Les réseaux sociaux comme une forme moderne d’autodafé… Enregistrer au format PDF

Dimanche 11 mars 2018

J’ai été surpris un matin sur France Inter par une intervenante demandant l’interdiction d’un livre pour adolescentes parce-qu’elle le jugeait sexiste. La justification était que le livre disait aux adolescentes que l’avantage d’avoir des seins pouvait être d’attirer le regard des garçons… Je me suis demandé si cette intervenante n’allait pas exiger dans la foulée l’interdiction de la chanson de Souchon « sous les jupes des filles »…

150 000 personnes ont signé la pétition contre ce livre qui a été vendu à ….5000 exemplaires. Voilà un exemple entre autres du piège des réseaux sociaux qui font prendre position à des milliers de gens sur des rumeurs, des citations tronquées, sorties de leur contexte…

Il y a eu beaucoup de commentaires depuis, qui montrent que si le livre est critiquable, c’était un livre qui tentait de dédramatiser les craintes que les transformations de l’adolescence génère, dans ce cas pour les filles, qui le faisait en tentant de faire rire les lecteurs en relativisant le regard des autres, et en insistant sur l’idée que chacun peut faire à sa manière, et par exemple sur ce sujet, avec ou sans soutien-gorge.

Mais le buzz des réseaux en a décidé autrement et le puritanisme de celles qui veulent faire croire que les filles et les garçons ne s’interrogent pas sur les différences des sexes à l’adolescence et sur leurs relations ont conduit l’éditeur à l’arrêt de la publication, et plus grave encore, à l’abandon de la série par la dessinatrice, qui avait créé cet univers de quatre filles dont elle voulait ensuite raconter les aventures au collège et ailleurs…

Quand on lit la violence des commentaires du genre « En voyant ces passages extrêmement sexistes et dégoulinant de clichés, j’ai vraiment eu envie de casser des trucs. Puis d’y mettre le feu. Et enfin de rassembler les cendres en boule à jeter contre un mur. Vous voyez l’idée », on se dit que les réseaux sociaux peuvent être une forme moderne d’autodafé. Et bien sûr tous les poncifs de la pensée médiatique se retrouvent avec par exemple la dénonciation d’un livre raciste parce-qu’il n’y avait pas la « diversité » dans ces 4 filles qui étaient… blanches. Il se trouve que la dessinatrice s’était inspirée de ces 4 copines d’enfance… Quand vous racontez une histoire, faites bien attention à respecter les quotas nécessaires… Il va falloir envoyer au buché des milliards de livres !

Ce petit exemple confirme une maladie grave de la démocratie qui se développe sur cet internet qui devient le canal essentiel d’information de millions de gens. Une maladie qui se propage massivement par ces grandes entreprises mondiales qui collectent nos données pour nous dire ce que nous devons lire et penser, les google facebook bien sûr, mais aussi les change.org et autre plateformes qui proposent un service apparemment utile mais qui est d’abord un énorme service de renseignement sur nos liens et nos discussions…

Et le même jour, j’entendais une émission sur la levée de l’anonymat sur les dons de sperme, avec un reportage au Danemark ou des femmes choisissent le père de leur enfant sur catalogue, l’une d’elle expliquant qu’elle l’avait choisi avec la même couleur de cheveux et d’yeux qu’elle… L’enfant comme un produit ! Mais où va-t-on ?

On peut s’inquiéter que la future loi contre les fakenews sur les réseaux ne deviennent pas une loi pour la police de la pensée… L’éducation aux médias est tout autant nécessaire pour internet que pour la télévision, avec l’enjeu que des milliards d’internautes lisent et cliquent comme si c’était seulement un jeu…

La semaine dernière, le livre On a chopé la puberté, signé par Mélissa Conté Grimard et Séverine Clochard, avec des illustrations d’Anne Guillard, et publié aux éditions Milan, a été à l’origine d’une polémique sur les conseils qu’il véhiculait. L’éditeur a annoncé qu’il ne réimprimerait pas l’ouvrage, qui mettait en scène des personnages créés par l’illustratrice Anne Guillard il y a plusieurs années pour le magazine Julie. Dans une lettre ouverte, l’auteure annonce qu’elle met fin à cette série, et ne dessinera plus ces personnages.

Lettre ouverte

En tant qu’illustratrice du livre « On a chopé la puberté » , j’ai le regret d’annoncer qu’après les proportions sidérantes de la polémique, et suite à l’arrêt de commercialisation de l’ouvrage qui en a découlé, j’ai décidé de stopper intégralement l’univers des « Pipelettes« , aussi bien les livres dérivés que la BD mensuelle dans le magazine ; et ce malgré l’insistance des éditions Milan pour continuer cette collection.

Il m’est impossible de continuer de dessiner les Pipelettes comme s’il ne s’était rien passé, ce qui reviendrait à accepter tacitement cette situation. Le résultat de cette polémique éclair sera donc la disparition de toute une collection créée, écrite, et éditée par des femmes, et publiée par un éditeur jeunesse qui s’est publiquement engagé pour l’égalité des sexes.

Les Pipelettes étaient à l’origine les héroïnes d’une petite BD d’humour publiée depuis 10 ans dans un magazine ; elles sont très populaires auprès des jeunes lectrices. Tellement que Milan a voulu en faire les mascottes d’une collection de livres thématiques dont le texte a été confié à deux journalistes habituées des publications pour pré-ados. Nous avions déjà commencé à travailler sur les thèmes des prochains livres : le collège, la confiance en soi… Il aura fallu à peine 48h pour ruiner publiquement cet univers.

Désolée pour les jeunes lectrices qui attendaient la suite. Merci aux messages individuels de soutien, qui hélas ne feront pas le poids face à la mobilisation et la pression qui pèse sur l’éditeur pour ne pas ré-imprimer l’ouvrage.

La semaine dernière, le livre On a chopé la puberté, signé par Mélissa Conté Grimard et Séverine Clochard, avec des illustrations d’Anne Guillard, et publié aux éditions Milan, a été à l’origine d’une polémique sur les conseils qu’il véhiculait. L’éditeur a annoncé qu’il ne réimprimerait pas l’ouvrage, qui mettait en scène des personnages créés par l’illustratrice Anne Guillard il y a plusieurs années pour le magazine Julie. Dans une lettre ouverte, l’auteure annonce qu’elle met fin à cette série, et ne dessinera plus ces personnages.

148.249 personnes mobilisées contre un livre publié à 5000 exemplaires : donc des gens qui n’ont pas lu ce livre avant de le critiquer accusent l’éditeur de ne pas avoir lu ce livre avant de le publier, et estiment devoir empêcher les autres de le lire.

Vous avez le droit de trouver que les auteures auraient pu donner des conseils plus judicieux, ou que les extraits que vous avez vus tourner ne sont pas adaptés ; vous avez le droit de trouver ce livre idiot, ringard ou inapproprié… Mais si vous réclamez qu’on fasse disparaître un ouvrage parce que vous n’en approuvez pas le contenu, alors c’est vous qui vivez au Moyen Âge.

J’ai même vu passer des accusations de racisme, pour avoir dessiné 4 héroïnes « toutes stéréotypées, blanches, pas assez racisées ! » … Alors que j’avais seulement dessiné mes amies d’enfance, à qui ces BD autobiographiques ont été publiquement dédiées dès le début : elles nous représentent telles que nous étions à l’école, une bande de VRAIES filles avec leurs caractères propres, et non des concepts calibrés pour répondre à des exigences de diversité.

C’est bien d’avoir à cœur de préserver l’âme de nos petites filles contre les livres dangereux. Et comme vous êtes des adultes vigilants, vous n’oublierez pas non plus de les mettre en garde contre les dangers des réseaux sociaux et des lynchages collectifs.

A.G.

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