La métropole contre la république ?! Enregistrer au format PDF

le projet de pacte de cohérence métropolitain…
Lundi 12 octobre 2015

Les discussions sur le projet de pacte de cohérence métropolitain s’approfondissent. Après une première version qui n’était presque qu’un plan, une version 2 a été proposée en septembre par l’exécutif après que presque tous les groupes politiques aient diffusé une contribution. Le groupe communiste l’a fait pour sa part en Juin, dans un esprit constructif pour rechercher un accord large éclairant les relations entre les communes et la métropole, notamment dans les processus de décision.

Mais la version proposée par l’exécutif de Gérard Collomb continue à éviter de dire clairement quels rôles auront les maires et les conseils municipaux demain, tout en ouvrant de nombreux points de discussions sur l’exercice des compétences, leur organisation territoriale, la mutualisation,… présentant les communes en quelque sorte comme le « service après-vente » des politiques métropolitaines.

Rien n’est donc fait pour l’instant, et il suffit de lire l’introduction et la définition des objectifs du pacte proposé pour comprendre qu’on est loin de la recheche d’un accord par consensus !

Le titre est clair…

Une ambition : réussir la Métropole. Un moyen : le Pacte de cohérence métropolitain

Il ne dit pas « avec les communes »… Voila un premier amendement simple

Une ambition : réussir la Métropole avec les communes. Un moyen : le Pacte de cohérence métropolitain

Ce n’est pas qu’une clause de forme, car l’introduction est d’une grande clarté sur la portée historique de cette « métropolisation », dont la métropole de Lyon est l’avant-garde et qui justifie la loi MAPTAM. Son premier argument est un fait économique dont le choix est illustratif du projet politique des « métropolistes ».

Les chiffres parlent d’eux même : 50% du PIB mondial est aujourd’hui produit dans 300 villes. Ce mouvement est partout à l’œuvre dans le monde, il l’est évidemment à l’échelle de l’Europe.

Mais 58% du PIB Mondial est réalisé par 500 multinationales ! Faut-il alors confier nos institutions à ces multinationales ? Ce n’est d’ailleurs par un hasard si la concentration dans les multinationales conduit à une concentration dans les métropoles… On sait tous que la désindustriation Française a notamment défait le tissu industriel des PME/PMI française dans les départements dits « ruraux » ! La métropolisation est bien une organisation territoriale qui permet et accompagne cette concentration de l’économie dans des multinationales qui n’ont besoin d’états que pour leur capacité militaire à imposer leurs règles, mais qui ont besoin de métropoles accueillantes pour leur siège sociaux, les résidences de luxes de leurs cadres, et les quartiers populaires de leurs employés…

D’ailleurs, le texte nous dit sans fard que les métropoles sont une revanche des villes contre les états et contre la république ! des villes, pas des communes !

La France, toute son histoire le montre, s’est largement construite sous la monarchie comme sous la République, sans les Villes voire contre les Villes. L’organisation du territoire voulue par la République s’est, par exemple, organisée autour du Département et du Canton, non à partir des Villes.

  • Oui, la construction des états-nations s’est faite en défaisant les seigneurs locaux, en soumettant les princes et les ducs à la royauté !
  • Oui, la république s’est construite en s’imposant « une et indivisible » aux provinces et à leurs seigneuries, y compris par la guerre contre les chouans, et par la présence de l’état a distance de cheval de tout citoyen !

Ce n’est donc pas contre les « villes », mais contre les pouvoirs seigneuriaux que l’état, puis la république se sont construites, en inventant justement les communes comme base de la démocratie locale ! Et ce sont les états qui, seuls construisent le cadre de toute souveraineté populaire, donc de toute démocratie réelle. C’est la république qui invente les droits imprescriptibles et inaliénables de l’homme, pas les potentats locaux des villes, qui, elles, ont inventé les péages et les banlieues. C’est la commune de Paris qui pose en grand la question d’une république sociale !

Pendant longtemps, le mouvement ouvrier a cru que la question nationale comme la question républicaine, étaient des questions bourgeoises, et que le monde du travail ne pouvait être qu’internationaliste, face à cette mondialisation qui était déjà la marque du capitalisme triomphant du 19e siècle. L’histoire a montré dans tout le 20e siècle, qu’au contraire, les luttes nationales sont un préalable des luttes sociales, et qu’il ne peut exister de changement progressiste sans indépendance nationale ! Comme le dira Jaurès, « un peut d’internationalisme éloigne de la patrie, beaucoup en rapproche » !

Bien sûr cette introduction ultra-libérale du projet de pacte de cohérence ne pouvait taire les inquiétudes et les critiques… Il reconnait donc les risques

Car, nous le savons, si les grandes métropoles ont, avec leur capacité à créer de la richesse, une face brillante, elles ont aussi leur face sombre

Mais le souhait affirmé de "créer une ville de l’équilibre, équilibre social, équilibre environnemental.." parait bien incantatoire quand il ne tire aucune leçon de l’aggravation bien réelle historiquement des ségrégations sociales et urbaines ! Depuis des décennies que se construit la métropolisation lyonnaise, ni la taxe professionnelle unique, ni la politique de la ville, n’ont renversé la tendance à l’aggravation des inégalités sociales entre les communes et les quartiers !

Le Pacte de cohérence métropolitain : Le sens de la Métropole

Dans le premier chapitre définissant la métropole, les « valeurs fondatrices » laisse dans un premier temps dubitatif : « égalité, équité, solidarité, responsabilité, innovation, bienveillance, confiance »… Qui peut être contre ! Et pourquoi pas en ajouter, par exemple la fraternité ? Mais s’agit-il d’une nouvelle déclaration des droits de l’homme ? de l’introduction d’une constitution ?

Pourquoi affirmer des valeurs fondatrices d’une métropole, sans dire en quoi elles seraient complémentaires ou alternatives aux valeurs fondatrices de la république ! Si chaque collectivité se met à « fondre » son existence sur des valeurs qui lui sont propres, quel sens peut avoir l’enchevêtrement de valeurs communales, métropolitaines, régionales ?

Soyons clair ! La métropole ne se crée pas elle-même sur des valeurs partagées, sur un projet politique « souverain », mais comme mise en œuvre d’une loi de la république ! Le « sens de la métropole », ce sont les attendus de l’article de loi la créant. Non, la métropole, ce n’est pas la principauté Lyonnaise, c’est et ce sera la république, même si une 6e république bouleverse les institutions, y compris celle de la métropole !

Dans les principes d’action fédérateurs proposés, la métropole veut « associer » les communes, dans un dialogue permanent, par une « articulation étroite » dans la mise en œuvre de politiques… qui ne peuvent qu’être métropolitaines, excluant délibérément toute « politique communale » ! L’article sur la subsidiarité évoque pourtant l’organisation des compétences métropolitaines et communales, dont l’organisation doit dépendre de leur efficacité, et prendre en compte les particularités des territoires concernés. Le traité européen fonde aussi la subsidiarité sur l’enjeu d’efficacité de compétences réparties à différents niveaux. Il considère que ce qui peut être fait au niveau national doit l’être (principe de subsidiarité), mais que l’Union peut être amené à intervenir en complément de politiques nationales qui ne seraient pas suffisantes, c’est ce qu’on appelle le principe de « suppléance », complémentaire. Au contraire, le projet de pacte n’envisage pas que la métropole intervienne en complément des communes par un effet de « redistribution », dont on sait le rôle qu’il a joué au niveau européen ! Si une commune en demande plus, elle devra le financer !

Comme le conclue site wikipedia sur la subsidiarité européenne « Cependant, sa mise en œuvre est complexe et subjective. C’est pourquoi, en réalité, les choix politiques pèsent autant que la répartition optimale des compétences » Oui, nous faisons des choix politiques, et dans la mise en œuvre des politiques métropolitaines, la question de la prise en compte des choix politiques communaux reste entière.

C’est au final sur la définition des objectifs que le projet reste le plus confus. Pourtant, la loi définissait clairement le pacte comme devant proposer « une stratégie de délégation de compétences de la métropole de Lyon aux communes situées sur son territoire, (…) une stratégie de délégation de certaines compétences des communes à la métropole de Lyon ». Nous n’avons pas d’opposition aux objectifs d’efficacité, de complémentarité, de mutualisation, d’expérimentation, d’articulation.. mais nous avons besoin de dire clairement sur quels critères une compétence peut être délégué dans un sens ou dans l’autre. Ce devrait être l’objectif premier du pacte.

Des instances de décision (métropolitaines) et de dialogue (avec les communes)

Cette confusion sur les objectifs rend impossible d’éclairer le rôle des communes comme instances de décisions [1].

Si le projet de pacte reconnait que « les communes sont libres dans l’exercice de leurs compétences », il ne connait les conseils municipaux que pour la relation aux usagers et le suivi des conditions et niveaux de qualité des prestations produites ou co-produites par la Métropole… Les communes sont donc associées, dans le dialogue, mais uniquement pour gérer le service après-vente ! Aucune réflexion sur le rôle des communes dans les processus décisionnels de la métropole !

Pourtant, il suffit de prendre les exemples bien connus de la politique de la ville, de l’urbanisme ou de la propreté, pour réaliser qu’il y a matière à dire en quoi les communes doivent être, comme organe délibérant, reconnu par la métropole, dans la définition même de ses propres compétences. Ainsi, il parait normal que le PLU-H soit délibéré dans chaque commune avant la délibération métropolitaine. Si on en croit ce projet de pacte, cela n’aurait plus lieu d’être demain, et les communes devraient simplement expliquer le PLU-H de la métropole à leurs habitants.

Revenir aux cœur du projet de pacte, les relations entre communes et métropole

Ce projet est à reprendre, en laissant de coté le verbiage métropolitain qui ne peut faire consensus, et en se concentrant sur les règles du jeu entre communes et métropole. Chacun a bien compris que beaucoup se décidera dans les « contrats » entre communes et métropole, mais sans règles communes claires, ce sera la foire de Lyon, pas la « réussite métropolitaine ». Ces règles doivent définir les processus de décisions entre les communes et la métropole, donc les processus délibératifs. Il est essentiel de dire quand la métropole prendra le temps de consulter officiellement les maires, les conseils municipaux dans la mise en œuvre de politiques métropolitaines et leurs conséquences sur la commune.

S’il faut bien sûr poursuivre le travail pour la recherche d’un compromis avec l’ensemble des communes, il reste que les propositions de l’exécutif confirment les raisons de fonds que nous avions de nous opposer à cette métropolisation institutionnelle ! Oui, s’il faut « réussir » la métropole ; c’est dans le sens de la réussir avec les communes !

[1Notons que le texte constate que les communes ont des liens qui débordent des conférences territoriales. Selon qu’on parle d’eau, de bassin d’emploi, de transport, de risques industriels, de chauffage urbain… une commune peut être en relation avec des communes différentes. Cette évidence avait été largement souligné dans les débats précédents la loi, et avait été superbement ignoré de ses promoteurs !

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