Les roms, le marché, et une vie digne pour tous Enregistrer au format PDF

Lundi 4 mai 2015

Le travail déterminé et tenace de la ville sur le marché sauvage des Minguettes a repris après les 3 mois perdus pour l’annulation des élections. Chaque Jeudi et Samedi matin, c’est une organisation importante qui est mise en place pour empêcher l’installation de ces forains de la misère et des trafics. Mais si ce travail permet de contenir ce marché, on sait que dès que le dispositif est levé, les installations reprennent, et que ce sont toujours à chaque marché, des tonnes de déchets que les services municipaux et métropolitains doivent enlever. Bref, ce marché est contenu sans être résorbé.

Les discussions entre habitants sont parfois vives. Certains sont excédés « on ne peut même plus aller à pied au marché sur les trottoirs, il faut marcher sur la rue, et pour tous ceux qui se déplacent difficilement, c’est la galère » tandis que d’autres disent « il faut bien qu’ils vivent de quelque chose… »

Il me semble que ce qui peut réunir tout le monde, c’est cette idée que nous défendons sur tous les sujets. Tout le monde a droit a une vie digne !

La plupart de ces forains de la misère sont des Roms venant des différents camps de l’agglomération. Pourquoi venir sur ce marché des Minguettes ? Tout le monde le sait bien, principalement parce qu’’il y a des clients pour ce qu’ils vendent, des récupérations de poubelles, des produits périmés qui se vendront pour de toutes petites sommes, et aussi des produits de recel, notamment tôt le matin, et qui sont souvent vendus par des trafiquants qui n’ont rien à voir avec les roms, mais qui profitent de cet espace de non droit.

Cette installation est aussi facilitée par l’espace, car contrairement aux marchés populaires des Etats-Unis ou de Villeurbanne, il y a beaucoup de place autour du marché des Minguettes. Les premières actions de la ville ont justement portées sur la réduction de cet espace, en protégeant les abords du magasin Dia, puis du château d’eau, puis de l’église, avant de retrouver ce marché en face, coté piscine et rue des martyrs, dans un immense espace ouvert que personne ne souhaite bien sûr fermer, mais qui est donc très facile pour l’installation.

Il y a donc ce marché d’abord parce qu’il y a la misère, parce qu’il y a en France depuis des années de véritables bidonvilles, dans lesquels s’entassent des familles qui fuient la misère, la violence des mafias, le racisme… Bien sûr, le plus visible, ce sont les Roms, avec leur histoire particulière faite de siècles d’esclavages au cœur de l’Europe, de siècles d’oppressions et de misères qui ont marqué leur culture, et aussi leur place politique dans leurs pays d’origine et dans tous les pays qu’ils traversent à la recherche d’un lieu pour survivre. Mais les bidonvilles en France, ce ne sont pas que les Roms, ce sont aussi des personnes, des familles souvent, qui basculent en dehors de la société « officielle », en dehors des systèmes de solidarité, et qui se retrouvent sans droits, sans logements, parfois même sans papiers, même en étant Français ! Et on les retrouve dans les interstices urbains, les délaissés de périphériques, d’autoroutes, de friches urbaines… Le plus connu est à Paris, mais on peut aussi le constater en allant de Lyon à Grenoble… Et il y a aussi l’errance dans les hôtels pour pauvres, les campings qui ne sont plus des lieux de vacances, mais de survie…

Les Roms mettent la lumière sur cette réalité sociale qui nous dit que notre société peut retourner au pire de ce qu’elle a connu, à un moyen-age social où comme dans un pays du sud pillé par l’occident, des milliers de familles se retrouvent dans ce « quart-monde ».

Et bien sûr, la violence est toujours celle des plus forts. Les mafias, les trafiquants du pire sont très à l’aise dans ce moyen-age social, mendicité forcée, déscolarisation, prostitution, trafics humains, esclavagisme… ceux qui subissent déjà la misère sociale subissent le plus souvent cette violence qui fait de l’homme un loup pour l’homme.

Mais cette misère sociale n’est pas isolée de la grande pauvreté plus « classique » de ceux qui ont encore un logement, encore des droits, une pension, une indemnité…Il n’y a pas « deux mondes » qui seraient autonomes, au contraire. Il y a à Lyon quelques dizaines de familles Roms qui ont pu obtenir un vrai logement, certaines ont des papiers en règle, et on sait bien qu’il y a des musiciens roms devenus célèbres ! A l’opposé, on peut avoir été salarié toute sa vie en France, être au minimum vieillesse, et dans une situation familiale qui enferme dans l’isolement et la pauvreté, jusqu’à se retrouver exactement comme ces sans-droits, sans logements…

Alors quand certains disent « il faut bien que les roms vivent, et ça permet aux plus pauvres d’acheter quand même certaines choses », on voit bien que c’est le pire des pièges qu’on peut tendre aux quartiers populaires. Car ce qui devrait réunir les Roms et la grande pauvreté, les sans-droits à ceux qui perdent leurs droits, tout comme les pauvres et les moins pauvres, c’est au contraire l’exigence de droits pour tous, d’une vie digne pour tous !

Est-il digne de faire les poubelles pour revendre sur un trottoir ? Est-il digne d’acheter un déchet sans savoir s’il est utilisable ?

Oui, la défense des droits des Roms, des sans-papiers, des sans-logements, est une urgence, sans laquelle c’est la jungle qui domine pour tous, pendant que la richesse exulte dans la grande bourgeoisie et les oligarchies économiques.Mais cette défense doit se fixer une règle intangible. Refuser d’enfermer les exclus dans leur exclusion, défendre le droit des roms à des papiers et un logement, et non pas à des squatts et des poubelles !

Il y a à Vénissieux des associations de solidarité. Vous pouvez y donner ce que vous voulez jeter, si c’est encore utilisable. Vous pouvez organiser du troc, vous pouvez faire vivre des jardins d’insertion, distribuer des repas décents et sains avec les restos du cœur, aider les actions de solidarité du Secours Populaire ou du Secours Catholique, participer aux initiatives sociales d’Emmaus… Bref, des milliers d’occasions de tisser du lien entre toutes les catégories sociales. Acheter sur ce marché de la misère, c’est exactement le contraire. C’est organiser la « libre concurrence de tous contre tous », défendre localement ce « marché » qui veut décider de tout.

A Vénissieux, avec les roms, comme avec les autres, ce qui doit guider la solidarité, c’est l’action pour une vie digne pour tous. Le maire vient de publier de nouveaux arrêtés anti-expulsions, anti-coupures. Retrouvons-nous le plus nombreux possibles au tribunal administratif pour les défendre comme un symbole de résistance !

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