Essence/diesel et qualité de l’air… Enregistrer au format PDF

Après la succession de « pics de pollution de l’air » dans les grandes villes…
Vendredi 17 février 2017 — Dernier ajout lundi 20 février 2017

Les épisodes répétés de pic de pollution de l’air ont fortement fait discuter sur les émissions polluantes des voitures. J’avoue ne pas comprendre pourquoi ni comment tel ou tel sujet devient médiatique, pourquoi tout le monde en parle alors que d’autres sujets sont négligés…

  • Pour les risques sanitaires de la pollution de l’air, toutes les études montrent que la pollution quotidienne, toute l’année, est plus dangereuse que les « pics » de pollution, mais bizarrement, on n’en parle que pour ces pics…
  • et toutes les études nous montrent que les émissions du chauffage, notamment au bois, sont la première cause de la pollution de l’air dans les agglomérations. [1]. Pourtant, tout le monde ou presque ne retient que la question du diesel…

Pour ceux qui cherchent à « penser par eux-mêmes », voila encore un exemple qui pousse à un regard critique sur les médias dominants, et qui conduit à se méfier des positions pour ou contre telle ou telle technique [2]. C’est le défaut de tous les débats sur la transition énergétique, focaliser le débat sur le choix de techniques, au lieu de l’orienter vers les objectifs de maitrise publique des décisions d’investissements, autrement dit, vers la défense du service public et la maitrise publique des entreprises industrielles stratégiques…

Laissons de coté le chauffage au bois, première source de pollution de l’air dans les agglomérations [3], et regardons les émissions polluantes des voitures qui sont la deuxième source de poussières et qu’il faut bien sûr étudier pour les réduire… Sauf que là aussi, on découvre des surprises que le discours médiatique a tendance a cacher…

Comme je devais changer de véhicule, j’ai passé beaucoup de temps à regarder les différentes offres techniques, leur coût bien sûr, mais aussi leur performance environnementale.

D’abord les voitures électriques, qui se répandent. Cependant, on butte vite sur deux contraintes fortes. Pas question d’aller voir ses enfants à Paris… aucune voiture toute électrique ne fera Lyon-Paris sans un arrêt de 3 ou 4h pour une recharge… Vous me direz justement, mais pourquoi aller à Paris en voiture, voir plus loin… Plus pratiquement, une voiture électrique suppose d’avoir chez soi une… prise de recharge. Autrement dit, sans parking attitré et sécurisé, pas de voiture électrique… [4]

Mais il y a de plus en plus de voitures hybrides, et beaucoup peuvent rouler en tout électrique, puis rouler avec du carburant pour recharger ses batteries… Cependant surprise, les plus connues ne font que quelques kilomètres en tout électrique. Il y a bien de gros véhicules en général des 4x4 qui permettent de faire 40km sans carburant, et même certaines qui rechargent les batteries en 30 minutes en faisant tourner le moteur sans rouler, mais ce sont de très gros véhicules… très cher… En fait, je réalise rapidement qu’avec les hybrides les plus répandus, ce serait encore du moteur thermique pour 99% du temps. L’hybride est surtout un moyen efficace de réduire les consommations de carburant…

Quand à l’impact environnemental de l’électrique, il est très bon en France puisqu’on a de l’électricité non carbonée, moins bon évidemment si la voiture recharge les batteries avec le moteur thermique… Mais surtout, si on regarde le cycle de vie complet de la voiture, de sa fabrication à son recyclage, le bilan est mitigé. Si une voiture électrique a beaucoup roulé avec de l’électricité non carbonée, elle aura un bilan bien meilleur qu’une voiture thermique. Mais si elle a peu roulé, elle peut avoir un bilan environnemental moins bon… Autrement dit, le véhicule électrique est parfait pour un taxi, un livreur, un représentant… qui feront 100 000km en peu de temps, mais si c’est pour faire chaque jour de petits trajets et n’atteindre que 10 000km dans l’année… ce ne sera pas très intéressant d’un point de vue environnemental…

Donc, on en revient à un moteur thermique… si on a besoin d’une voiture… Effectivement, pourquoi ne pas se déplacer uniquement en mode doux ou en transport en commun ? Et bien, il faut être honnête. Comme la plupart des gens, je compare les coûts, les temps et le confort pour chaque type de déplacement. Je n’irai jamais à Paris en voiture, sauf pour transporter des meubles, ou si on est nombreux pour plusieurs jours [5]] Je prendrai le T4 le plus souvent possible pour aller à la Doua, en fonction de l’horaire (j’avoue que le T4 archiplein à 8h n’est pas très tentant…) et en fonction des autres trajets que je dois faire dans la journée… Et je prends un vélo dès que possible pour les trajets dans Vénissieux ou les villes voisines…. Reste que pour beaucoup de trajets, la voiture reste un outil incroyable de liberté, et reste donc nécessaire et légitime… [6]

Alors une voiture est nécessaire : mais essence ou diesel ?

Si on écoute les médias et de nombreux élus, il n’y a pas débat, le diesel est le plus mauvais et il faut même l’interdire. C’est ce qu’a décidé le maire de Paris…

Mais regardons les normes d’émissions des voitures récentes…

  • La norme Euro6b (la plus à jour) autorise les moteurs diesel à émettre 80g/km de NOx (oxyde d’azote), et 60g pour les moteurs essence, donc le diesel est plus polluant, mais pour l’oxyde de carbone (CO), le moteur à essence est autorisé à émettre 1000g quand le moteur de diesel n’émettra que 500g… c’est là le diesel qui est meilleur…
  • Et pour les poussières ? Et bien surprise, les deux ont le même niveau d’émission normalisée en poussières de 4,5g/km, mais le moteur diesel est plus contraint puisque pour tenir compte des particules très fines, on tient compte non seulement de la masse, mais aussi du nombre de particules ! Et ce critère est plus strict pour le diesel, 600 milliards de particules/km, que pour l’essence autorisée à émettre 6000 milliards de particules… En 2016, le moteur à essence neuf peut émettre 10 fois plus de poussières très fines que le moteur diesel.. Les prochaines normes Euro 6c imposeront d’ailleurs le même niveau que le diesel pour l’essence, ce qui conduira à mettre des filtres à particule sur les véhicules essence… Sur cette question la plus discutée des poussières fines et très fines, il y a égalité entre essence et diesel pour un véhicule très récent… [7] [8]

Certes, pour respecter ces normes, le diesel a besoin d’un filtre à particules qui ne fonctionnera pas bien à froid…

Certes, tout le monde sait qu’il y a un écart entre les normes et les émissions réelles… Mais cet écart est vrai pour les deux techniques… Et rappelons que pour les émissions de CO2, l’avantage est clairement au diesel pour 20 à 25% d’émissions en moins que l’essence…

Autrement dit, ce n’est pas d’abord le type de moteur thermique qui compte, mais l’ancienneté du véhicule. L’urgence serait donc d’accélérer fortement le renouvellement du parc…

Voila la conséquence d’un débat médiatique qui privilégie « le poids des mots et le choc des photos », autrement dit le sensationnel, sur l’effort de connaissance, de partage, de « politique » au sens noble, au sens du travail citoyen au service de l’intérêt général.

Quand il y a un pic de pollution, c’est pour la qualité de l’air comme quand il y a le premier froid pour les sans domicile fixe. Les médias se mettent à en parler, c’est un bon sujet, et chacun y va de sa proposition en faisant comme si il n’y avait pas des politiques publiques existantes dont il fallait d’abord faire le bilan pour les discuter et les faire évoluer, voire les transformer radicalement !

Pour les SDF, tout le monde sait que le premier problème est qu’on manque d’hébergement, et de logement social, et chacun sait pourquoi…

Pour la qualité de l’air, il est essentiel de dire d’abord que les politiques publiques existantes ont permis d’énormes progrès depuis 20 ou 30 ans ! Tous les indicateurs de qualité de l’air montrent que nos enfants respirent un air de bien meilleur qualité que nous-mêmes à leur age ! Pourquoi tout le monde est persuadé du contraire ? Mystère ! [9]

Oui, il y a encore des progrès à faire, sur le chauffage des logements, et sur les transports et au fonds, nous connaissons tous les bonnes pistes.

  • Accélérer fortement les investissements dans les transports en commun (personne n’en parle !), en apportant une réponse qui aille jusqu’au porte à porte, capable d’intégrer modes doux, taxi-bus publics à la demande et transports en communs, pour une part modale de la voiture individuelle qui se réduirait pratiquement aux trajets des non résidents…
  • Accélérer les innovations sur la voiture propre, (quelle que soit la technique), qui se développera plus rapidement comme un « service urbain », et non comme une voiture individuelle…

Quand tout le monde nous pousse à avoir peur des techniques, il est essentiel au contraire de dire que la technique est notre atout, et qu’il faut avoir peur de ceux qui décident pour la rentabilité de leurs investissements. Face à ces intérêts privés parfois énormes, il faut privilégier une politique publique au service de l’intérêt général et privilégier l’innovation !

Il existe de nombreuses pistes technologiques inventées par des ingénieurs qui cherchent des moyens pour industrialiser leurs inventions et les transformer

  • Ainsi de la voiture à air comprimé, qui ne consomme que de l’électricité, et en stocke l’énergie dans de l’air comprimé… Quand elle roule, cette voiture de rejette que… de l’air aussi pur que quand elle l’a compressé… (société MDI)
  • mais aussi un moteur hybride essence et air comprimé, projet de PSA qui était considéré comme une étape essentielle vers la voiture à 2 l aux 100 km. Mais la production de l’Hybrid Air est suspendue à la volonté d’un autre constructeur de se lancer dans l’aventure, car les coûts d’industrialisation sont très élevés

Et en attendant, que faire pour les pics de pollution ? Et bien d’abord réduire la pollution de fonds, c’est à dire accélérer les transports publics, les modes doux et… le renouvellement du parc automobile. Ce n’est pas en rejetant les plus vieux véhicules, ceux notamment des familles populaires, et en laissant passer les gros 4x4 essence à injection directe des familles aisées, qu’on fera de la qualité de l’air une question d’intérêt général ! S’il faut des mesures exceptionnelles, elles doivent être équitables, à commencer par la gratuité des transports publics, un covoiturage obligatoire à l’entrée en zone urbaine, etc…

[1J’ai découvert par exemple lors de la présentation du schéma directeur de l’énergie de la métropole que le chauffage au bois hors réseau de chaleur consommait quatre fois plus que les réseaux de chaleur, et ce chauffage au bois dans des foyers ou de petites chaudières est le premier émetteur de poussières dans l’agglomération lyonnaise

[2surtout quand on se rend compte de la diversité des lobbys économiques qui font le forcing pour leur technique préférée…

[3et qui devraient conduire à accélérer le développement des réseaux de chaleur et de les convertir plus fortement vers la biomasse

[4Je ne suis pas allé voir les nouveaux véhicules Tesla, de ce constructeur qui a démarré dans le véhicule de luxe pour développer du tout électrique de pointe… On peut avoir trois ou quatre Scenic pour une Tesla, ce n’est pas le sujet…

[5parce que cela revient alors moins cher que le train, voila un vrai enjeu sur les tarifs de la SNCF…

[6On peut imaginer une ville sans voiture individuelle. Les techniques existent pour réussir un projet comme celui porté depuis des années par Henri Thivillier de « minibus électrique collectif », qui viendrait compléter le réseau de transport en commun lourd en « porte à porte », mais ce serait une révolution politique, et un tout autre « plan de déplacement urbain » que celui actuel de la métropole de Lyon…

[7En fait, c’est non seulement le carburant qui impacte les émissions, mais aussi la technologie de l’injection directe, qui a l’avantage de casser les molécules du carburant dans de très hautes pressions ce qui favorise la combustion, et le désavantage de produire ainsi beaucoup plus de particules très fines, que ce soit diesel ou essence, et certaines études laissent même penser que les particules fines issues de l’essence serait plus « actives » que celles du diesel…

[8M.Laurent Gagnepain. ingénieur mobilité à l’ADEME dans l’audition de l’ADEME à l’assemblée : « Les nouvelles motorisations à l’essence ne sont au reste pas forcément beaucoup plus propres que les motorisations au diesel, notamment quand elles utilisent l’injection directe. Elles rejettent en effet davantage de particules fines que les véhicules diesel équipés d’un filtre à particules. Pour respecter la norme Euro 6 C, qui entrera en vigueur en 2017-2018, les véhicules à essence auront eux-mêmes certainement besoin d’un filtre à particules »

[9C’est exactement comme le débat sur l’immigration. C’est un sujet politique légitime, une conséquence des inégalités dans le monde, mais il a été instrumentalisé pour justifier les politiques d’austérité au profit des discours de divisions, alors que l’immigration statistique n’est pas plus forte aujourd’hui que dans les années 60, quand des milliers de travailleurs nord-africains venaient faire tourner les chantiers et les usines Françaises…

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