Conseil de la Métropole du 10 Décembre 2015

Réussir la métropole avec les communes Enregistrer au format PDF

pour un projet de pacte de cohérence métropolitain amendé
Jeudi 10 décembre 2015 — Dernier ajout vendredi 11 décembre 2015

Le pacte de cohérence métropolitain est prévu par un court article de la loi MAPTAM avec comme seul objet l’organisation des délégations de compétences entre communes et métropole. Cette loi fait partie d’une longue suite de réformes de cette France qu’on disait irréformable, et que vos politiques publiques, gauche et droite confondue ont profondément défigurée, jusqu’au choc du résultat électoral de dimanche, après celui de 2002, qui n’avait bien sur rien changé. Ceux qui ont cru que le débat critique des politiques publiques allait s’ouvrir, sont bien idéalistes.

Revenons à ce qui devait être un pacte, c’est à dire un accord large, sur les conditions d’une mise en œuvre partagée, quelque soit l’avis de chacun sur la loi. Ce n’est pas votre état d’esprit. L’introduction au contraire, si elle était adoptée, révélerait le non-dit historique de la loi. En affirmant que la nation et la république se sont construites contre les villes, elle fait sciemment le choix de confondre les villes et leurs seigneurs ! Car c’est au contraire le 14 décembre 1789 que l’assemblée nationale naissante allait consolider un vieux mouvement d’autonomie communale en votant la première loi créant les communes.

Car si la prise de conscience nationale du peuple français dont « l’armée des savetiers et des avocats » terrassa à Valmy l’armée professionnelle des rois européens s’exprima au cri de « Vive la Nation ! », ce mouvement universaliste était inscrit dans l’histoire séculaire de la construction nationale et communale ! Les Capétiens centralisateurs avaient unifié peu à peu le territoire contre l’Empire et l’émiettement féodal, en s’appuyant sur la langue française et sur les bourgeoisies urbaines et rurales pour tenir en laisse les grands féodaux et leurs appuis étrangers.

A Bouvines, où Philippe-Auguste affrontait l’Angleterre, l’Empire germanique, les Flandres et de grands féodaux « français », c’est l’alliance du roi parisien et des milices communales bourgeoises qui sauveront la France capétienne aux cris de « Commune, Commune ! »

C’est pourquoi les progressistes devraient reprendre Jeanne d’Arc aux fascistes, elle qui a favorisé l’émergence d’une guérilla de partisans contre l’occupant, quand c’est l’Église qui l’a envoyé Jeanne au bûcher !

Oui, la nation et les communes se sont construites contre les guerres, les occupations et les seigneuries, et contre les églises, voilà la leçon de l’histoire, que trahit votre introduction !

Dès le 14 juillet 1789, après la prise de la Bastille, une « Commune de Paris » fut mise en place pour remplacer l’ancienne organisation de Paris datant du Moyen Âge. Pour protéger la ville de toute manœuvre contre-révolutionnaire on créa une garde municipale. Plusieurs autres villes suivirent rapidement cet exemple comme de nombreuses communautés.

Le 11 novembre 1789, l’Assemblée nationale constituante décrète qu’« il y aura une municipalité dans chaque ville, bourg, paroisse ou communauté de campagne ».

Le 14 décembre 1789, la Constituante votait une loi créant les municipalités ou communes désignées comme la plus petite division administrative en France, à la place des cités, bourgades, communautés, paroisses, officialisant le mouvement d’autonomie communal révolutionnaire. [1]

Le 20 septembre 1792, le registre des naissances, des mariages et des décès tenu par le curé de la paroisse passa sous la responsabilité d’un officier public élu.

Le 14 Octobre 1793, 10 brumaire de l’an II, le terme « commune » fut imposé par un décret de la Convention nationale déclarant : « toutes les dénominations de ville, bourg ou village sont supprimées et celle de commune leur est substituée ».

Et ce mouvement fut dans toute l’histoire républicaine révélateur avec à chaque période réactionnaire, des restrictions mises à l’autonomie communale, Napoléon comme Vichy imposant la désignation des maires, alors que c’est la souffle révolutionnaire du mouvement ouvrier s’affirmant, qui allait faire de la commune de Paris un signal universel !

Jaurès disait « en ce qui touche l’origine du pouvoir municipal, tout ce qui reste de pouvoir féodal ou corporatif est aboli. Ni les seigneurs, ni les évêques, ni les chefs de corporation ne peuvent plus désigner les officiers municipaux, ou assister de droit aux assemblées municipales. L’oligarchie bourgeoise municipale est supprimée aussi. Les institutions traditionnelles comme la jurade de Bordeaux, le consulat de Lyon disparaissent ».

Oui, la création des communes est une décision révolutionnaire intimement liée à la construction nationale, à la construction républicaine. Notez que la loi de 1789 prévoyait le non cumul des mandats, limités dans le temps à deux mandats, et le droit d’initiative citoyenne, avec la réunion obligatoire de l’assemblée sur demande de 150 citoyens actifs dans les communes de plus de 4000 habitants !

Autrement dit, quand votre introduction parle des villes, monsieur le président, vous effacez sciemment les communes, leur contenu progressiste, républicain, démocratique. Vous parlez en fait des puissances économiques et de leurs besoins géographiques, des nouvelles féodalités de ce capitalisme mondialisé, d’une société ou 1% possèdent la moitié des ressources, 10% en possèdent 86% et 50% sont des laissés pour compte, ratio d’inégalités qui correspond à ce qu’imposait la noblesse au moyen-âge.

La victoire des métropoles contre la nation et la république que cette introduction célèbre est une des conséquences de cette mondialisation capitaliste qui détruit partout, au Sud comme au nord, des nations et des états construits depuis des siècles. C’est le retour d’un nouveau moyen-âge, les oligarchies économiques comme nouvelle noblesse. Mais cette mondialisation au cœur de cette concentration économique dans les métropoles et les multinationales, répand aussi les mafias et les guerres. Et nous en connaissons une conséquence terrible, les violences religieuses et les bandes fascistes qui en sont le symptôme.

Nous restons étonné que tant d’élus acceptent explicitement ou implicitement cette lecture mensongère de la république et de la mondialisation, et nous avons proposé par nos amendements de revenir au seul objet du pacte défini par la loi, et de supprimer toute réécriture de l’histoire qui ne peut être que partisane.

Nous avons proposé aussi de supprimer tout discours sur les valeurs qui ferait croire à un caractère constituant de ce pacte. En quoi ces valeurs seraient-elles différentes des valeurs de notre déclaration des droits de l’homme, que vos rédacteurs ont oubliée.

Un pacte ne peut se faire qu’avec l’ensemble des communes. Sinon, ce sera un oukaze !

Nos amendements qui conserve l’essentiel de votre texte en dehors de l’introduction sont simples : dire clairement que les compétences de la métropole sont organisées avec les communes, pas seulement au plan technique dans la territorialisation ou la mutualisation, mais aussi dans la reconnaissance des communes comme des collectivités partenaires de la métropole, et donc des conseils municipaux qui délibèrent comme ils le font sur le PLU-H, la politique de la ville ou les conventions propreté. Le seul article totalement réécrit est celui qui concerne les conseils municipaux qui était inacceptable, les réduisant à un rôle de service après-vente de politiques métropolitaines. Nous les définissons autour de leur place dans les processus de décisions.

Nous demandons aussi que les mutualisations entre communes puissent prendre des formes diverses, y compris la forme du syndicat intercommunal, que nous avons conservé pour le SIGERLY, mais qui peut être un choix utile pour gérer un équipement, des lieux, des ressources techniques…

C’est le sens de tous nos amendements, tenant compte des contributions de tous les groupes politiques, cherchant à permettre le vote le plus large possible pour réussir la métropole avec les communes, des amendements qui ne reviennent pas sur le débat politique tranché avec la loi, mais qui affirment la place des communes, du maire, des conseils municipaux dans la vie métropolitaine.

Nous vous les avons transmis il y a plus de trois semaines, en alertant notamment dans la commission métropole, sur la nécessité de connaitre rapidement la procédure retenue pour valider certains amendements.

Car nous pensons que le pacte ainsi amendé peut permettre de construire une métropole avec les communes. Nous y sommes prêts. Nous constatons malheureusement que ce n’est pas votre choix.

[1La loi affirme que pour rompre avec les inégalités et bâtir une société nouvelle où chacun serait égal et où la raison primerait la tradition, il fallait des divisions administratives identiques dans le pays, ce qui allait donner les départements, cantons et communes, même si les communes se constitueront parfois sur la base des limites de paroisses, parfois sur la base des limites fiscales, mais toutes avec le même statut, un conseil municipal élu par les habitants et un maire.

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