les exemples présentés par le représentant de l’internet Society étaient instructifs. Mais au delà des usages et des projets Internet, quelles sont les enjeux ? L’exemple de l’informatique indienne préfigure-t-il un rééquilibrage des échanges économiques ? Quelle est la réalité de la répartition et des transfert de valeur ajoutée ?

Les grandes sociétés informatiques françaises n’ont-elles pas ratées le virage du progiciel par exemple, quand les grands éditeurs sont allemands, hollandais et américains ? Concernant les progiciels, chacun sait qu’ils deviennent structurant pour les organisations. Faut-il un investissement public pour des progiciels qui prennent en compte les spécificités de l’administration française ou au contraire, profiter des changements technologiques pour diffuser progressivement d’autres modèles d’organisations administratives ?

Le rôle de la « puissance publique »

Au delà de l’impertinence ou non du discours, je suis, comme élu local de banlieue, confronté à la perte de sens de l’état, à sa démission de fait de ses responsabilités de base dans la vie de la société. Je fais donc le choix d’un renouveau de la politique comme vecteur de construction d’un lien social qui ne peut se réduire aux échanges marchands. Je suis donc demandeur d’un débat politique sur le développement d’Internet.

Comment garantir un accès à tous dans les meilleures conditions, comment garantir à tous la possibilité d’exister réellement sur le réseau, de produire… Qui va maîtriser les contenus ? Par exemple, quel rôle pour les bibliothèques publiques, les médiathèques dans la profusion d’encyclopédies ?

Je refuse la fable du gentil internaute moderne et de l’arriéré politicien franchouillard…. C’est un choix politique à la base du discours d’Hourtin qui rend possible pour l’administration d’inventer un état républicain avec Internet, et non pas de laisser se développer un Internet marchand réduisant le rôle de l’état. Ceux qui utilisent Internet, comme un prétexte à la réduction libérale de l’état, n’ont pas la partie gagnée !

Je propose pour ma part la généralisation de la publication en ligne de TOUT compte-rendu de réunion ; du conseil des ministres aux commissions municipales, en ajoutant les groupes de travail, conseils, créés par ces structures politiques au sein des administrations. C’est déjà le cas pour certains, mais pourquoi pas un objectif politique de généralisation, voire même du caractère juridiquement contraignant de la publication préalable des documents préparant une délibération ?

Enfin, je propose de faire le pari d’un nouveau mode de développement économique autour des technologies d’internet, en s’appuyant sur deux aspects cruciaux :

  • La coopération d’acteurs économiques assurant le développement du territoire sur la base de la mise en valeur des ressources humaines et non pas de la réduction de leur coût apparent,
  • la standardisation des technologies de développement autour d’architectures de composants interopérables développés en logiciels libres, permettant ainsi le partage maximum des coûts et la réactivité maximum à la diversité des besoins.

En résumé, il s‘agit de promouvoir la coopération contre la concurrence, sujet politiquement pertinent ! Je souhaite que ces quelques idées contribuent à un débat plus direct sur les enjeux politiques des NTIC dans l’administration de l’état et des collectivités.

Voir en ligne : rencontre organisée par l’association admiroutes

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