la grève, les revendications et l’intérêt général Enregistrer au format PDF

Mercredi 19 juin 2019

J’ai participé à la rencontre d’élus de la majorité avec les délégués CGT et SUD des agents en grève de la restauration scolaire dans les écoles.

Dans un contexte où ce mouvement est largement utilisé par les oppositions politiques en espérant s’en servir à l’approche des prochaines élections, il me parait utile d’expliquer comment un militant communiste, syndiqué et élu peut prendre position dans ce conflit.

D’autant que je manifeste souvent avec certains des participants à cette rencontre, dans les manifestations contre les réformes des gouvernements successifs. Pourquoi alors se retrouver face à face dans ce conflit local ? La réponse me parait simple, une revendication peut être légitime pour ceux qui la portent, mais ne pas être réalisable dans un contexte donné, parce-qu’elle vient en contradiction avec l’intérêt général. Cette contradiction est le plus souvent lié au cadre politique général. Quand le gouvernement réduit à chaque réforme les dépenses publiques et les droits du service public, aucun fonctionnaire ne peut espérer que sa collectivité locale en efface les conséquences.

Au passage d’ailleurs, personne ne demande à un maire du centre ou de droite de « compenser » les politiques nationales, mais on le demande souvent aux maires communistes… et il est vrai qu’ils avaient il y a 50 ans beaucoup plus de moyens pour répondre aux revendications des agents, parce-qu’ils maîtrisaient notamment la fiscalité économique…

Alors pourquoi la revendication des agents de 13 mercredi travaillés au lieu de 18 pose problème du point de vue de l’intérêt général ? Parce-qu’elle créerait une inégalité entre agents des écoles qui travailleraient 18 mercredi et les ATSEM qui travailleraient 13 mercredi, qu’elle conduirait à externaliser parfois une partie du ménage, et qu’elle serait encore plus sensible à l’absentéisme et donc augmenterait le besoin de vacataires.

Bien sûr, il y a débat sur ce sujet. Mais mon expérience comme celle de la plupart des salariés, c’est que c’est toujours la direction qui décide de l’organisation du travail, et peu souvent en en discutant avec les salariés. Cela dit, même pour ceux qui considèrent cette revendication légitime, elle me semble en décalage avec l’intérêt général y compris celui des agents de la ville. C’est ce que montre l’agenda de la grève dans un appel national qui concerne la réforme de la fonction publique et non pas l’organisation du temps de travail des ATSEM. C’est pourtant cette revendication locale qui mobilise bien plus largement que la réforme nationale. Pourquoi ? Sans doute que les agents mobilisés pensent pouvoir obtenir cette revendication locale alors qu’ils pensent impossible de faire bouger le gouvernement. Pour le gouvernement, ils n’ont pas tort. Pour défendre le service public et le statut des fonctionnaires, il faudrait un mouvement bien plus large, il ne serait pas possible de limiter la grève au moment des repas, ce que les parents ne comprennent pas, et qui ne gêne absolument pas le gouvernement.

C’est une question ancienne du syndicalisme, comment porter une revendication d’une catégorie sans l’opposer aux autres ? Comment savoir si une action sur un point précis contribue au rapport de forces général ? On peut penser que toute action est positive, mais l’expérience montre au contraire qu’une revendication peut diviser les salariés entre ceux qui sont directement concernés et les autres. Pour donner un exemple loin de la mairie, c’est la discussion que j’ai eu avec les grévistes de l’entreprise JST dans le 8e. Seuls les salariés de la production étaient en grève, un tiers de l’entreprise, pour une revendication qui pourtant concernait pourtant tous les salariés, le rattrapage des salaires sur l’inflation. Mais la plus grosse part des salariés sont au bureau d’études qui n’était pas en grève, ce qui permettait au patron de refuser toute négociation. C’est pourquoi il faut toujours un travail de solidarité entre catégories mais c’est aussi pourquoi il faut toujours inscrire une revendication dans le cadre plus global de l’intérêt général de tous les salariés.

Pour cette organisation du temps de travail des ATSEM, le plus important me parait être la réforme qui va peut-être être rendue obligatoire par le gouvernement dès janvier 2020, avec l’obligation d’effectuer réellement 1607 heures par agent. De ce point de vue, les ATSEM ont besoin comme tous les fonctionnaires de contribuer à une mobilisation générale, dans laquelle tout le monde sait que la majorité municipale est un soutien naturel. Il me semble que ce devrait être la priorité de tous, car sinon, dans quelques mois, il ne sera pas question du nombre de mercredi mais du nombre d’heures de travail total dans l’année, et si le gouvernement le décide, il peut l’imposer à tous.

Enfin, ce débat sur l’organisation hebdomadaire du temps de travail concerne tous les salariés et nous avons un long retour d’expériences depuis la réforme des 35 heures et l’invention des « RTT ». La CGT avait avec raison fortement alerté dans la réforme des 35 heures sur le risque de l’augmentation de l’intensité de travail d’une journée. J’étais à l’époque délégué CGT dans mon entreprise de services. On s’est battu pour la semaine de 5 jours de 7 heures, mais le patronat n’en voulait pas et malheureusement, la grande majorité des salariés a préféré les RTT en maintenant une journée de 8 heures… Résultat quelques décennies plus tard, tout est fait pour augmenter le temps de travail alors que la flexibilité et l’intensité du travail a augmenté partout, ce qui fait des salariés français les champions de la productivité… Et bien sûr, ce n’est jamais assez pour le patronat…

C’est pourquoi tout ceux qui espèrent opposer les agents syndiqués et les élus de la majorité se trompent, et que les instrumentalisations politiciennes préélectorales sont sans intérêt. Le différent sur le nombre de mercredi ne divisera pas les défenseurs du service public ! Je manifesterai avec les agents contre la réforme à venir comme nous l’avions fait contre la loi travail. L’enjeu sera de mobiliser beaucoup plus largement fonctionnaires et habitants…

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