Le service public des déchets et la « TEOM »…. Enregistrer au format PDF

Mardi 4 décembre 2018

Je représente le groupe des élus communistes, parti de gauche et républicains à la « mission TEOM » mise en place par la métropole pour prendre position suite aux décisions de justice annulant le vote des taux de cette « taxe d’enlèvement des ordures ménagères ». Cette commission se réunit tous les mercredis et votera un rapport qui sera présenté au conseil de métropole en janvier.

Il s’agit de résoudre un problème juridique, tenir compte des jugements et des modifications législatives pour une délibération 2019 solide juridiquement, mais il y a derrière le fonds de la délibération, le mode de financement du service public de prévention et de gestion des déchets…

Un litige juridique qui interroge un choix politique…

Depuis 2010, à Lyon comme dans d’autres agglomérations, des collectifs « anti-impots », la CANOL [1] à Lyon, attaquent en justice les délibérations des collectivités fixant les taux de taxe d’enlèvement des ordures ménagères, la « TEOM » et… elles gagnent ! Les décisions des tribunaux vont de l’annulation des délibérations tout en maintenant les taux, à l’annulation des taux eux-mêmes, ce qui conduit des entreprises à se faire rembourser par l’état !

L’historique des décisions est complexe, avec une succession de jugements, de changements législatifs ou réglementaires… mais la pression de ces décisions pousse à faire évoluer la collecte vers un service marchand ou chacun paie en fonction de son usage du service, ce qu’on appelle alors une « redevance » d’enlèvement des ordures ménagères ou REOM. 

Avec la TEOM, la base de calcul est la valeur foncière, ce qui pousse des élus de l’ouest à défendre « des personnes âgées avec de grandes maisons qui paient chers alors qu’elles ne font que peu de déchets… » ce qui rejoint les attaques des grands groupes de la distribution, refusant de payer un service qu’ils n’utilisent pas…

La question est pourtant simple : pour les écoles, les personnes sans enfants scolarisés peuvent-elles demander le remboursement de la part de leur impôt qui finance les écoles ? Bien sûr que non ! Or, la TEOM est bien une taxe fiscale, un impôt ! Le fait qu’elle soit dédiée à une mission de service public ne change pas sa nature ! L’impôt est une invention républicaine qui concrétise notre responsabilité commune pour tout ce qui « fait société », et à l’évidence, la gestion des déchets est un service public essentiel, vital ! Chacun s’en rend compte quand il y a une grève, et là, même ceux qui ne produisent pas de déchets protestent ! Il est légitime que tout le monde y contribue selon une règle qui est déterminée par une décision politique. La gestion des déchets n’est pas une prestation privée dont chacun négocierait le prix !

Les décisions de justice n’ont évidemment jamais mis en cause la loi permettant de financer la collecte par une taxe fiscale, mais ont condamné différents aspects des délibérations, d’abord leur transparence, ensuite le fait de prendre en charge les déchets « assimilés » des commerces notamment, enfin le caractère manifestement excessif de la TEOM par rapport aux dépenses  [2].

C’est le point de départ de cette affaire sur laquelle j’étais intervenu pour le groupe communiste le 27/06/2011 : l’excédent entre la TEOM et les dépenses de fonctionnement de la collecte avaient déjà été commentées l’an dernier. Elles l’ont été aussi par la CCSPL. Nous renouvelons notre demande d’un tableau analytique qui donne une vue globale des dépenses de fonctionnement et d’investissements liés à la collecte.

Et c’est la première remarque politique sur cette situation. Le vice-président Thierry Philip a été bien seul dans cette longue histoire. Visiblement, la présidence Collomb a toujours cherché, d’étape en étape, à seulement justifier son fonctionnement, sans jamais permettre au vice-président en charge de prendre en main l’enjeu politique essentiel, la bataille pour la transparence, condition de la légitimité de l’impôt… Car c’est bien l’écart entre les dépenses et les recettes de la gestion des déchets qui est le point de départ des actions de la CANOL… [3]

Souvenons-nous de Gérard Collomb répondant en séance du conseil quelque chose comme « la propreté, ça ne finit jamais, de toute façon, on n’y peut rien », qui révélait ainsi son faible intérêt politique pour cet enjeu premier du quotidien urbain, en dehors de sa dimension économique et des relations avec les grands groupes présents à Lyon, et bien sûr, des inconvénients des grèves…

La présidence de la métropole sur ce sujet a pêché d’orgueil, offrant ainsi à la CANOL le cadre de ses victoires juridiques… Il faut se féliciter de la mise en place de cette mission, des bonnes conditions de transparence de son travail, qui peut conduire à une décision largement soutenue si elle reste dans l’optique d’un service public.. Pour cela, voila les propositions des élus communistes et parti de gauche que je porte dans cette mission.

Les propositions des élus communistes et parti de gauche

  • Le choix du financement fiscal

La commission TEOM va rendre son avis prochainement, et la position des élus communistes et parti de gauche de la métropole sera guidée, au-delà des dimensions juridiques, par l’exigence de renforcement des moyens du service public de prévention et de gestion des déchets, en affirmant la nécessité de l’équité fiscale et de la transparence citoyenne.

Nous défendons le financement par l’impôt, donc la TEOM, d’un service public essentiel au quotidien de nos villes. Il est légitime que tous les contribuables soient concernés, car ils sont tous concernés par le cadre de vie et que tous sont les premiers à dénoncer les dysfonctionnements de la collecte des déchets, notamment par exemple quand une grève conduit à voir s’accumuler des déchets sur nos trottoirs… Et si tout le monde est concerné par les dysfonctionnements, c’est que tout le monde est concerné par le service public ! Et pour la même raison, nous refusons des exonérations sur des critères autres que sociaux, et nous proposons d’en rester aux abattements et dégrèvements existants sur critères sociaux de la taxe foncière.

  • Un financement fiscal équitable…

La base actuelle de la TEOM est définie par la loi, et nous rappelons qu’une grande réforme visant l’équité fiscale est nécessaire avec notamment une remise à plat de la valeur foncière des biens. En l’attente, et pour ce qui concerne la métropole, il s’agit donc uniquement de déterminer les taux.

Actuellement ceux-ci dépendent de la fréquence de collecte et du niveau de service, dit « complet » à Lyon et Villeurbanne. Nous rappelons notre critique des taux actuels modifiés par le conseil de métropole du 10 avril 2017 décidant que les fréquences 4 et 5 ont le taux de la fréquence 3 [4].

De plus, le taux actuel est inéquitable quand on compare la collecte en habitat populaire vertical et la collecte en pavillonnaire… En effet, pour un foyer, on autorise 800l par semaine… mais dans une tour de 80 logements, cela ferait 16 grands bacs tous les jours… et on ne saurait pas ou les mettre… Donc souvent, le service est « sous-dimensionné » dans les tours… Pourtant le taux n’étant lié qu’à la fréquence, la tour a en général, en dehors de Lyon, le taux maximum !

Le taux de taxe doit être fixé en fonction de critères concernant l’organisation du service. La logique fiscale pourrait conduire à avoir un taux unique qui représente la contribution de tous au service public. Dans une autre société, non capitaliste, on supprimerait toutes ces taxes fiscales pour assurer le financement des services publics par l’impôt progressif sur le revenu, le plus équitable puisqu’il repose sur un principe clair « de chacun selon ses moyens »… et un impôt sur les actifs (fortune, foncier…) qui pousse à privilégier le travail sur la rente… Cela dit, une telle proposition est irréaliste dans notre société capitaliste.

Dans notre contexte, il nous parait logique d’avoir une base significative égale pour tous et finançant la structure de collecte, et une part dépendante de l’importance des moyens mobilisés pour chaque point de collecte. De ce point de vue, en liant le nombre de bacs et la fréquence, le critère à prendre en compte pourrait être le volume de bacs par semaine par foyer. Nous demandons d’étudier cette hypothèse pour en mesurer l’impact sur les contribuables.

  • Un service prenant en compte les déchets assimilés

Un des enjeux de la collecte concerne les commerces. Leurs déchets d’activité sont régis par différentes règles et doivent faire l’objet de services de collecte professionnels. C’est bien sûr le cas des déchets dangereux, des déchets de boucherie ou poissonnerie… qui n’ont rien à faire évidemment dans les bacs publics de collecte.

Cependant, tous les commerces ont aussi des déchets de même nature que les ordures ménagères, que la loi définit comme des déchets « assimilés » qui sont désormais finançable par la TEOM. La métropole les autorise à un volume hebdomadaire de 800l de collecte. Ce point fait l’objet de nombreux litiges liés au dépassement et aux difficultés des commerces à organiser leurs déchets de manière responsable.

Nous pensons que la collecte des déchets « assimilés » fait bien partie du service public et l’expérience montre que c’est un enjeu important de la collecte et de la propreté des espaces publics. En effet, les alentours d’un commerce sont souvent salis par des déchets liés à l’activité du commerce et de nombreuses actions « propreté » sont conduites par la métropole en direction des commerces.

L’organisation de la collecte de l’ensemble des déchets assimilés par la métropole serait un geste favorable à une relation plus forte avec l’ensemble des commerces pour réduire leur impact sur la propreté urbaine.

Cela suppose d’en évaluer les coûts et de les prendre en compte dans le mode de financement.

  • Une fiscalité incitative ?

Le principe d’un financement par la fiscalité ne veut évidemment pas dire que les citoyens ne doivent pas s’intéresser au volume de déchets. Le principe « de chacun selon ses moyens », ne s’oppose pas à la responsabilité individuelle et collective sur le volume de déchets, et donc sur le coût total du service. Cela renvoie à la dimension très importante de la prévention des déchets qui fait l’objet d’une consultation encours par ailleurs (voir ma contribution au programme local de prévention ).

La loi prévoit la possibilité d’une taxe dite « incitative » dont une part est variable en fonction du volume de déchets de chacun. Certaines villes ont ainsi installés des bacs poubelles fermés à clés et pesés par le camion de collecte… système techniquement complexe et coûteux à installer, système générateur de fraude, de litiges de voisinages, et… d’une nette augmentation des dépôts sauvages. C’est surtout un système socialement injuste tant les différences dans le contenu des poubelles sont clairement la conséquence des inégalités dans les modes de consommation !

C’est pourquoi les élus communistes s’opposent à toute solution incitative reposant sur la pesée des bacs, dont tout le monde comprend que la cohérence conduit à considérer la collecte comme une prestation marchande qu’on consomme plus ou moins, et donc à quitter le financement fiscal pour aller vers la marchandisation de ce service public [5].

Cependant, l’expérience des discussions à Vénissieux sur le passage de certaines tournées de zones résidentielles en fréquence 3 montre que le taux peut aider au débat sur le volume de collecte nécessaire. Chacun comprend que s’il faut un bac par semaine, ou deux bacs par jour, le coût du service est différent ! Et personne ne peut justifier de produire des déchets évitables sous prétexte que d’autres financeraient le service. La responsabilité individuelle existe aussi dans le service public !

Nous demandons d’étudier un taux basé sur le volume hebdomadaire de bacs installés sur un point de collecte rapporté au nombre de foyers desservant ce point de collecte. Cet indicateur permet de prendre en compte à la fois la fréquence et les moyens nécessaire pour la collecte, tout en assurant l’équité des taux en fonction de la mobilisation réelle des moyens. Dans une tour d’habitat social, cela conduit sans doute à diminuer légèrement le taux…

Cet indicateur n’est pas incitatif puisqu’il ne dépend pas de la collecte effective… Si un bac compté dans le taux n’est pas présenté, cela ne change rien, s’il est vide non plus ! Par contre, cet indicateur permet de responsabiliser les habitants et permet de montrer qu’en faisant des efforts pour un meilleur tri sélectif, pour la réduction des emballages, pour le compostage.. on peut arriver à réduire le nombre de bacs nécessaires, et donc le taux !

  • une fiscalité incitative pour la propreté urbaine ! La qualité du service public de collecte est un des enjeux de la propreté urbaine. D’abord parce-que les points de collecte sont évidemment des lieux où on trouve des déchets au sol, que l’entretien de ces lieux est un facteur de propreté, sachant qu’il peut être fait par les équipages de collecte, ou par les gestionnaires des bacs…

Ensuite parce-qu’on observe très souvent des incivilités autour des bacs, dépôts d’encombrants, de sacs à ordures… La règle est que le service de collecte doit récupérer les sacs hors bacs, et la métropole organise l’enlèvement des encombrants sur voirie. Les services de collecte interviennent ensuite auprès des gestionnaires pour faire réduire ces incivilités, et peuvent aller jusqu’à mettre en cause le passage de la collecte dans les situations les plus graves. De leur coté, les bailleurs dépensent beaucoup pour éviter les encombrants dans les sous-sols ou en pied d’immeubles. Au total, personne n’est satisfait !

Nous demandons d’étudier une part variable « incitative » à la qualité de gestion du lieu de collecte, reposant donc sur le volume d’enlèvements hors bacs (encombrants, sacs, déchets…). Cette part variable jouerait un rôle important pour les déchets assimilés dans la relation aux commerces.

  • Créer les conditions de la transparence

La transparence envers les citoyens commence par la transparence avec les élus ! Si les élus ne peuvent vérifier l’écart entre recettes et dépenses de collecte, il est sûr que les citoyens ne pourront le faire.

La première étape, qui semble faire consensus, est de mettre en place un budget annexe, qui permet de constater l’ensemble des recettes et des dépenses « nécessaires à l’exécution du service » [6].

Une condition de lisibilité de ce budget annexe est d’imputer le plus clairement possible les coûts dits « indirects ». Nous demandons de privilégier l’affectation le plus systématiquement possible des dépenses des fonctions supports en structurant les marchés pour permettre aux fournisseurs d’isoler la part destinée à la collecte dans leurs factures. Un exemple concerne les assurances, qui sont bien sûr négociées globalement pour toute les missions de la métropole, mais pour lesquelles il est simple de demander aux assureurs de préciser la part de la prime qui couvre les équipements de la collecte. Quand cette affectation n’est pas possible, la clé de répartition nécessaire doit être compréhensible pour le citoyen et son évolution doit être commentée pour la justifier.

Mais le budget annexe doit aussi être construit pour aider

  • à comprendre le coût des déchets « assimilés »
  • à comprendre le coût des différentes filières de collecte (porte à porte, sélective, déchetteries…)
  • à comprendre le tarif de vente des déchets aux incinérateurs
  • à comprendre les coûts et recettes liées aux échanges en dehors de la métropole
  • à comparer les données avec d’autres métropoles
  • à suivre le coût des mesures d’incitation, de sensibilisation, d’éducation, et de sanctions pour la qualité du service de collecte

Il doit être le plus proche possible des éléments du rapport annuel sur la qualité des services publics, afin que les discussions sur les évolutions de la collecte trouvent naturellement leur traduction budgétaire

La transparence auprès des citoyens suppose aussi des outils de communication donnant accès aux principaux indicateurs (dont l’écart entre les recettes et les dépenses) de manière aisée et le plus direct possible.

Vers une position de large consensus ?

Nous souhaitons que le travail réalisé par la mission TEOM permette d’aboutir à un accord large sur la base du maintien d’une TEOM, avec un taux adapté qui tienne compte de l’organisation du service, mais sans mise en œuvre d’une pesée des bacs, dans le cadre d’un budget annexe favorisant la transparence et la lisibilité des dépenses et des recettes.

[2excessif selon la jurisprudence veut dire supérieur de 15%…)

[3de ce point de vue, et quoi qu’on pense des positions de la CANOL sur les impôts, position très à droite politiquement, il faut redire que les citoyens sont légitimes quand ils vérifient l’usage de l’argent public !

[4au passage, j’ai fait remarqué à Laurence Ballas, élu LR de Lyon dénonçant le tarif « service complet » qui s’appliquait à tous les lyonnais alors qu’ils n’en bénéficiaient pas tous, que j’étais le seul à être intervenu en séance pour questionner la création des tarifs fréquence 4 et 5 qui étaient fixés au même taux que la fréquence 3…

[5même si il est possible d’avoir une TEOM incitative

[6une des causes de litiges avec la CANOL est que cette association ne prend en compte que les dépenses directes delacollecte, et ne prend pas en compte ce qui n’est pas directement affecté aux lignes debudgets « collecte », comme l’informatique, les assurances, ou la collecte de nettoiement… qui sont pourtant indispensables !

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