La réforme Logement dans le détail Enregistrer au format PDF

Analyse du texte de l’article 52 de la loi de finance 2018
Dimanche 22 octobre 2017 — Dernier ajout lundi 23 octobre 2017

J’ai pris le temps d’une lecture détaillée du texte de l’article 52 de la loi de finance 2018 qui concerne la réforme du logement social décidé par le gouvernement pour être sûr de bien comprendre les nouvelles règles de définition des loyers du logement social, mais c’est finalement l’exposé des motifs, rédigé par ce gouvernement, qui est le plus utile à faire connaitre, tellement il illustre le grand écart entre les discours et les actes… Car ce gouvernement continue à dire qu’il veut mieux répondre au mal logement, qu’il veut améliorer la situation du logement social, alors même qu’il fait exactement le contraire…

Extraits du texte de l’article 52…

Article 52 Réforme des aides au logement et de la politique des loyers dans le parc social

(…) 2° L’article L. 351-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé : « Le montant de l’aide personnalisée au logement est réduit, pour les bénéficiaires concernés par l’article L. 442-2-1, à hauteur d’une fraction fixée par décret, comprise entre 90 % et 98 %, de la réduction de loyer de solidarité prévue parce même article. » ; (…) 6° Après l’article L. 442-2, il est inséré un article L. 442-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 442-2-1. - Pour les logements ouvrant droit à l’aide personnalisée au logement gérés par les organismes mentionnés à l’article L. 411-2, à l’exception des logements-foyers conventionnés en application du 5° de l’article L. 351-2, une réduction de loyer de solidarité est appliquée, par les bailleurs, aux locataires dont les ressources sont inférieures à un plafond fonction de la composition du foyer et de la zone géographique. (…) « Le montant mensuel de la réduction de loyer de solidarité est fixé chaque année par arrêté conjoint des ministres chargés du logement et du budget dans la limite des montants fixés de la manière suivante pour l’année 2018 :

Désignation Montant maximal (en euros)
Bénéficiaire isolé 50
Couple sans personne à charge 61
Bénéficiaire isolé ou couple ayant une personne à charge 69
Par personne supplémentaire à charge 10

 »

Résumons les décisions

  • l’APL est réduit selon le montant d’une « réduction de loyer de solidarité », qui fait pendant au « supplément de loyer de solidarité » imposé aux locataires qui dépassent les plafonds…
  • cette « réduction de loyer de solidarité » est imposée aux seuls bailleurs du logement social, pour les locataires bénéficiant de l’APL, donc les plus modestes parmi ceux qui sont en dessous des plafonds…
  • le montant va de 50€ pour une personne seule, à 99€ pour une famille de 4 enfants…

Mais il est vraiment utile de lire l’exposé des motifs associé à chaque paragraphe de cet article 52…

Commençons par l’objectif principal…

Le Gouvernement entend ainsi réduire la dépense publique associée à la politique du logement tout en améliorant ses résultats. La réforme portée par le présent article prévoit ainsi une réduction de 1,7 Md€ du montant des aides personnelles au logement tout en préservant le pouvoir d’achat des allocataires et en améliorant l’accès au logement des plus modestes

On comprend bien que l’essentiel est la réduction de 1,7Md€ des dépenses de l’état pour le logement. Mais le gouvernement veut nous faire croire que c’est pour le bonheur des locataires les plus modestes… Il reprend même une critique des amicales de locataires, de la fondation Abbé pierre, des élus communistes et d’autres, qui dénoncent l’augmentation du taux d’effort des ménages pour le logement…

Le niveau élevé des loyers et la progression constante du taux d’effort des ménages, malgré la progression simultanée du volume des aides personnelles, sont au cœur du constat préoccupant qui motive la présente réforme.

Le texte de loi donne même des chiffres officiels !

Dans son étude sur les conditions de logement en France publiée au printemps 2017, l’INSEE expose ainsi que les locataires consacraient, en 2013, 28,4 % de leur revenu à se loger dans le parc privé, et 24,1 % dans le parc social, et souligne que ces taux d’effort, très élevés, sont en hausse par rapport à 2001 : de + 4,8 points dans le parc privé et de + 3,9 points dans le parc social, les loyers ayant progressé plus vite que le revenu des locataires. L’accroissement de l’effort a, en outre, davantage pesé sur les plus modestes : + 7,8 points pour les locataires du parc privé du premier quartile de revenu et + 5,1 points pour ceux du secteur social, et ce malgré la contribution des aides personnelles au logement qui se concentrent sur ces ménages.

C’est clair, le problème se pose partout et encore plus dans le logement privé. Un locataire du privé doit faire plus d’effort et cet écart augmente… Premier point ou le gouvernement fait le contraire de ce qu’il dit ! Il décide… de ne pas s’occuper du logement privé et d’imposer des baisses de loyer au seul logement social, dont les loyers sont pourtant déjà nettement plus bas que le logement privé…

Le gouvernement a même le cynisme de reprocher aux bailleurs sociaux de ne pas accueillir les ménages aux revenus les plus modestes, ce que font évidemment encore mois les propriétaires privés. Effectivement, l’APL n’empêche pas que parfois, le taux d’effort soit trop élevé, notamment pour une personne au RSA par exemple, les seules charges, non couvertes par l’APL la mettent parfois dans une situation ou son reste à vivre est en dessous de 10€ par jour… et le bailleur hésite à lui attribuer le logement car il ne voit pas comment elle va s’en sortir, et il a raison. Mais il y a une solution simple, c’est bien que le calcul de l’APL prenne en compte les charges, ce que évidemment le gouvernement ne veut pas !

Alors que les analyses mettent en évidence une difficulté croissante d’accès aux logements du parc social pour les ménages aux revenus les plus modestes, au vu notamment de la fréquence des ajournements en commission d’attribution de logement (CAL) pour cause de faiblesse des ressources et de taux d’effort trop élevés, ce dispositif apparaît de plus en plus inadéquat : il peut entraîner une éviction des ménages aux revenus les plus modestes et ne garantit pas le bon usage des deniers publics consacrés au secteur du logement social (17,5 Md€ par an selon la Cour des comptes).

L’argument des dépenses est toujours le même et ne s’applique bien entendu qu’aux dépenses sociales. 17Md€ pour l’aide au logement, c’est trop, on nous dira aussi que le RSA, c’est trop, les retraites, c’est trop, les indemnités chômage, c’est trop… Mais bizarrement, les dépenses militaires, les dépenses pour les entreprises, pour les banques, les intérêts de la dette…ce n’est jamais trop !

Ce nouvel instrument, qui permet d’articuler le montant du loyer (fixé en fonction du logement) et le niveau de ressources du locataire, vise à moduler le loyer à la baisse pour les ménages dont le revenu est inférieur à un certain niveau de ressource. S’il existe bien, en effet, un mécanisme de modulation du loyer à la hausse, le surloyer de solidarité, lorsque les revenus du locataire dépassent le plafond de ressources attaché au logement, il n’existe pas à ce jour, de modulation du loyer à la baisse équivalente permettant au bailleur d’adapter le coût du logement à la situation du locataire.

On croit rêver. Le gouvernement veut nous faire faire croire que sa réduction de budget des APL est en fait une mesure de justice pour que les loyers ne soient pas trop élevés pour les locataires les plus modestes. En faisant le parallèle entre réduction de loyer et surloyer dit de solidarité, il veut nous faire croire qu’il agit pour des loyers qui serait en quelques sorte dépendants des revenus… Qui peut croire que ce gouvernement très libéral se prononce pour une fixation administrative des prix ? C’est d’ailleurs une proposition des communistes de fixer un loyer maximum à 20 ou 25% des revenus… Mais le gouvernement n’y croie évidemment pas. Il laisse de coté la moitié des locataires qui sont dans le privé. Il veut d’autre part forcer les bailleurs à faire partir les locataires en surloyer… Mais le plus incroyable dans ce discours, c’est que la réduction de loyer de solidarité… ne change rien à la quittance des locataires concernés, puisque cette réduction va conduire à une baisse des APL d’autant.. Autant dire que le « taux d’effort » ne changera pas du tout !

Par contre, l’état transfère la charge de 1,7Md€ des APL aux…bailleurs sociaux qui vont devoir tailler dans leurs dépenses de fonctionnement (entretien, proximité) ou d’investissements (réhabilitation, construction…), c’est à dire réduire le service apporté aux locataires !

J’ai déjà eu l’occasion de montrer la duplicité mensongère du discours gouvernemental, avec cette phrase du porte-parole du gouvernement, justifiant la loi travail car « plus jamais le travail ne sera une variable d’ajustement » dira-t-il, alors même que le principe de la loi est de faciliter les licenciements, théoriquement pour faciliter les embauches, c’est à dire pour faire du travail la variable d’ajustement des entreprises…

Les motifs rédigés de cette réforme logement dans la loi de Finance relèvent de la même pratique politique détestable. On affirme le contraire de ce qu’on fait, en pensant que des médias dociles et des citoyens démobilisés vont suffire à faire passer le mensonge.

  • Non, il n’y a pas de baisse de quittance, donc pas de baisse de taux d’effort pour les locataires les plus modestes.
  • Non, ce n’est pas dans le logement social que les taux d’efforts sont les plus élevés, mais dans le logement privé que le gouvernement ne touche pas
  • Non, ces mesures ne vont pas provoquer un « choc de l’offre » pour augmenter les constructions en zone dense, elles vont au contraire réduire les moyens des bailleurs et donc le volume de réhabilitation et de construction.

La politique à l’ère Macron est devenu le pire des marketings, une publicité mensongère ! Raison de plus pour le faire connaitre à tous, faites tourner !

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