Réunion du comité interprofesionnel du bois

La filière bois-énergie, un enjeu pour nos réseaux de chaleur Enregistrer au format PDF

Intervention
Dimanche 18 novembre 2012

Merci de votre invitation pour cette réunion de travail de votre comité qui précèdera une visite d’une chaufferie biomasse qui a fait couler beaucoup d’encres… et qui est aujourd’hui, vous vous en rendrez compte cet après-midi, une installation aux technologies récentes, performantes d’un point de vue environnemental et participant à plein à la mixité de production d’un réseau de chaleur de Vénissieux qui dessert plus de 10000 foyers à très grande majorité très populaires. Il faut savoir que plus de 32% des Vénissians vivent sous le seuil de pauvreté, et sans doute plus de 40% sur le périmètre du réseau de chaleur.

Au nom du maire de Vénissieux, Michèle Picard, je souhaite vous dire quelque mot sur cette chaufferie bois et souligner quelques questions politiques sur les réseaux de chaleur et le bois-énergie, notamment dans le contexte du Grand Lyon.

Le réseau de chaleur, un choix affirmé

Le réseau de chaleur de Vénissieux est un choix politique pour apporter une réponse publique, égale et garantie pour le droit au chauffage de tous les usagers. La ville défend et souhaite promouvoir son réseau de chaleur, outil incontournable dans le contexte actuel de lutte contre la précarité énergétique et les émissions de gaz à effet de serre.

C’était un vieux réseau lié à la construction des ZUP avec un contrat de délégation ancien. La ville est intervenu depuis longtemps pour peser sur les conditions de production, donc les tarifs, avec le CHV, un combustible lourd qui était à l’époque à très bas coût, et qui représentait déja une forte réduction des pollutions par rapport au fuel lourd de l’époque. Mais la raffinerie de Feyzin qui le fournissait lui a trouvé d’autres débouchés. Nous avons aussi testé les graisses animales, avant qu’on ne les retrouve dans le cosmétique, enfin nous avons lancé une chaufferie bois, une des premières de cette taille en France.

La construction initiale et la décision de reconstruire

La mise en service en 2005 n’a pas apporté, comme vous le savez, les résultats attendus. L’objectif n’a jamais atteint, pire, la production n’a cessé de se réduire au fil des ans. Face à la défaillance du constructeur de la chaudière, la ne voulait pas laisser les usagers dans l’impasse. Dès que cela a été possible juridiquement, elle a engagé la reconstruction de la chaufferie bois, et cette affaire est en justice pour faire reconnaître les préjudices et obtenir des indemnités pour tous les usagers.

La nouvelle installation est en service depuis Novembre 2010 et répond de manière très satisfaisante aux objectifs de production et aux contraintes environnementales fixées. Elle a produit 51000Mwh en 2011 et 43000 à fin Septembre, c’est à dire qu’on sera probablement en 2012 au dessus des 40% du contrat.

De plus, l’utilisation du CHV n’étant plus possible, nous avons réalisé une chaufferie gaz de 15 MW mise en service en novembre 2011 avec un prix de gaz qui permettait à l’époque une baisse du tarif, malheureusement vite effacée par la hausse continue du gaz en 2011.

La réduction de toutes les émissions polluantes sur le long terme était déja impressionnante et avec la reconstruction de la chaufferie bois et la mise en service de la chaufferie gaz, les rejets de CO2 ont été réduits de 46 %, et les poussières de plus de 60 % entre la situation de 2009 et celle de 2011.

Cependant, si nous avons progressé au plan environnemental, et si nous avons surmonté l’échec de la première installation bois, nous avons toujours un tarif trop élevé, notamment dans notre contexte social. L’année 2010 avait sonné l’alerte avec un P1 dépassant 60€. Nous sommes redescendu autour de 47€ ce qui nous fait un coût complet au sens AMORCE dont j’espère qu’il se rapprochera des valeurs nationales moyennes cette année.

Mais nous continuons à travailler pour dépasser nettement les 50 % d’Enr sur le réseau au plus vite, ce qui est à la fois une contribution au plan Climat, et bien sûr ouvre droit à la TVA réduite pour la part consommation. Nous avons deux projets ; le raccordement à la station d’épuration voisine de St-Fons, qui brûle à l’air libre plus de 3MW depuis longtemps, et la création d’une nouvelle capacité biomasse, soit par la ville, soit dans le cadre d’un projet du Grand Lyon à Gerland.

Enfin, nous considérons que notre consommation va rester stable, avec bien sûr un effort de réduction des consommations sur le parc existant, mais aussi des extensions de réseau, comme celle que nous réalisons en ce moment dans le centre ville.

Les leçons politiques

Notre réseau est illustratif des enjeux des réseaux de chaleur pour les collectivités locales, et on constate, dans la foulée des discussions des Grenelle, que le choix du réseau de chaleur s’affirme partout, et que les efforts pour l’efficacité énergétique ne le remettront pas en cause. Sur notre parc social, on est aujourd’hui autour de 140kwh/m2 avec de gros dossiers qui suppriment les situations exceptionnelles dépassant 200Kwh, (plans de sauvegarde, PIG energie). On attend bien sûr l’ANRU2 pour savoir si les bailleurs pourront continuer à agir..

De ce point de vue les scénarios énergétiques qui laissent croire qu’on pourrait aller en masse beaucoup plus loin, comme le scénario Negawatt, sont totalement irréalistes. L’essentiel du parc existant atteindra déjà difficilement l’objectif moyen RTT2012 rénovation, soit pour nous un peu en dessous de 100Kwh/m2. La consommation globale de notre réseau va donc rester stable, et les nouveaux immeubles qui seront eux moins consommateurs trouvent intérêt à un raccordement qui s’inscrit dans une perspective d’énergie renouvelable majoritaire.

Tout l’enjeu est justement de rendre les réseaux de chaleur accessibles et moins chers notamment dans les quartiers populaires ce qui suppose de favoriser les grandes chaufferies biomasse, et je reviendrais sur ce point à propos du plan de protection du climat de l’état. Il faut aider les bailleurs sociaux à atteindre le niveau RTT2012 rénovation pour gagner 20 à 30% sur leur consommation et donc autant sur les factures, mais pour l’instant, aucun gouvernement ne s’est décidé à subventionner l’efficacité énergétique du logement social.

Il faut aussi que les outils d’urbanisme favorisent le raccordement aux réseaux de chaleur et c’est un des objectifs du Grand Lyon dont vous savez qu’il étudie une prise de compétence sur l’énergie.

Mais comme vous pouvez le constater, je suis comme adjoint au maire totalement engagé dans les efforts de la commune pour faire de son réseau de chaleur un réseau exemplaire d’un point de vue social et environnemental, et notre expérience d’une grande agglomération est double. La communauté est indispensable pour porter une stratégie de long terme à l’échelle de l’agglomération, pour porter de grands projets, faire évoluer les règles d’urbanisme, mais c’est aussi une grande machine et il faut préserver les capacités d’agir des acteurs de terrain que sont les communes et les intercommunalités. C’est pourquoi nous avons discuté sur une démarche qui permette une prise de compétence stratégique du Grand Lyon, ce qui est le cas pour les schémas directeurs des réseaux de chaleur par exemple, et qui maintienne une compétence des communes qui le souhaitent pour agir sur l’exploitation de leur réseau, la relation aux usagers, les choix des rythmes de développement.

Développer les réseaux de chaleur est aussi une forte contribution au plan climat. Mais la révision récente du plan de protection de l’atmosphère proposée par le Grand Lyon nous pose problème. Alors qu’il reste pour l’essentiel silencieux sur les efforts nécessaires pour maintenir une industrie de production urbaine et propre, il propose des contraintes renforcées sur les chaudières biomasse, autant pour les petites capacités que pour celles des réseaux de chaleur. Le résultat sera bien sûr de rendre plus difficile l’équilibre économique d’un réseau de chaleur biomasse, et donc favoriser les solutions gaz au niveau des immeubles… ce qui est pour le climat un contresens.

Le développement des réseaux de chaleur suppose aussi de nouvelles conditions de transparence pour une relation avec les usagers qui ne peut plus être une simple relation de fournisseurs à client. Comment faire notamment pour permettre une transparence vers l’usager à travers les réseaux secondaires qui sont sous la responsabilité des bailleurs et syndics et pas du réseau de chaleur ? Comment outiller les réseaux pour mesurer, réguler, communiquer sur les températures, de consigne, mesurée, minimales et maximales, perçues… On sait dans nos immeubles qu’il est très difficile d’agir avec les habitants sur la température, certains ont froid à 22°C, d’autres constatent de grands écarts de températures entre appartements… On doit permettre que s’exprime une coresponsabilité de tous les acteurs de la chaine du réseau, de la production, à la distribution, du gestionnaire aux usagers, avec le rôle des communes et les approches globales, de la métropole, de la région…

Enfin, bien sûr, le développement des réseaux de chaleur suppose l’accroissement de la production de chaleur biomasse, donc une filière bois-énergie efficace et stable à moyen-long terme. C’est un enjeu décisif car dans mon expérience, j’ai connu du MWh bois à 16€ en 2005, 24€ en 2010, et on me dit que demain, il faudrait accepter 40€ pour une grande centrale biomasse du Grand Lyon. Si la gestion du bois-énergie reproduit les phénomènes de marché que connaissent les énergies fossiles, c’est toute la démarche qui sera mise en cause. Je ne crois pas aux solutions qui, comme pour le solaire ou l’éolien chercherait à agir sur les prix de marché, mais au contraire à la nécessité d’investissements publics lourd pour les infrastructures nécessaires à la filière, pour la gestion des réserves, et pour un marché qui assure à tous les acteurs une stabilité des prix et limite au maximum les positions spéculatives.

C’est un point qui est certainement au cœur de vos discussions.

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