La politique de la ville face à la fracture sociale Enregistrer au format PDF

Contrat Urbain de Cohésion Sociale
Jeudi 1er avril 2010

Dans le cadre de sa délégation, Henri Thivillier suit pour la ville le « contrat urbain de cohésion sociale », démarche associant l’état et les collectivités et qui porte les objectifs sociaux de la politique de la ville (voir son intervention à ce sujet au dernier conseil municipal). Il m’a demandé de le remplacer dans la « séance plénière de l’observatoire territorial du CUCS de l’agglomération lyonnaise », rencontre organisée au Grand Lyon, avec un représentant du préfet, de la communauté urbaine, des principales communes concernées..

Ce « CUCS » se termine en 2010, et des discussions sont ouvertes pour en redéfinir les objectifs et les moyens, dans un contexte ou certains considèrent que la politique de la ville coûte trop cher… (en ce moment, quelle est la dépense publique que certains ne trouvent pas trop fortes !).

La discussion a confirmé que les communes partagent beaucoup d’inquiétudes communes sur la politique de la ville. Voici les éléments de mon intervention dans la table ronde qui concluait cette journée.

Je voudrais montrer que si les outils existants nous donnent des connaissances sur les territoires concernés par les CUCS, ces connaissances restent partielles, déconnectées de l’effet des politiques de droit commun, et donc difficiles à utiliser pour les acteurs locaux. Si les effets de la politique de la ville, largement insuffisants pour faire face à la profondeur de la fracture sociale, ont néanmoins permis de faire bouger la ville pour ce qui se voit tout de suite, l’urbain, elles sont une goutte d’eau submergées par la progression constante de la grande pauvreté, de la précarité et ne construisent pas du lien social, pas de république face aux dérives de la survie et du communautarisme. Comme le chante si bien Jacques Dutronc « face à la misère, on a des cache-misère, face à la misère, on a d’la poudre aux yeux ».

C’est pourquoi nous pensons qu’il est essentiel de renforcer l’observation du territoire au delà des données existantes pour donner aux acteurs locaux des cartographies le plus utilisable possible pour comprendre un quartier, sa dynamique, les éléments de vie sur lequel se basent les décisions individuelles et collectives. Etudier l’indice de développement humain local, mais aussi la part de la voiture dans les déplacements, le taux d’abstention aux élections, le taux de refus de tri des déchets. Comme adjoint au développement durable, je constate par exemple que sur ce taux de refus, bien des choses sont dites sur la base de chiffres soit très globaux, soit sans réelles conditions d’observations précises et fiables.

Nous devons aider à mesurer finement les dynamiques sociales, et notamment les choix de l’école par les familles, les flux de peuplement. Dans mon quartier des Minguettes, on voit en même temps de jeunes couples salariés s’installer dans une copropriété, mais la ségrégation sociale dans le quartier de tour à coté se renforcer, et dans quelle école ces couples vont-ils mettre leurs enfants ?

Mais répondre à ces question obligent à considérer la politique de la ville comme un complément aux politiques publiques de droit commun. Ce ne sont pas 1M€ d’actions sociales exceptionnelles annuelles sur le GPV qui peut avoir un effet significatif sur la situation de milliers de familles confrontées au chômage ! Il faut donc certes mesurer les effets des actions de la politique de la ville, mais il faut aussi, et aujourd’hui on peut dire qu’il faut d’abord, mesurer comme les actions de droit commun sont renforcées, fléchées sur les territoires en difficulté, et quelles en sont les effets.

D’abord sur la question du peuplement. Quel effet des constructions récentes aux Minguettes ? S’agit-il de parcours sociaux ascendants, qui bousculent les représentations ségrégationnistes ? ou au contraire de spécialisation sur certaines populations, discriminées et fragiles ? Ont-elles permis réellement des entrées de non Vénissians ? Quel effet des réservations DALO dont on peut constater avec le maire de Bron que ce sont les villes populaires de l’Est qui fournissent les logements ?

Ensuite sur la question de la sécurité. Les moyens de police, de justice et notamment de justice des mineurs ont-ils comme effet de garantir dans ces quartiers un niveau de tranquillité équivalent aux territoires ordinaires comparables ? On voit bien que ce n’est pas le cas pour les voitures brûlées, malgré les investissements réalisés en vidéo-surveillance.

Ensuite sur la question essentielle de l’éducation. Y-a-t-il évolution positive du niveau scolaire ou au contraire aggravation, ce dont témoignent en général les enseignants ? Quelles conséquences précises à l’assouplissement de la carte scolaire ? Le nombre d’élèves boursiers au mérite a fortement baissé au lycée Sembat-Seguin , et le collège Michelet voit partir les enfants du centre ville… Mais au delà des témoignages des équipes, comment fournit-on des cartographies utiles à l’action publique ? Quel responsabilité de l’éducation nationale dans ce travail ?

Enfin sur la question de l’accès à l’emploi. Avec 50% des actifs sans aucune formation, comment sortir du constat connu sur le taux de chômage ; 21,8% aux Minguettes pour 15,9% sur Vénissieux et 11,8µ% dans le Grand Lyon, et +32% de chômeurs fin 2009 par rapport à fin 2008 ! Comment mesurer les freins spécifiques et l’efficacité de certaines actions ? Quel impact des difficultés de transport souvent citées par les habitants ? quel part des comportements discriminatoires, quelle part liée à la faiblesse des réseaux sociaux ? comment faire le lien entre les actions de formation professionnelle et les résultats lus sur un quartier ?

Ces enjeux de l’observation des actions et des effets des politiques de droit commun et des mesures exceptionnelles sur tous les champs de la vie sociale qui fondent les représentations des quartiers populaires nécessitent une véritable coordination du développement social. Il faut reconnaître que si l’effet urbain sur la décennie précédente est significatif pour Vénissieux, comme pour d’autres villes, il résulte d’un effort budgétaire et d’une réelle coordination des acteurs. Or, sur l’enjeu social, nous mobilisons 10 fois moins de moyens, et nous n’avons pas une véritable mobilisation des acteurs. C’est pourquoi nous demandons une organisation renforcée du travail sur l’action sociale, mobilisant les acteurs dans un comité de pilotage spécifique, avec bien entendu le conseil général, l’état dont notamment l’éducation nationale, et la ville…

Certains trouvent que la politique de la ville coûte cher et n’est pas efficace puisque les ségrégations sociales sont toujours présentes. Mais si certains peuvent faire l’autruche devant les menaces de délitement de la république, les 70% des familles qui sont éligibles au logement HLM, les millions de salariés dont le salaire trop bas « bénéficie » d’allègements de charge, les centaines de milliers de salariés pauvres que les entreprises envoient à l’aide sociale pour compléter leur salaire de misère avec le RSA, bref, la majorité du peuple Français sait qu’au contraire, nous avons besoin de changer d’échelle, besoin de ce que certains ont appelés un véritable plan Marshall des banlieues. Dans ce contexte, le silence assourdissant du gouvernement, l’absence de toute décision sur l’avenir de l’ANRU, le constat que nous sommes toujours dans l’ignorance de l’avenir des conventions qui se terminent en Mai, (dans 2 mois !), ne peut que nous alerter. Puisque la ministre de la politique de la ville qui était donnée partante est toujours là, nous attendons qu’elle s’exprime enfin ! Car tout indique que la chasse aux dépenses sociales est ouverte, la France n’étant évidemment en rien protégée de ce qui se passe en Grèce ou au Portugal. Nous voulons donc avec force réaffirmer la nécessité absolue de renforcer la politique de la ville, et de changer d’échelle dans la mobilisation des politiques de droit commun, notamment sur les questions sociales.

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