Logement : un choc de privatisation et de précarisation… Enregistrer au format PDF

Introduction à une formation sur le logement des élus communistes
Mardi 27 mars 2018

Une introduction au contexte général du logement social, pour situer la réforme logement du gouvernement par rapport au modèle du logement social en France, et les questions auxquelles nous sommes confrontées avec les locataires et les bailleurs dans cette situation que la fondation Abbé Pierre décrit chaque année du « mal logement » :

  • 4 millions de personnes mal logées, dont 900 000 dans des conditions très difficiles (sans domicile, en bidonville, en hébergement contraint, en hotel…), 2 millions en privation de confort, 900 000 en surpeuplement accentué, 200 000 gens du voyage dans de mauvaises conditions…
  • 4 millions de personnes modestes en surpeuplement modéré, presque 4 millions en précarité énergétique et qui se chauffe mal, 1 million dans un logement de copropriétaire en difficulté, 1 million dans un logement de locataire en impayé. Au total, 6 millions de personnes avec un effort financier logement excessif…
  • Au total, 14,6 millions de personnes dans le « mal-logement »

Un choc de privatisation

Dans ce contexte, loin d’annoncer une politique ambitieuse de réduction rapide de toutes ces formes de mal-logement, le gouvernement annonce un « choc de l’offre » dont la logique est celle à l’œuvre pour la réforme de la SNCF, des prisons ou des retraites… La réduction du service public et l’appel au privé en lui permettant de faire des affaires sur le patrimoine public.

Le logement social représente un immense patrimoine constitué au fil des ans avec l’argent des locataires, des salariés, de l’épargne populaire et un peu d’argent public. L’argent des locataires car c’est bien la gestion du logement et donc les loyers qui permet aux bailleurs d’emprunter sur de longues durées, la marge sur les loyers permettant de rembourser les emprunts. Ces emprunts de longue durée reposent sur le livret A donc l’épargne populaire. Une part du logement est aussi financée par le 1% logement, donc les salaires. Il y quelques décennies, les syndicats jouaient un rôle important dans l’utilisation de cet argent. La réforme d’action logement a concentré les décisions et de fait, comme pour la SECU, éloigné les salariés de la gestion de leur argent. Enfin, jusqu’à la réforme Barre, l’état apportait une aide à la pierre significative, aide à la pierre qui s’est réduite, pour pratiquement disparaitre sous Hollande…

Pour nous, les HLM sont comme un équipement public, une école ou un centre social, un bien public qu’il faut gérer au mieux au service de ses usagers. Ce qu’on appelle le modèle généraliste du logement social en France est une réponse à un droit, le droit au logement et concerne la grande majorité des salariés (70% des Français sont éligibles au logement social).

C’est cela que le gouvernement veut brutalement mettre en cause au nom des insuffisances de la réponse à ce droit, mais pour permettre à des acteurs privés de profiter de ce patrimoine énorme, car on peut vendre, revendre du logement social, et c’est le métier des gestionnaires d’immobilier, comme ils peuvent s’intéresser aux gares, aux hôpitaux, aux équipements publics… Ce n’est pas un choc de l’offre, mais bien un choc de privatisation qui est annoncé…

Un choc de mobilité (la gestion des attributions)

Le deuxième enjeu de la réforme concerne la gestion des attributions de logement et le principe est clair : la mobilité. Le logement n’est plus un droit, mais une aide qui doit être momentanée.

C’est la quadrature du cercle. L’écart entre la demande et l’offre ne cesse de grandir, alors même qu’on a construit du logement social ces dernières années, moins que les promesses des 150 000 logements par an, mais plutôt en progression depuis 2007… jusqu’en 2017 et le « choc de l’offre » de Macron qui s’est traduit par un coup de frein brutal sur les mises en chantier.

Dans la métropole de Lyon en 2014, il y avait 40 000 demandeurs en attente, il y en a aujourd’hui plus de 60 000 alors que la métropole a construit 4000 logements par an dans la période… La raison est simple, les salariés peuvent de moins en moins se loger dans le privé car c’est là que les loyers ont explosés. J’avais ce matin en commission d’attribution un dossier de demandeur qui ne pouvait plus payer un loyer de 950€ pour un T4 de 60m2 dans un logement privé de Vénissieux, 3 fois plus élevé que la moyenne d’un HLM de même taille. Donc d’une part, la population augmente, avec des salaires bloqués et même fragilisés par la précarisation du travail, et donc de plus en plus de gens qui ont droit au logement font une demande, et de l’autre la pression foncière fait grimper les loyers privés… c’est arithmétiquement impossible et la tension autour du logement social augmente sans cesse. On mesure d’ailleurs cette paupérisation des salariés à travers les demandeurs. En effet, les demandeurs de logement ont des revenus en moyenne plus bas que les locataires entrants. Autrement dit, on loge plus difficilement les publics en difficulté, ce qui n’étonne en fait personne.. Et les nouveaux locataires sont pourtant plus pauvres que les locataires déjà installés. Autrement dit, bien qu’on loge moins les demandeurs en difficulté, on voit progresser une paupérisation du peuplement des HLM. Tout cela ne fera qu’empirer dans les années qui viennent.

Dans ce contexte, les lois du gouvernement Hollande (loi ALUR et loi égalité et citoyenneté) disaient vouloir à la fois prioriser les publics prioritaires et assurer la mixité sociale ! C’est la quadrature du cercle… Il faut loger prioritairement les publics en difficultés, mais ils sont de plus en plus nombreux, et donc on logera de moins en moins les salariés « moins en difficulté », et pourtant il faudrait faire venir ces salariés dans les quartiers « prioritaires »… Dans la métropole de Lyon, qui peut croire qu’on va loger de nombreux pauvres des quartiers populaires de l’Est Lyonnais dans Lyon ou l’Ouest Lyonnais et qu’on va accueillir beaucoup de salariés moyens dans les anciennes ZUP ? Macron en insistant sur la mobilité cherche à résoudre cette contradiction clairement en laissant tomber l’ambition d’un logement généraliste, qui était la meilleure réponse à l’exigence de « mixité sociale ». Et pour cela, il choisit d’imposer la mobilité, mobilité contrainte pour les jeunes avec un bail à durée déterminée, comme les CDD… et mobilité contrainte pour tous les locataires qui repasseront tous les 6 ans en commission d’attribution de logement !

Il faut y être attentif car de nombreux outils sont mis en place pour aller vers une gestion très technocratique et centralisée des attributions de logement. Ce qu’on appelle la cotation qui consiste à noter les demandeurs sur des critères de priorisation pour pouvoir les « classer » dans la file d’attente. Ce ne sont pas les outils en eux-mêmes qui posent problème, c’est de savoir qui les utilise et pour répondre à quel besoin ! Et le gouvernement veut donner beaucoup plus de pouvoirs aux préfets pour intervenir dans les attributions…

Le logement d’abord

Nous sommes aussi confrontés à la multiplication des situations d’urgence, avec des décohabitations forcées, des familles hébergées dans de la famille lointaine ou des connaissances qui se retrouvent au bout de quelques mois à la rue, des célibataires avec droit de visite sans capacité d’accueillir leurs enfants. Et quand un élu ou des parents d’élèves signalent une situation d’urgence, on se retrouve devant un service 115 de la maison de veille sociale totalement débordée, les centres d’hébergement sont pleins, le plan froid vient compléter quelques mois mais n’arrive même pas à mettre à l’abri tous les enfants, et personne ne comprend rien à un système où l’état a multiplié les structures et les catégories, CADA, CAO, CHRS… il y a des raisons historiques à tous ces sigles, mais dans la pratique, nous sommes le plus souvent démunis pour trouver une solution concrète.

Là aussi, le gouvernement a beau jeu de dire « vous voyez que ca ne marche pas, il faut faire autre chose », et là aussi, il y a des démarches longuement discutées dans le mouvement associatif de l’accueil et de la solidarité. C’est l’expression du « logement d’abord » qui considère que la seule solution à l’hébergement des migrants, sans domicile, SDF… ce serait de leur donner un vrai logement, les centres d’hébergement ne devant être que du très provisoire.

C’est là aussi un discours que peu reprendre le gouvernement en disant qu’il faut de la « fluidité », que les demandeurs d’asile déboutés doivent quitter rapidement les CADA, ou les CAO. Mais comment loger décemment tout le monde alors qu’on a un terrible déficit de logements ?

La situation des expulsions est révélatrice de cet écart entre les intentions affichées dans les discours et la réalité. Les dernières lois logement ont toutes pris des mesures pour réduire le nombre d’expulsions, qui augmentait pourtant jusqu’en 2016, avec un léger tassement en 2017 qui risque bien de ne pas durer avec les réformes encours. Les mesures consistent à mieux accompagner les locataires avec impayés le plus tôt possible, à mettre en place des outils de suivi, comme la commission des expulsions (CAPEX), avec tous les acteurs sociaux et les bailleurs concernés. Il devrait exister une « charte des expulsions » au niveau métropolitain, et des moyens pour assurer un suivi partenarial des dossiers. Mais la métropole n’a pas mis en œuvre ces outils pourtant réglementaires !

Et c’est toujours le parcours du combattant pour un locataire en procédure d’expulsion pour monter les dossiers de surendettement, négocier un plan d’apurement, ou chercher un relogement mieux adapté à ses ressources.

Les compétences métropolitaines

Enfin, il est important pour tous les élus des communes de la métropole de Lyon de connaitre les nombreuses délibérations prises ou encours de discussion à la métropole sur le logement et l’hébergement.

Le PLALHPD, Plan local d’aide au logement et à l’hébergement des personnes défavorisées… un ensemble d’outil d’aide, dont une fiche concernant les expulsions, délibérés en 2016 et qui accordent des moyens à des associations diverses qui accompagnent des publics en difficulté. Le suivi de la mise en œuvre de ce plan est difficile.

L’accord collectif métropolitain qui définit des objectifs pour chaque bailleur d’accueil des publics prioritaires, et dont la métropole doit assurer le suivi avec l’état. Il devrait nous permettre de mesurer comment toutes les communes contribuent à l’accueil des publics en difficulté. Mais c’est un tableau très compliqué à suivre et qui suppose que les acteurs locaux, élus dans les commissions d’attribution de logement notamment, s’approprient et critique.

Le PPGDID, plan partenarial de gestion de la demande et d’information des demandeurs. Un plan toujours pas délibéré par la métropole qui aurait du le faire en 2017. Le travail est en cours et un aspect de ce plan se met en œuvre avec le portail « logementsocial69 » et l’organisation de « rendez-vous conseil » auquels a droit chaque demandeur une fois par an. Ce devrait être une compétence métropolitaine, mais elle laisse les seuls bailleurs s’en occuper, avec un risque de centralisation sur quelques points lyonnais…

Il faut aussi regarder la convention habitat de la rénovation urbaine, qui définira les règles de reconstitution des logements sociaux détruits dans la rénovation urbaine. La règle nationale est de ne pas en reconstruire dans les communes dépassant 50% de logements sociaux et les communes concernées non seulement l’acceptent, mais pour certaines comme Rillieux (droite) évoque carrément le besoin de « changer de population » e d’autres comme Vaulx-en-Velin (PS) annonce une forte baisse de la part de logements sociaux.

Enfin, le PLUH définit des règles concernant le logement qui impacte le règlementaire de la construction, et permet d’orienter le développement urbain sur la densité urbaine (hauteurs, densité au sol, part de pleine terre..). Il est possible de définir des zones avec des contraintes sur les typologies de logement, la part de logements sociaux…

Sur l’ensemble de ces délibérations, nous avons besoin d’une réflexion à l’échelle de la métropole qui hérite d’une riche histoire lyonnaise du logement social et de l’hébergement, mais qui met en œuvre de manière zêlée les objectifs gouvernementaux.

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