la retraite, une avancée sociale à reconquérir Enregistrer au format PDF

Lundi 11 octobre 2010

L’actualité sociale et politique sera peut-être bousculée cette semaine. Si la journée de grèves et de manifestations de mardi 12 marque effectivement un renforcement du refus populaire de la réforme Woerth, si les salariés d’entreprises publiques (notamment du transport) et privées (comme les raffineries) votent la reconduction de la grève mardi 13, la France sera de nouveau dans une situation inédite.

Depuis 1981, aucune majorité sortante ne gagne les élections législatives. Alternances et cohabitations ont marqué la France avec des surprises comme le vote net contre la constitution européenne en 2005. Visiblement, le peuple Français n’est pas satisfait de ceux qui le gouvernent et le fait savoir à chaque occasion.

Avec sa victoire de 2007, Nicolas Sarkozy avait permis à la droite de se maintenir au pouvoir, rompant ainsi avec l’alternance systématique, mais il l’avait fait en promettant une « rupture » politique que beaucoup de ses électeurs avaient cru en faveur de « ceux qui se lèvent tôt », des valeurs du travail et de l’entreprise… La déception est terrible pour ceux là, qui voient partout le contraire, d’affaire Bettencourt en crise bancaire, de fête au Fouquets, en notes de frais de ministre et augmentation de salaire de président.

Personne ne sait ce qui va se passer, d’autant plus qu’aucune force politique ou sociale n’a l’enracinement populaire qu’avaient les partis communistes ou gaullistes des années 60. Mais la colère est du niveau de celle de 1968 !

Le fait est que les discours pourtant répétés sur « les sacrifices nécessaires » passent de plus en plus mal ! Un peu partout, des salariés ont fait l’expérience qu’après avoir accepté des mesures de baisse du cout du travail pour « sauver » l’emploi, ils sont peu de temps plus tard frappés pourtant par des fermetures.

Les dettes sociales et étatiques sont impressionnantes ! Elles poussaient beaucoup de salariés à accepter les mesures de rigueur qui pourtant leur faisait perdre du pouvoir d’achat. Mais les profits insolents des banques que l’argent public a sauvé de la faillite en 2008, les affaires qui se multiplient et révèlent la croissance dans la crise des revenus de milliers de grandes fortunes, tout affaiblit les discours des réformes « nécessaires ».

Et dès qu’on s’intéresse aux questions soi-même, qu’on met en doute les affirmations simplistes des journaux télévisés de 20h, on est surpris devant une incroyable contradiction. Jamais nos sociétés n’ont été aussi riches, jamais le travail n’a produit autant de richesses, jamais nous n’avons été aussi nombreux à travailler… et pourtant, nous atteignons des records de pauvreté, d’assistance, de dettes, de crises…

Il y a ainsi des chiffres simples qu’un enseignant résumait dans une exercice d’école primaire instructif.

« Aujourd’hui en 2010, dix salariés produisent un gâteau de 2000 grammes, à partager avec 4 retraités.

Dans 40 ans, en 2050, dix salariés produiront un gâteau de 3000 grammes à partager avec 8 retraités.

Calculer le poids de la part de gâteau de chaque personne, en 2010 et en 2050.

La part de chacun en 2050 sera-telle plus petite qu’en 2010 ? »

Après corrigé des copies, il apparaît que 99% des 1000 élèves ont trouvé :

  • qu’en 2010, la part de chacun est de 143 g (2000 : 14)
  • qu’en 2050, la part de chacun sera de 167 g (3000 : 18)
  • qu’en conséquence, en 2050 la part de chacun aura augmenté par rapport à 2010

Les chiffres sont arrondis, mais sont cohérents, le gateau représente le PIB, et la conclusion est sans appel. Il n’y a aucun problème de financement des retraites, si on accepte de partager les gains de productivité !

Nous sommes de plus en plus nombreux à penser que la vraie cause de cette contradiction, c’est bien que tout pousse à orienter l’argent là ou il y en a déja, un véritable cercle vicieux qui fait que les plus riches, ayant plus de moyens pour peser sur les entreprises et les institutions, orientent toutes les politiques vers la baisse du coût du travail et la hausse des revenus les plus élevés.

Le résultat devient invivable pour la grande majorité. Aux USA qui en quelque sorte nous montre où nous allons en économie, on arrive bientôt à une situation explosive, où 1% des plus riches détiennent 50% des richesses tandis que les 50% les plus pauvres se partagent 1% de ces richesses, alors que toutes les richesses ne sont produites que par le travail de tous !

Nos sociétés « développées » se déforment ainsi de plus en plus pour se rapprocher des sociétés profondément inégalitaires des rois soleils, négus ou autres maharadjas. Alors que l’Inde, la chine ou le Brésil, trouvent des voies de développement qui leur permettent de sortir des milliards de personnes de la misère absolue, l’Europe qui symbolisait un développement humain équilibré devient toujours plus un symbole de la crise et de son cortège de violences.

L’enjeu de cette semaine est ainsi beaucoup plus large que la seule réforme Woerth. Les retraites sont un symbole d’un choix de société. Dans la situation très difficile de la reconstruction après guerre, le conseil national de la résistance avait affirmé un choix, celui de baser la protection sociale et les retraites sur le travail, imposant de fait aux entreprises, et donc à leurs actionnaires, d’être co-responsables de l’équilibre de la société.

Sans doute faudra-t-il pour cela bousculer les institutions et les forces sociales et politiques, mais si cette semaine peut redonner à la France le goût de ce choix de la solidarité fait en 1945, il faut s’en réjouir. La tendance longue à l’affaiblissement de la France, de son industrie, du monde du travail, et à la montée des inégalités et des insécurités, pourrait alors être inversée.

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