Loin des discours de façade, les débats internes sont difficiles… Enregistrer au format PDF

Mardi 4 juin 2013

La lecture des débats du Sénat sur le premier paquet de l’acte III de la décentralisation, portant sur la création des métropoles de Marseille Lyon et Paris est instructif…

Impressionnant de voir le même groupe politique utiliser un argument pour dire NON à Marseille et OUI à Lyon…

Extraits commentés…

Le maire de Villeurbanne empêtré dans ses contradictions tentent de se faire entendre comme maire qui veut garder l’autonomie politique de sa commune mais qui doit accepter la création de la métropole, tout en refusant le transfert de certaines compétences, jusqu’à évoquer même l’action sociale, pourtant au cœur des compétences du département qui serait transférée à la métropole…

M. Jean-Paul Bret , maire de Villeurbanne. - Villeurbanne est la deuxième ville du département, et même la première des « deuxièmes villes » de France. Avec 150 000 habitants, elle est plus peuplée que la capitale de la région Auvergne, Clermont-Ferrand, sans parler de nos atouts culturels et sportifs. Nous ne voulons pas devenir une collectivité subalterne.

Le transfert des compétences du département à la communauté urbaine puis à la métropole fait à peu près consensus. En revanche, le projet de loi, tel qu’il est rédigé, change quelque chose pour les communes, contrairement au discours lénifiant que tiennent certains. On va au-delà de la communauté urbaine de Lyon qui, depuis sa création en 1966, a déjà poussé très loin le transfert des compétences dans un processus démocratique avec une représentation des communes. Désormais, la métropole décidera en lieu et place des communes. Ainsi, les établissements culturels d’intérêt métropolitain seraient transférés à la métropole. Nous ne pouvons nous laisser dépouiller sereinement de notre théâtre, qui appartient à l’histoire de Villeurbanne, qui est un élément de son identité. Autre exemple, les pouvoirs de police des maires. Au nom de la simplification, on crée une police métropolitaine, qui s’ajoutera à la police municipale - c’est hallucinant. La voirie et le stationnement sont déjà de la compétence de la communauté urbaine, et il faudrait demain une police de la voirie et du stationnement, troisième strate entre police municipale et police nationale… Où en est la simplification ? Ce projet de loi est censé viser l’efficacité de l’action publique. La centralisation métropolitaine de la prévention de la délinquance est aussi une mauvaise idée. Tout cela ne vient ni de M. Mercier ni de M. Collomb… Laissons libre cours à l’expérimentation plutôt que d’imposer des mutualisations par le haut. Idem pour l’action sociale …

Michel Mercier nous révèle le fonds politique de l’accord avec Gérard Collomb, ce qu’il appelle le « modérantisme » traditionnel de Lyon… En quelque sorte, un Bayrou local ?

M. Michel Mercier. - L’unité de la République n’est pas renforcée par l’uniformité, au contraire ; il importe de tenir compte des spécificités. Lyon n’est pas un modèle : l’organisation que nous avons trouvée découle de notre tradition modérantiste.

Le rapporteur de la commission des financers nous rappelle que le nerf de la guerre, ce sont les sous ! et que la période est à la réduction des dépenses pour les collectivités ! Tiens, personne n’en parle à propos de l’euro-métropole ?

M. Jean Germain, rapporteur pour avis de la commission des finances. …Nous devrons, un jour, parler des finances : le temps n’est pas encore venu, mais le projet de loi de finances pour 2014 ne va pas tarder. Sur les réseaux de chaleur, avançons avec les métropoles en sachant que la période est à la réduction des dotations aux collectivités territoriales - moins 1,5 milliard d’euros en 2014 et autant en 2015 - et qu’il faudra bien voir ce que l’on enlève au bloc communal..

Un des représentants de l’AMF dit tout crument les choses… Ce projet de loi porte une conception rigide…

M. Jacques JP Martin, maire de Nogent sur Marne. - Nous sommes tous en phase au sein de l’AMF, Mme Gourault peut en témoigner. Ce projet de loi traduit une conception rigide de l’intercommunalité. Les communes sont marginalisées, parfois réduites à une fonction d’exécution. Les schémas, régionaux comme départementaux, ne fonctionneront que dans une démarche de co-élaboration, et non de tutelle. Communes ou groupements doivent être associés à la gouvernance des schémas, d’autant qu’ils en supporteront les conséquences financières. Le développement de l’intercommunalité selon un principe de subsidiarité, voilà ce vers quoi il faut se diriger. La libre définition de l’intérêt communautaire est possible. Nous sommes contre les transferts en bloc, préjudiciables à une action publique de proximité, a fortiori contre les transferts obligatoires, comme celui de la voirie. Si le PLU peut être intercommunal, ce doit être avec l’accord des élus concernés. Nous savons gérer la mutualisation, la co-élaboration, la contractualisation ; et nous adapter aux spécificités des territoires. Ne nous contraignez pas dans un cadre légal trop étroit, une codification, une standardisation.

Le projet de loi n’envisage pas la consultation des conseils municipaux au moment de la création des métropoles : c’est difficilement acceptable. L’AMF propose que toutes les communes membres de la communauté de communes ou de la communauté urbaine concernée soient consultées, car une fois dans la métropole, elles ne pourront plus s’en retirer.

Et certains s’étonnent encore !

Mlle Sophie Joissains. - Quelle stupeur de voir que certains territoires souhaitent devenir métropoles ! Chez moi, ce n’est pas le cas.

Quand d’autres confirment que la métropole est un chemin sans retour…

Mme Marie-Thérèse Bruguière. - Au Nord, on aime le travail en commun, le vivre ensemble. Chez nous, un peu moins ! Nous avons vécu des moments difficiles lorsqu’il a fallu entrer dans une intercommunalité. Et nous en sommes sortis au bout de deux ans. Avec ce texte, il n’y aura plus de libre administration des collectivités locales : on ne leur demandera pas leur avis et elles ne pourront plus quitter la métropole une fois dedans. C’est du viol, du mariage forcé ! Ne bousculons pas les gens, nous n’y gagnerions rien.

Et le président des régions nous rappelle une évidence, Qui a la compétence de l’emploi et du logement, les deux premières préoccupations des Français…

M. Alain Rousset, président de l’Association des régions de France (ARF). -

Si nous ne sommes pas contre le fait urbain -ce serait absurde, d’ailleurs- nous ne voulons pas d’étalement des compétences. Je note que les deux principales préoccupations des Français, l’emploi et le logement, n’ont pas de responsable clair ! Etat, départements, régions, métropoles se partagent les questions de logement, et sur l’emploi les intervenants sont innombrables : 173 établissements publics en Aquitaine. Il faut un chef de file.

Et la fin du département ne semble plus une spécificité Lyonnaise contrairement à la présentation souvent faite, il s’agit bien d’une démarche générale qui remet en cause ce qui a fondé la république « une et indivisible »…

M. Philippe Kaltenbach. - Le premier mérite du projet de loi est d’affirmer le fait métropolitain. Cela ne se fera qu’au détriment du département, collectivité qui n’est plus adaptée aux grandes agglomérations. Sans partager toutes les analyses de notre collègue Dallier, j’estime que dans la mesure où l’objectif en Ile-de-France est d’apporter des réponses concrètes en matière de transports, de logement, d’emploi et d’équipements publics, la création du grand conseil métropolitain doit s’inscrire dans une perspective de fusion des départements de la zone agglomérée. Cette étape devra être prévue par le texte ; faute de quoi, la réforme sera difficile à expliquer à nos concitoyens.

Comme on est entre gens bien élevés, on peut se dire gentiment la vérité. Le PS était contre la loi proposée par Sarkozy, mais il est pour la même loi si c’est lui qui la présente. Ce que l’auteur appelle du « pragmatisme » est en fait au cœur de la fracture politique !

M. Jean-Claude Lenoir. - Je m’invite à la table des Lyonnais que je sais accueillante… (Sourires) J’ai apprécié le ton largement consensuel du débat sur la métropole lyonnaise. Le président de la commission des lois a fait un dégagement, hier soir, sur l’intercommunalité et relevé que la loi de 1992 s’était faite contre ce côté de l’hémicycle… Sur le terrain, il y a des pratiques très consensuelles, volontaristes, parfois courageuses des élus…

Je ne connaissais pas les tenants et les aboutissants de l’affaire lyonnaise ; la façon dont elle s’est construite est tout à fait intéressante. Je me souviens qu’en 2010, certains de vos amis politiques, monsieur le président de la commission des lois, combattaient des propositions que vous défendez à présent. Je ne les en blâme pas, chacun est dans son rôle ; mais je constate que le pragmatisme l’a emporté… Je souhaite que nous nous retrouvions plus souvent sur des questions qui intéressent tous nos concitoyens.

Et quand les élus communistes demandent un référendum, un dépté écologiste répond que c’est intéressant, mais qu’il faut tenir compte de l’expérience.. en Alsace… Il aurait pu évoquer aussi le référendum sur la constitution européenne de 2005. En fait, on peut demander son avis au peuple à condition qu’il donne la réponse souhaitée par les élites…

M. Ronan Dantec. - L’usage du référendum est une vraie question, nous devrons en discuter plus avant en commission des lois.

Néanmoins, il ne faut pas que le référendum bloque tout… Pourquoi pas lorsque le consensus n’existe pas… Il faudrait que 50 % des électeurs s’expriment, ce qui n’est pas si simple sur un sujet technique. Voyez ce qui s’est passé en Alsace. Profitons pour l’instant du consensus, ce n’est pas si fréquent…

Et un député centriste explique sur le cas parisien a quel point le « discours métropolitain » est un discours politique et non pas un « fait ». Sauf que ce qu’il refuse pour Paris, il l’a voté pour Lyon…

M. Pierre-Yves Collombat . - Qu’il existe un fait urbain, personne ne le conteste. Nous sommes tous des urbains, à des degrés divers. Plutôt que d’urbanisation, il faudrait parler, comme les géographes, de gradient d’urbanité en fonction de la population et de l’activité socio-économique.

Ce projet de loi devrait permettre à chacun d’accéder aux modes de vie et aux services sans lesquels il n’y a pas d’urbanité. Cela suppose de penser l’organisation des territoires en termes de réseaux.

En Italie, l’Émilie-Romagne est ainsi organisée. Bologne n’est pas hégémonique. Or, ce projet de loi poursuit une autre logique, cherchant à instaurer la métropole comme territoire réglant les problèmes. Lyon, Marseille, Paris : l’urbain est un concept flottant, peu compatible avec l’équilibre des territoires.

Il n’est pas vrai, comme l’affirme Laurent Davezies, que les territoires dynamiques financent ceux qui ne le sont pas. A la fin des années 90, on a vu que la concentration urbaine avait un coût, que les financements de l’État allaient principalement aux centres urbains, que les territoires alentour ne recevaient que des miettes.

Plus que la compétitivité internationale, c’est la dynamique endogène qu’il faut conforter pour développer l’économie de l’ensemble des territoires. Les transferts de compétences des départements et des communes aux métropoles les priveront de tout pouvoir. Ainsi, dans mon département, le Var, la moitié des moyens humains et financiers reviendront à Toulon : quelle capacité d’intervention, quelle liberté politique restera-t-il aux autres collectivités ?

Pour les communes très urbanisées, il est normal de prévoir l’intégration. Mais la politique du développement séparé, sans péréquation ni mise en réseaux, va aggraver les inégalités territoriales et renforcer le sentiment d’abandon qui se traduit déjà dans les votes. La métropolisation est en cours depuis trente ans, qui voit les classes aisées s’approprier les centres villes et les classes populaires refluer vers le halo urbain extérieur.

Le renforcement de cette tendance par le projet de loi ne va pas régler le problème. (Applaudissements sur les bancs du RDSE)

Franchement, la lecture de ces compte-rendus détaillés du Sénat est terrible pour nos institutions et nos élus.

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