Contribution à l’enquête publique sur le PPRT de la vallée de la chimie Enregistrer au format PDF

Vendredi 24 juin 2016

L’enquête publique sur le Plan de Prévention des Risques Technologiques de la Vallée de la chimie est en cours jusqu’au 26 juin. La rencontre publique à Feyzin le 12 mai a été très intéressante et montre l’utilité des enquêtes publiques quand les citoyens s’en saisissent.

Pour les riverains les plus concernés par les mesures d’expropriation, de préconisation de travaux… le projet de PPRT soumis à enquête par le préfet est un choc, et une grande inquiétude sur leur avenir. A Vénissieux, seuls quelques maisons le long de l’ex nationale 7 sont concernées, mais c’est évidemment frappant pour les salariés de l’entreprise Chapeland, installé sur l’ile de la Chèvre et dont le préfet demande l’expropriation, compte tenu du niveau de risques liés à la raffinerie qui est juste à coté… comme des riverains des razes et de tous les amoureux du fleuve, les anciens qui ont appris à nager ici, jusqu’aux nombreux pêcheurs et flâneurs qui profitent d’un espace naturel très agréable aux beaux jours…

Mais la démarche des PPRT est nécessaire et même indispensable. La présentation très précise et utile rappelait d’ailleurs que les PPRT ont été décidés après l’accident de AZF à Toulouse, 31 morts, une énorme destruction, des milliers de blessés, et, à la fin… une décision de justice qui 10 après exonère le groupe TOTAL de toute responsabilité…

Donc, le cadre réglementaire des PPRT qui permet d’étudier l’impact d’un site industriel sur son environnement est indispensable. Et ce qui me parait le plus important dans la rencontre publique, c’est de montrer que le dialogue avec les riverains, usagers, citoyens est totalement indispensable à la réussite des PPRT. C’est une des questions d’inquiétude des participants. Le préfet a-t-il déjà tout décidé ? ou va-t-il réellement prendre en compte l’enquête publique ? Il devrait tenir le plus grand compte de l’expression des habitants, non pas pour remettre en cause le travail important réalisé par ses services et les entreprises, mais pour tenir compte de ce qu’on appelle la "connaissance d’usage", de ceux qui vivent sur ou à coté du périmètre du PPRT.

La préfet est totalement légitime quand il dit à des usagers "ici, le risque est trop important, je prends la responsabilité d’interdire". On se rappelle de la tempête Xanthia et des morts à La Faute sur Mer… les services des collectivités ou de l’état aurait dû faire respecter les interdictions, malgré les demandes des habitants. Mais cette légitimité suppose d’être expliquée, partagée, mise à l’épreuve de ce que les usagers connaissent. Et quand il se confirme que les risques sont trop élevés, il faut absolument apporter des réponses assurant la relocalisation des activités, bien sûr les logements et activités économiques, mais aussi mes usages des espaces non batis. Si l’entreprise Chapeland ne peut plus exercer dans une zone classée mortelle, il faut identifier dans les mesures d’accompagnement les zones proches qui permettraient de relocaliser son activité.

De même, les amoureux du fleuve ont des habitudes de pêche, détente, balades et d’autres activités liées au fleuve et qui se déroulent dans des zones trop dangereuses. Toute interdiction d’un espace doit être accompagnée par une réflexion sur la relocalisation concertée avec les usagers de ces activités existantes.

De même, les services de l’état doivent pouvoir prendre le temps d’une vraie écoute des habitants pour leur apporter des réponses argumentées et précises. Un Feyzinois qui avait connu le grand accident de la raffinerie en 1966 disait que le PPRT exagérait les risques compte tenu des efforts faits depuis par la raffinerie. Je suis sûr qu’il se trompe et que, bien entendu, les services de la préfecture ont étudié les risques d’aujourd’hui, et pas ceux d’hier. Mais comment passer avec lui le temps nécessaire pour lui montrer les études et le convaincre de leur bien-fondé ? Ne faut-il pas dans les principales communes concernées un lieu public de sensibilisation, d’explications, pour une relation directe avec les citoyens qui s’interrogent ?

Par exemple, la délibération de la métropole donnant son avis sur le PPRT demande la possibilité de maintenir des activités à faible présence humaine dans les zones rouges, ce qui inclue à Feyzin l’ile de la chèvre. Cette demande est logique pour ne pas créer des zones « mortes » autour des sites concernés. Le PPRT n’a pas pour but de créer des « no man’s land » autour des sites en laissant en quelque sorte les salariés des sites comme des victimes potentielles dont la puissance publique se désintéresse. Au contraire, le travail avec les entreprises doit conduire à affirmer qu’on travaille à la réduction la plus forte possible des risques et des impacts, tout en valorisant au mieux ces sites pour leur donner la plus forte attractivité économique possible. Utiliser des zones rouges pour du stockage de matériaux, des centrales solaires, ou d’autres activités à très faible présence humaine est donc une bonne chose.

Il faut là aussi du temps pour faire comprendre que le risque d’une activité avec quelques personnes qui passent de temps en temps sur un site, n’est pas le même que pour une activité avec une centaine de personnes qui y passent leur journée. Là encore, il faut un énorme effort de vulgarisation, de pédagogie.

Et sur le fonds, pour créer la confiance dans un sujet difficile et qui bouscule des habitudes de vie, il faut rendre l’ensemble des études transparentes. Or si le PPRT est un outil de transparence sur les cartes d’impact, les études de risques réalisées avec les industriels restent secrètes. Bien sûr, il y a des enjeux de secret industriels, mais quand ces enjeux viennent percuter les enjeux de sécurité publique, ils doivent pouvoir s’adapter pour permettre aux citoyens de partager les conséquences de ces études. Ainsi, un représentant du préfet évoquait le risque d’un accident majeur sur la raffinerie qui en quelques secondes était mortelles pour les personnes sur l’ile de la chèvre. Mais de quel accident parle-t-on ? Quelles en seraient les autres conséquences ? Comment le comparer aux autres risques ? Un habitant avait raison de dire "mais les salariés de toute façon, eux, ils sont bien en zone plus que rouge"

Une clé pour permettre cette transparence sur les risques eux-mêmes serait justement d’associer beaucoup plus les représentants des salariés des usines concernées. Ce sont les premiers impliqués dans un accident, et un des intervenants officiel a eu une phrase un peu malheureuse… "le risque fait partie de leur travail, et si on supprime le risque, on supprime aussi les emplois"… Or, la démarche des PPRT a forcément un rapport avec les démarches de sécurité interne sur le site ! Et les compromis qui sont nécessairement discuté entre l’industriel et le préfet sur les risques et le niveau d’investissement possible pour la réduction des risques ne doivent pas rester secrets ! C’est d’autant plus important que pour quelques habitants, la solution est toute trouvée, il suffirait de fermer cette raffinerie dont on suppose rapidement qu’elle ne sert à rien. J’ajoute que la question n’est pas que théorique, puisque TOTAL a déjà fermé deux raffineries en France… pour en ouvrir ailleurs ! Et certains évoquent de la même manière la fermeture ouel déménagement de la gare de Sibelin, faisant fi de son rôle essentiel à la desserte économique de l’agglomération. Au contraire, il faut faire le lien entre l’étude de danger de Sibelin et le PPRT et interdire que des risques des marchandises dangereuses de la vallée de la chimie soient « reportés » sur le stockage dans la gare, et de même étudier les risques croisés ente un accident sur la vallée et un stockage dans la gare.

Le but des PPRT est de créer les conditions d’une maitrise publique des risques industriels, pour assurer le maintien de l’industrie dans les meilleures conditions ! On sait bien que les usines délocalisées le sont souvent dans des lieux ou les règles de sécurité seront moins strictes ! Faut-il accepter de déplacer le risque ou faut-il au contraire le réduire vraiment ? Pour moi, c’est clair, les PPRT ont pour objectif de permettre le maintien et même le développement de l’activité industrielle, en protégeant les salariés et les riverains !

La dernière remarque porte sur le financement et la nature des travaux présentés dans le PPRT. Sur 60 millions d’argent public mobilisé, les plus grosses dépenses vont aux mesures foncières et aux subventions des travaux préventifs, et une toute petite part sur la réduction des risques à la source. Il est vrai que c’est bien sûr aux entreprises de financer les investissements sur leur procédé ! Et d’ailleurs, ces entreprises bénéficient des largesses de l’état avec des millions pour le CICE, le crédit impot recherche… tout en générant des millions de dividendes aux actionnaires… Mais on ne connaît pas le montant total des investissements réalisés pour la réduction des risques par les entreprises.

Le PPRT devrait répondre à une question simple. Le coût de la réduction des risques à 0 est sans doute presqu’infini, mais avec combien de millions d’euros de plus peut-on encore réduire par deux les cartes d’impact ? Cette question devrait être ouverte et débattue avec les entreprises. Car au final, si la réponse est qu’il faudrait doubler par deux les investissements de réduction des risques, alors cela représenterait 2 ou 3 millions d’argent public pour économiser la moitié des dépenses de protection, donc sans doute 10 ou 20 millions… Pour les entreprises, ce seraient des dépenses en plus, mais pour la puissance publique et les riverains, des dépenses en moins.

Au total, ce PPRT est une excellente démarche qui mérite d’être renforcée par une plus grande transparence sur les études de risques, un travail partenarial avec les représentants des personnels en lien avec la concertation sur le PPRT, un effort plus important sur la réduction des risques à la source compensée pour la dépense publique par un gain sur les mesures nécessaires en zone d’impact.

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