Grand Rendez-Vous de la ville de Vénissieux

Pour l’essor de l’initiative de Vénissieux en faveur de l’économie sociale et solidaire Enregistrer au format PDF

Lundi 23 octobre 2017

Merci à Maurice Décaillot, économiste qui a apporté son éclairage sur l’économie sociale et solidaire à Vénissieux. Il m’a transmis le texte complet qui a servi de base à son intervention qui s’est faite en interaction avec les autres intervenants.

C’est une contribution à un débat parfois animé autour de l’ESS. Est-ce une nouvelle forme d’économie porteuse d’une autre conception des pouvoirs économiques, bref, d’une autre société ? Ou est-ce seulement une forme d’économie parmi d’autres, qui peut avoir une place, mais très probablement marginale par rapport à l’économie dominante, et donc sans impact majeur sur la société ?

La contribution de Maurice Décaillot se situe clairement du coté de la première hypothèse !

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Texte support de

l’intervention de Maurice Décaillot à la table ronde

L’économie sociale et solidaire,

créatrice d’activités et d’emplois à l’échelle d’une ville ?

Explicitons dès maintenant pourquoi l’initiative, en votre ville, de promotion des activités coopératives, mutualistes, associatives, est hautement pertinente.

Les difficultés économiques et sociales actuellement affrontées dans le monde sont profondes, et l’obstination des pouvoirs actuels à enfoncer la société dans les impasses du capitalisme trafiquant ne fait que rendre plus nécessaire la mise en place d’activités incarnant visiblement de nouvelles perspectives économiques, sociales, démocratiques, libératrices des populations, et notamment du monde du travail.

C’est pourquoi l’initiative de la ville de Vénissieux est remarquablement bienvenue et mérite tous les soutiens et apports démocratiques requis. Les propositions qui suivent souhaitent contribuer à l’affermir.

Pour cela, elles se situent dans la perspective d’une vie économique élargissant ses pratiques démocratiques, solidaires, ses concertations clarifiantes, ses buts sociaux équitables et explicites, ses normes communes citoyennes rassemblant les partenaires, producteurs, usagers, acteurs sociaux, instances publiques démocratiques, accordant aux travailleurs la maîtrise créative de leurs moyens. Des structures démocratiques de concertation, de médiation, peuvent y être consacrées.

De telles dispositions peuvent permettre, cela est déjà amorcé en votre ville, que les acteurs de l’Economie sociale résistent aux pressions actuelles démotivantes qui visent à les repousser dans la soumission à l’oligarchie affairiste actuellement dominante.

Explicitons ici pourquoi le développement de l’Economie sociale et solidaire permet d’avancer sur cette voie, notamment en assurant l’emploi, le travail, nécessaires aux citoyens.

L’activité capitaliste dominante opère, du fait de sa structure essentielle, de telle façon que les revenus du travail sont écrasés pour deux raisons : l’une, parce que les dominants capitalistes sont incités à accumuler, par profit au détriment des travailleurs, d’abord des ressources pour agrandir leurs propres moyens de domination ; l’autre, parce que leur propre concurrence mutuelle les conduit à l’écrasement des prix courants, des revenus du travail, des ressources publiques, et ainsi de la demande elle-même, additionnant ainsi les impasses.

L’économie sociale, autogérée, échappe à ces goufres, car son activité fait du revenu des personnes au travail qui maîtrisent leur gestion un moteur de la demande, animant les travaux de tous, en même temps qu’une resssource vitalisant les activités socialement utiles, et de la coopération solidaire le guide de l’activité bénéfique pour chacun et tous. C’est pourquoi on peut expliquer ceci :

Il est vrai que les avancées techniques élevant la productivité peuvent permettre d’obtenir des produits avec moins de personnes au travail que précédemment. Mais le progrès des rémunérations ainsi librement obtenu permettra de développer de nouvelles activités et ainsi de procurer un rôle et un emploi à tous, dans des conditions en amélioration. Une extension de ce type de rapport dans un large éventail d’activités échangeant entre elles assure ainsi une place à chacun dans la vie sociale. Cest pourquoi le développement de l’économie sociale et solidaire est réellement une voie solide et fondamentale pour toute progression vers une économie nouvelle utile à tous.

Il nous faut maintenant préciser comment il est souhaitable de progresser sur cette voie.

La nouvelle vie économique ainsi amorcée devrait se caractériser sur deux points essentiels :

  • d’une part, de nouvelles façons d’échanger, tout d’abord mutuellement, équitablement, entre participants à l’économie sociale et solidaire, notamment grâce à des structures et des accords permettant d’échapper à l’affairisme dominant, et en outre, avec les activités du monde dominant extérieur, dans des conditions librement reconnues comme suffisamment bénéfiques.
  • d’autre part, de nouvelles façons de gérer les activités, tout d’abord démocratiquement, dans la logique de la maîtrise des travailleurs sur leur activité et leurs moyens.

Concernant les échanges, il s’agirait, entre participants de l’ESS, de s’adapter ensemble, solidairement, à l’adoption de bases d’évaluation des produits et prestations sur des critères équitables, qui peuvent être précisés, reconnus et homologués en commun. Ainsi seraient définies sur ces bases, d’une part l’évaluation des produits, prestations, services assurant la viabilité des activités selon leur coût, et d’autre part l’équité des remunérations assurant au travail des revenus adaptés aux besoins normaux des personnes et justes selon ses résultats obtenus dans la diversité reconnue des travaux.

Pourrait être encouragée la promotion de circuits directs entre partenaires de l’activité de l’ESS, facilitant, d’une part les paiements, et d’autre part les diffusions de produits, circuits consolidés par la mise en place de plateformes d’échanges réellement équitables, démocratiquement maintenues.

Sur ces bases, un réseau informatif commun, d’une part, pourrait recueillir les données des projets proposés, des transactions projetées et effectuées, et ainsi informer les participants sur les offres, les demandes, les résultats de transactions, et ainsi sur les perspectives probables d’équilibre, dans les domaines qui les concernent, des informations utiles aux adaptations nécessaires des participants.

Des concertations démocratiques entre participants de l’ESS peuvent installer, développer, adapter ces initiatives et celles qui, par la suite, paraîtraient adéquates. Ces propositions peuvent, selon besoin, être précisées.

Il serait possible d’encourager les échanges entre partenaires de l’ESS, entre entreprises, entre fournisseurs et consommateurs, en soulignant l’avantage que constateraient les activités de l’ESS à travers leurs échanges mutuels, du fait des évaluations équitables des prestations et des revenus, en comparaison avec les résultats des activités externes. Il est possible d’envisager de définir, sur ces bases, des processus de fidélisation des participants.

Concernant les rapports avec des partenaires classiques, non participants à l’Economie sociale et solidaire, il pourrait être envisagé de rechercher des accords encourageant la fidélité des acteurs procurant aux participants des livraisons avantageuses, ou leur achetant des prestations équitablement.

Concernant la gestion, l’avancée peut être possible vers une pratique socialement bénéfique, impliquant notamment :

  • la valorisation équitable des différentes réalisations, prestations, fonctions, favorable, on l’a vu, aux producteurs, au usagers, aux citoyens, basé sur des paramètres significatifs acceptés en commun, s’écartant des injustices pratiquées sous la pression des contraintes concurrentielles officiellement dominantes.
  • la rémunération équitable des différentes fonctions, à la fois juste pour la rémunération des résultats perceptibles, et rassurante pour la vie professionnelle de chacun.

Des formulations précisées peuvent être apportées sur ces sujets.

Une telle pratique pourrait être appuyée sur de nouvelles pratiques de financement. Dans ce but, des accords de partenariat peuvent être recherchés avec des organismes de fnancement à vocation clairement sociale, qui peuvent être identifiés. Un tel accord pourrait comporter, par exemple, des dispositions favorables à l’emploi, telles que :

  • des bases de contribution des utilisateurs aux ressources de financement définies démocratiquement, écartées de l’affairisme lucratif, tenant compte des capacités contributives de chaque participant,
  • des fonds de ressources, définis par concertation, leur dévolution étant déléguée aux représentants sociaux des utilisateurs, en vue d’objectifs sociaux,
  • la reconnaissance de la capacité, en présence des moyens nécessaires, du recours des travailleurs de l’ESS à l’autofinancement à la fois équitable et efficient, pour répondre aux besoins sociaux tout en maintenant l’équité de la gestion et sa maîtrise.
  • l’accès généralisé, autant que possible, des initiatives d’activité venant de l’ESS, au financement social, notamment initial dans des conditions favorables.

Peut également être proposée la séparation des domaines de financement, le financement professionnel relevant des activités économiques, et le financement des besoins des consommateurs relevant de leur responsabilité.

Il est également possible de proposer la mise en place, entre les participants de l’ESS et les repésentants de la ville, d’un organisme commun démocratique, gérant, selon les demandes et l’avis de tous les participants, des biens, des services, des prestations adaptés aux besoins des activités, facilitant leur apparition, leur maintien, leur adaptation, leur créativité, et ainsi l’emploi. De tels biens pourraient être loués aux utilisateurs, en suite à leur engagement de fidélité. La ville pourrait aussi conforter l’adaptation des activités aux besoins des citoyens.

Un service commun d’information, ouvert, pourrait s’adresser aux divers publics intéressés en leur communiquant :

  • pour les travailleurs d’entreprises marquées par des problèmes, les perspectives possibles de reprise en coopérative, projet présentable, selon opportunité, aux responsables concernés.
  • pour les personnes porteuses d’une proposition d’initiative, les possibilités de mise en place d’un processus de réalisation solidaire, dans un contexte coopératif, mutualisant.
  • pour les jeunes en recherche d’orientations vers des activités, un ensemble d’informations utiles, y compris l’accès à des formations pertinentes dans une perspective solidaire encourageante.

Le développement de l’Economie sociale et solidaire permettra également, notamment en étant innovant, de répondre de mieux en mieux aux besoins de la population, en étant proche de ses préoccupations, et ainsi animera des activités fournissant à une meilleure échelle les emplois adéquats, bénéfiques pour les producteurs, les usagers, les citoyens, leur santé, leur environnement. Ces activités prometteuses d’emplois peuvent se situer dans un large éventail de domaines, que nous allons évoquer :

Le domaine agro-alimentaire connaît aujourd’hui des problèmes importants. L’initiative de Vénissieux de construire une nouvelle cuisine centrale, qui anime ainsi des activités de ce domaine, en illustre l’importance avec pertinence. Il s’agit de répondre aux multiples besoins suivants, sous leur forme nouvelle nécessaire :

  • assurer à la population les approvisionnements alimentaires essentiels, face aux accaparements menaçants des clans dominants sur les offres alimentaires commerciales,
  • avancer, en concertation, vers une agriculture rénovée, assainie, rapprochée des consommateurs et de leurs besoins, équitable, permettant l’existence viable des agriculteurs participants,
  • garantir le respect des besoins citoyens de santé et d’un environnement terrestre sain, écartant les produits malfaisants,
  • avancer vers la maîtrise populaire des terres agricoles, hors la spéculation socialement contraignante.

D’autres domaines attendent également l’avancée sociale :

  • Le bâtiment et l’aménagement urbain, qui doivent répondre aux besoins de logements socialement accessibles et de locaux publics utiles.
  • Les techniques nouvelles, notamment la robotique, qui pourront faciliter et libérer le travail, entre les mains des travailleurs, en créant des emplois pertinents, à compétence adéquate.
  • Les besoins de la santé publique, qui requiert des produits certifiés bénéfiques a coût équitable.
  • Les réseaux de communication utiles aux citoyens en vue de leurs concertations démocratiques, de leurs échanges équitables, de leurs interventions compétentes.
  • Les initiatives culturelles, déjà amorcées par la ville,
  • La transition énergétique, appelée par le besoin d’énergies plus saines adaptées aux besoins multiples des populations.
  • Les avancées vers des moyens de transport délivrés du pétrole.

D’autres domaines progresseront également vers l’innovation, contribuant à l’insertion sociale de tous les citoyens.

Nous évoquerons aussi l’éventualité, non obligatoire, mais significative, de possibles rapports avec des partenaires de l’économie sociale et solidaire dans d’autres pays du monde. De tels partenariats pourraient entretenir avec nos concitoyens des rapports très réellement équitables, mutuellement bénéfiques, ainsi stabilisateurs, porteurs de messages pacificateurs, rassembleurs, affermissant les convictions démocratiques que des voies sont ouvrables pour que les rapports internationaux s’écartent des affrontements actuels pour passer à des rapports mutuellement bienfaisants, solidaires, apaisés, équitables entre populations du monde.

Les propositions qui précèdent contribuent à confirmer que la promotion de l’Economie sociale et solidaire ne doit pas céder aux pressions de ceux qui agissent en force pour la réduire à un simple appoint à la domination de l’affairisme capitaliste actuel. Il s’agit bien de promouvoir l’ESS dans la perspective cohérente, concrète, d’une vie économique et sociale nouvelle, équitable, solidaire, démocratique, socialement rassembleuse.

Des évolutions actuellement observées incitent en effet à supposer que le temps viendra où, en prolongement notamment de la présente initiative, une solidarité nouvelle surgira parmi les collectivités locales démocratisées, et fera appel, entre autres, à l’expérience de Vénissieux pour étendre le champ de l’économie sociale et solidaire dans la citoyenneté française, voire plus largement, pour un avenir vraiment meilleur de nos concitoyens.

Merci de votre attention.

Maurice Décaillot le 5 octobre 2017

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