Oui, les expulsions sont inhumaines… Enregistrer au format PDF

Vendredi 26 avril 2013

Il y a quelques jours, des commentateurs critiquaient l’action de Michèle Picard, maire de Vénissieux qui défendait une nouvelle fois au tribunal administratif ses arrêtés d’interdiction des expulsions. Passons sur les commentaires de la droite et des anti-communistes acharnés. Mais d’autres s’interrogeaient sur l’utilité de ces démarches dont on sait que le préfet et le tribunal les casseraient.

La dure réalité vient de nous rappeler à tous qu’il est bien urgent d’alerter sur les dangers, les risques liés aux situations inhumaines que la vie crée. Ce drame du suicide d’une personne âgée est un cri terrible qui devrait conduire à des décisions d’urgence… Plus jamais !

La déclaration publique de Michèle Picard

La spirale de l’exclusion a fait une nouvelle victime. Une Vénissiane s’est pendue dans son logement, brisée par une menace d’expulsion mise en exécution ce matin. Une pression de trop pour une vie devenue insupportable. La première expulsion réalisée depuis la suspension de mes arrêtés, le 16 avril 2013, se termine par un suicide. Voilà l’atroce réalité de la détresse humaine et du désespoir…

Le Préfet du Rhône avait autorisé le concours de la force publique pour procéder à l’expulsion à compter du 18 mars. Informés de cette décision dès le 14 février dernier, nos services avaient contacté cette personne par courrier, dès le 25 février, pour étudier les possibilités d’intervention auprès de son bailleur privé. Un rendez-vous avait été fixé, auquel elle ne s’est pas présentée. Si elle était inconnue de nos services jusque là, sa situation isolée et fragilisée faisait l’objet d’un suivi par les services du Conseil général et une mesure de protection était en cours.

Ce nouveau drame sera sans doute traité dans la rubrique « faits divers » dès demain et rangé aux oubliettes le surlendemain, enseveli sous un flot de nouvelles actualités. Je le refuse.

Quelle société peut permettre que des femmes, des hommes meurent dans l’indifférence quasi générale ?

Je suis atterrée, révoltée, tourmentée par tous ces drames qui se succèdent. Déjà en 2011 à Vénissieux, une femme avait menacé de se défenestrer, lors de son expulsion.

Depuis 4 ans, je n’ai de cesse d’alerter sur les conséquences dramatiques que peuvent engendrer les expulsions. Aujourd’hui, l’horreur est face à nous. Après cette tragédie, j’espère que cette réalité sociale que je décris inlassablement, parce que j’y suis confrontée au quotidien, provoquera une prise de conscience collective et qu’enfin cela cesse.

Depuis 2010, je prends des arrêtés interdisant sur ma commune les expulsions locatives, les coupures d’eau et d’énergies, les saisies mobilières. Des arrêtés travaillés, argumentés sérieusement, avec l’espoir de faire évoluer la justice pour en finir avec ces pratiques inhumaines.

Un acte qui n’a rien d’une formalité, mais un acte de résistance, un engagement et une bataille pour la dignité humaine.

En tant que maire, j’assume pleinement mes responsabilités. Il est de mon devoir d’interpeller, de dénoncer et d’alerter, comme d’assurer la sécurité de mes concitoyens. C’est un combat juste et légitime.

Des droits inscrits dans la Constitution sont bafoués. L’État ne remplit plus ses missions régaliennes. Si ce ne sont pas les maires, élus de la République, qui dénoncent cela, qui le fera ? " Ces mêmes maires, en première ligne, qui comme moi aujourd’hui, sont confrontés à la mort violente d’une habitante.

Plus que jamais, je suis déterminée à me battre pour l’intégrité et la dignité des personnes. Combien de vies sacrifiées faudra-t-il pour que les pouvoirs publics assument enfin leurs responsabilités et agissent face à cette urgence sociale ?

Ce matin, l’atteinte à la dignité humaine est à son paroxysme. Les seuils de l’inacceptable aussi. Comptez sur moi pour poursuivre ce combat !

Michèle PICARD

Vos commentaires

  • Le 12 mai 2013 à 15:04, par CharlyBéral En réponse à : Oui, les expulsions sont inhumaines… Mais

    Bonjour,

    cette pauvre femme (paix à son âme) a commis sans nul doute un geste désespéré, et on voit de nombreux gestes extrêmes apparaître comme des immolations. Las que faut il faire ?

    Une attitude consiste à s’indigner en vociférant et en cherchant des boucs émissaires en prenant l’opinion à témoin et en disant : retenez moi ou (… je ferai rien) ! On connaît tout ça. C’est stérile et cela ne fait qu’opposer les uns aux autres. Notez bien que dans ce fait divers, cela faisait 3 ans que la procédure courait et qu’un bailleur attendait ses loyers. Qu’a dit la mairie ? Rien. Que pouvait elle dire ? Rien. Que pouvait elle faire ? Reloger la petite dame gratuitement ? Oui mais le gratuit, c’est le contribuable qui le paie, c’est parfois faisable jusqu’à un certain point, mais cela crée aussi un aléa moral pour les locataires de mauvaise foi, qui n’auraient alors plus qu’à se loger aux frais de la princesse. Je ne prétends pas que ce soit le cas de cette malheureuse dame, mais chacun sait que les locataires de mauvaise foi existent, tout comme les propriétaires avec le même défaut.

    Ce que trop souvent les gens ignorent est que dans l’immense majorité des cas, le loyer perçu par les propriétaires est adossé pour partie à un prêt, mais pour partie seulement : le loyer ne co-finance que 50% du prêt adossé au bien immobilier. Et quand une personne ne paie pas, les grands tourments commencent pour le propriétaire qui dans certains cas est littéralement mis en péril financier.

    J’ai un exemple vécu dans les très proches environs : une de mes connaissances loue un bien à une famille, laquelle finit par ne plus payer son loyer. Les impayés s’entassent pendant plusieurs trimestres, puis, les signes de vie des locataires débiteurs se font rares et par la suite inexistants. La boite à lettre déborde de pubs et de courriers divers dont des avis de passages inopérants. Las, le propriétaire qui a gardé une clé pénètre dans les lieux : une porcherie innommable. Le bien est immobilier est littéralement saccagé et regorge d’infâmes détritus organiques laissés manifestement volontairement sur place. Il poursuit la procédure. Seulement le locataire a eu vent de l’intrusion du propriétaire. et le voici qui attaque son propriétaire pour violation de domicile, vol de bijoux et qui lui demande des dommages et intérêts. Ce locataire s’est relogé à bon compte quelques encablures plus loin depuis déjà des mois, et sans vergogne, ne paie pas davantage ses loyers au nouveau propriétaire, en espérant que la justice Française lui octroie quelque indemnité. L’affaire n’est pas tranchée. Mais je vous prie de croire que le propriétaire passe de sacrées nuits blanches. Il n’a rien volé mais il a enfreint le droit en pénétrant dans le logement abandonné et laissé en déshérence, sans même avoir le droit de le reprendre et de le remettre en location !

    Croyez bien que le propriétaire continue, lui, à payer ses amortissements à la banque, en jurant grand Dieu, qu’on ne l’y reprendrait plus. Par la suite marqué par cette expérience, son attitude devient par trop méfiante et sélective. Des solutions existent pourtant, mais elles n’éludent pas la responsabilité des personnes. et nous sommes sans nul doute dans ce cas comme dans l’autre dans des cas extrêmes.

    Certes la collectivité publique peut parfois se substituer et garantir le bailleur, mais à terme, le problème reste entier puisque l’acteur Public devrait lui aussi à terme se retourner contre le locataire débiteur ou lever des impôts correspondants, ce qui aura aussi ses limites, surtout par les temps qui courent.

    Et puis, dans ce triste fait divers, quid de l’entourage de cette personne ? De sa famille proche ou lointaine ? Et de nous tous par ailleurs qui écrivons ces lignes ? La réalité est que ces faits divers nous renvoient aussi à notre propre attitude et que ces problèmes sont complexes et heureusement rares, Dieu merci.

  • Le 13 mai 2013 à 11:20, par Pierre-Alain En réponse à : Oui, ces problèmes sont complexes… Mais

    Que ces problèmes soient complexes, tout le monde le sait.

    • Le suicide est évidemment d’abord un drame personnel, inexplicable, incompréhensible et terrible pour les proches.
    • la gestion locative ne se résume pas à un méchant bailleur et un gentil locataire. L’exemple que vous donnez est malheureusement répandu, j’ai eu un cas dans ma famille avec l’impossibilité d’agir contre un locataire frauduleux ne payant aucun loyer mais arrivant à faire reporter toute décision de justice, et il me semble d’ailleurs voir une différence incompréhensible entre un bailleur en ville et un propriétaire particulier à la campagne.
    • la réponse sociale a une situation de ce type relève à la fois de la solidarité, de la sécurité, de la famille, du droit du logement, de la propriété, avec des enjeux parfois sanitaires, sociaux, de conflits familiaux, de protection des enfants, de violence… et il ne suffit évidemment pas d’affirmer un droit au logement dans les mots pour apporter des réponses concrètes dans chaque cas…

    Mais « l’immense majorité » des cas d’expulsions à Vénissieux sont des expulsions demandées par des bailleurs sociaux ou privés pour des immeubles de plus de 40 ans, donc dont les amortissements sont le plus souvent terminé. Certes la situation de la plupart des ces bailleurs est délicate car le logement ne profite en fait qu’aux spéculateurs fonciers ! Si vous êtes propriétaire d’un bien, vous pouvez choisir de déménager, vous obtiendrez un prêt… si vous êtes propriétaire de plusieurs biens, vous pouvez calculer vos plus-values foncières et les planquer dans une SCI adaptée… et si vous êtes un gros propriétaire foncier… Pendant ce temps là, la plupart des bailleurs sociaux gèrent la crise, la faiblesse des financement publics du logement, la montée de la crise sociale avec son cortège de pauvreté et d’incivilité…

    Donc, la réponse doit être dans chaque cas concrète, mais reste le drame et la question terrible « que faut-il faire » ? Certainement pas chercher des boucs émissaires, sur ce point, nous serons tous d’accord avec vous, mais ne pas s’indigner ? ne pas dénoncer un drame qui n’est pas qu’une histoire personnelle mais est au contraire un révélateur social d’une société malade ?

    Je pense au contraire que tous ceux qui se taisent devant ces drames, comme celui qui vient ce matin de frapper un bidonville à Lyon, ou qui se défaussent sur le thème « je ne suis pas responsable », portent à la fin une vraie responsabilité politique. Car le fait est que notre société est de plus en plus invivable, violente, inégale, injuste, et qu’elle génère partout des drames personnels le plus souvent silencieux et non médiatisés. Et c’est parce que nous l’acceptons collectivement de fait que cela se renforce jusqu’à ressembler à ces films de science-fiction d’une société déshumanisée à la Max Max.

    J’avais un voisin qui est parti en 1981 de France pour aller en Australie. De retour 15 ans plus tard dans le même quartier, il me disait « mais cette pauvreté, ces tensions sociales, cette violence urbaine… ce n’est plus le même pays ? »… Depuis, les choses n’ont fait que s’aggraver… Faut-il s’habituer ?

    Si ce drame peut avoir un sens, ce serait de provoquer un travail collectif de tous les acteurs du logement pour comprendre comment faire pour qu’une telle situation ne puisse plus se reproduire.

    C’est pourquoi je vous appelle à soutenir l’action de Michèle Picard pour interdire les expulsions, saisies et coupures, non pas pour une société sans droits ou les fraudeurs seraient rois, mais au contraire, pour une société de droit, ou le travail et sa reconnaissance permette à chacun une vie digne.

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