Logement social

La fabrique de la proximité… Enregistrer au format PDF

Jeudi 26 mai 2016 — Dernier ajout vendredi 27 mai 2016

J’ai participé ce 24 Mai à La Doua au lancement et à un premier atelier de la « Fabrique de la proximité », une initiative de l’association régionale des bailleurs sociaux. Un grand espace plein de caméras, tablettes, écrans, avec au centre une tribune surmontée d’écrans géants sur les quatre cotés et sur le pourtour de la salle, des espaces regroupant des petites tables rondes…

L’objectif est de « stimuler, échanger, accompagner » une « communauté de talents, composée d’équipes pluridisciplinaires de tous âges et de diverses compétences professionnelles partage une même ambition : la qualité de service au locataire. »

Les participants sont des gardiens, agents de proximité, agents de médiation, assistant technique, responsable d’immeubles… des bailleurs de toute la région, dont une petite dizaine d’agents de la SACOVIV.

Le sujet, la proximité, est une de ces questions politiques fondamentales d’une société « moderne » éclatée entre violences et inégalités. La méthode se veut innovante, moderne, numérique… pour inventer de nouveaux « services aux locataires ».

J’étais venu par intérêt pour une démarche qui place les acteurs de la proximité au cœur, ces agents de première ligne face à la crise sociale et urbaine, ceux qui se coltinent les inégalités, les conflits, les tensions, les incivilités, et parfois pire, tout ce qui fait le quotidien des quartiers « difficiles », où vivent ceux qu’on classe souvent rapidement dans l’expression « cas sociaux », dès qu’on parle de logements « sociaux », ce qui bien sûr n’a rien à voir avec la réalité…

Il y a quelques mois, j’avais participé à une rencontre organisée par les bailleurs à Vénissieux sous une forme d’ateliers en petits groupes, un peu dans cet esprit pour permettre à chacun de s’exprimer facilement. Cette expérience m’avait paru intéressante, et je venais pour mieux comprendre comment une telle démarche peut réussir à une plus grande échelle.

Je n’ai passé qu’une matinée, mais je repars avec plus d’inquiétudes et de questions que de réponses…

Passons sur cette mode de l’anglicisme qui croit faire moderne. Une espace bar devient un « world cafe », et pour exprimer un choix on « like »…

Mais ma première perception, c’est le grand écart entre ce qu’exprime autour de ces tables rondes les acteurs de proximité, et la complexité de l’installation globale, les dizaines, plus de cent peut-être, « animateurs » visiblement formés et qui doivent faire vivre une « méthode » dans laquelle les acteurs sont presque au final des figurants… pendant que les « premiers rôles » sont autour de la ministre dans son interview télévisée…

Chaque groupe doit discuter pour répondre à des questions prédéfinies, la première est sans doute représentative « qu’est ce que l’accompagnement des locataires en difficulté »… Bien sûr, la question est large et permet à tout le monde de trouver des exemples dans son expérience : difficultés financières, difficultés de voisinage, difficultés de santé… et de la discussion émerge en fait beaucoup de « sous-questions », comment identifier la difficulté ? comment orienter vers le bon service ? comment partager avec ses collègues qui ont peut-être d’autres aspects du problème ? comment créer de la confiance sur des sujets privés qui peuvent être difficiles ?…

La Fabrique de la proximité, les tables rondes de travail…

Mais la formalisation de ce qui émerge ainsi est difficile. Un des membres du groupe a été désigné pour saisir les réponses sur une tablette numérique, qui centralise automatiquement tout ce qui est proposé…et je suppose que certains vont consolider ce qui se dit dans toutes les tables…

Périodiquement, une sonnerie retentit et chaque groupe doit changer de table pour brasser les idées et essayer d’obtenir cette « effervescence » que les animateurs demandent. Car le discours présentant la méthode de travail est très médiatique, on se croit un peu dans un jeu télévisé, il faut sourire, plaisanter, et surtout, surtout, ne pas critiquer, il parait que ça bloque la créativité… J’avoue avoir beaucoup de mal avec ce discours faussement consensuel, cette injonction à être heureux qui me parait être en fait un discours très technocratique, celui de ces cabinets conseils anglo-saxons qui pour appeler les salariés à travailler plus leur font répéter en chœur « play hard ! ».

Bien sûr, c’est fait dans la bonne humeur, et on a le droit de préférer la comédie au drame pour évoquer des situations difficiles, mais en faisant attention que les paillettes ne masquent pas les difficultés !

D’autant que bien sûr, la méthode ne permet pas de poser les questions qui dérangent, et notamment celles des moyens du logement social.

  • Les moyens du financement de sa construction, du grand écart entre l’offre et la demande, quantitativement, mais aussi qualitativement..
  • Les moyens de la gestion de proximité, avec le nombre de personnes sur le terrain, l’accompagnement social des familles en difficulté, la gestion des incivilités… Or, si les professionnels ont besoin de s’organiser au mieux, ils ont aussi la responsabilité d’identifier les moyens nécessaires. Les responsables du logement social ne peuvent pas dire à leurs agents « organisez-vous au mieux en étant créatif dans la bonne humeur », sans rien leur dire sur l’écart entre les moyens et les besoins.

Alors bien sûr, les centaines d’agents de bailleurs qui échangent et partagent leur expérience font un travail utile, et je suis sûr que la plupart repartent confortés, avec des idées, des exemples venant d’autres et qui leur seront utiles. Au total, ces agents de première ligne qui peuvent avoir des moments de découragement dans leur métier, ont sans doute pris des forces dans ces journées.

Mais ce grand écart entre le travail du quotidien, et les discussions des premiers rôles me met vraiment mal à l’aise. Hélène Geoffroy, ministre de la ville, peut ainsi défendre les partenariats public-privé à la tribune, en discutant avec les représentants de Bouygues et Suez, partenaires de la journée, qui se présentent comme les champions du service de proximité… et bien sûr très favorables aux partenariats publics-privés…

La Fabrique de la proximité, le plateau télé et la ministre…

Je suivrai avec attention les résultats du travail réalisé par les groupes, comment il a ou non permis d’innover, de surprendre, y compris ceux qui ont préparé ces rencontres. Mais je crois que la méthode de travail en petit groupe exige une autre organisation globale du partage et de la restitution de ce travail, et surtout des moments pour identifier les contradictions, accepter la critique, qui peut être elle-aussi créative !

Voir en ligne : le site de la fabrique…

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