Marcel Kubik, le militant enfant de l’assistance et de la guerre Enregistrer au format PDF

Mardi 2 mai 2017

Hommage pour les funérailles de Marcel Kubik, militant communiste de Vénissieux, décédé ce 25 avril 2017.

Marcel m’avait demandé il y a plusieurs années de prononcer son éloge. Il avait tout prévu en écrivant ses consignes précises, les médailles, la musique, les drapeaux, les cendres auprès de sa compagne, sa fille Crystelle a prévenir… Il m’avait demandé de passer le voir ces dernières semaines et l’actualité chargée a fait que je n’en ai pas pris le temps, marcel, excuse-moi.

Marcel, c’est une histoire de France à lui tout seul, lui l’enfant d’immigré polonais né à Versailles en avril 1927, abandonné à 3 mois et donc enfant de l’assistance publique, confié à une nourrice à Saint-Quentin sur Sioule dans le Puy-de-dome, dont il est retiré au bout d’un an. Il retrouvera sa trace 67 ans plus tard, apprenant qu’elle avait multiplié les démarches pour avoir de ses nouvelles, mais comme le disait Guy Fischer lors de la remise de la médaille militaire, l’assistance publique c’est comme l’armée, la grande muette…

Cette recherche de son passé, de son histoire familiale, c’était un des sujets de discussion de marcel, à la recherche de sa nourrice, de son nom en Pologne, jusqu’à la découverte que sa mère l’avait abandonné contrainte car elle était devenue bonne dans une famille bourgeoise… et souvent, je lui ai dit de raconter ses souvenirs à un écrivain, tant c’était une vie incroyable.

Marcel se retrouve placé dans une ferme à Milly-la-forêt ou la tendresse n’est pas de rigueur. A 12 ans, il devient commis de ferme, nourri suivant les habitudes « des restes de la famille », sans salaire bien sûr, et comme il le disait, l’école, c’était le cul des vaches"…

Il s’enfuit de la ferme et dès la libération, s’engage dans l’armée, au 7e régiment d’artillerie de marine basé à Casablanca. C’est à l’armée qu’il apprend à lire et à écrire, pas assez selon son goût.

Avec sa famille et son histoire, c’était aussi le sujet de discussion de marcel, toujours en train de s’excuser d’éventuelles fautes d’orthographe, demandant conseil pour rédiger une lettre, toujours inquiet de ne pas s’être exprimé correctement…

L’armée l’enverra à Oran, en Tunisie, à Sousse, à la frontière algéro-marocaine,à Dakar… enfin au Vietnam en 1951 ou il devient brigadier-chef, mais aussi où il rencontre des communistes. Il est cité à l’ordre du corps d’armée le 20 février 1952 pour s’être précipité au volant d’un véhicule chargé de munition et le retirer d’une zone dangereuse. Il disait que c’était le jour de la Baraka car l’obus qui avait frappé le véhicule n’avait pas explosé. Il rentre en France avant la fin de la bataille de Dien Bien Phu qui verra la défaite de l’armée Française et sera une des grandes dates de la décolonisation, il rentre blessé ce qui lui vaudra une cure chaque année dont il nous parlait souvent.

Il découvre le syndicat, d’abord dans la métallurgie, puis à la manu, cette manufacture des tabacs où il prendra sa retraite après une carrière de 24 ans, quelques années avant la fin de la production.

Je l’ai connu ensuite, dans la cellule du parti communiste Max Barel, où il a milité de longues années, soutenant toutes les actions pour un parti communiste qui retrouve ses fondamentaux comme on dit. C’était aussi un pilier des lotos, couscous et de toutes les soirées dansantes. On plaisantait souvent sur son succès auprès des dames, il en rajoutait certainement beaucoup d’ailleurs, mais c’était un danseur émérite !

Issu de l’assistance, ayant connu des conditions de vie très dures, l’horreur de la guerre, il avait la solidarité chevillée au corps, et pour lui, respecter les petits comme lui ou sa renée, ceux qui touchent un petit salaire, une petite retraite, c’était essentiel. C’était au cœur de son engagement communiste, et c’est ainsi qu’il a rejoint l’association LSR qu’il m’a demandé de citer.

Il avait gardé de son enfance une énergie incroyable, communicative, celle qui en faisait un des piliers du camping de Portiragnes, et il l’a gardé toutes ces longues années de maladies qui l’ont vu perdre progressivement la parole, avec de nombreuses opérations successives de la gorge qui n’ont jamais pu le guérir, et l’ont contraint à communiquer par écrit, ironie de la vie, lui qui en avait si peur…Mais il avait toujours sur lui un cahier pour s’expliquer, et ses tiroirs étaient pleins de toutes les notes qu’il prenait sur les nombreux avis des médecins. Il s’en méfiait souvent et répétait à ses connaissances ce qu’il avait noté, espérant qu’on puisse lui conseiller quelque chose de mieux à faire…

Pour évoquer Marcel, il fallait citer la Pologne, l’assistance publique, l’armée, le syndicat, le parti communiste… et au nom des communistes de Vénissieux, je voudrais dire toute notre affection à sa fille Christelle, ses trois petits-enfants et son arrière petit-fils lenzo… leur dire que Marcel avait de nombreux amis et camarades à Vénissieux, et que nous sommes fiers de l’accompagner avec le drapeau du parti communiste, le drapeau tricolore et le drapeau de l’ARAC, 3 jours après la cérémonie pour la libération des camps et quelques jours avant la cérémonie du 8 mai.

Marcel, ta vie, c’est un peu l’histoire de France, et je voudrais conclure avec un poème de Paul Eluard qui te va bien, toi qui aimais si fort la vie.

Nous n’avons pas le culte de la mort Nous haïssons la mort il nous faut peu de choses Pour accepter la vie même quand elle est lourde Sous n’importe quel ciel la mort a peu de sens Ils étaient comme nous écoutons leur passé Il est en nous ils sont vivants dans notre espoir Ils ont eu simplement la force de combattre Pour vivre et nous nous combattons

Pour assurer leur vie en nous contre la mort

très fraternellement marcel,

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