Intervention dans une formation plan climat des élus

Le plan climat et les citoyens, retour d’expérience Enregistrer au format PDF

Mercredi 18 avril 2018

Je suis intervenu dans une formation d’élus communistes sur les plans climats pour évoquer l’expérience Vénissiane, une occasion de rassembler mes idées sur tout ce que nous avons fait depuis le lancement du premier agenda 21 en 2009…. Une formation devant 10 élus de la région centre…


Après une introduction sur le contexte du débat citoyen sur une politique climat-énergie de collectivité, je vous présenterai mon expérience Vénissiane et des exemples d’action avec impact sur le climat, avant de tenter d’en tirer quelques conclusions sur la manière pour un élu d’aborder ces enjeux, au-delà des aspects réglementaires.

Introduction, le climat et les habitants…

Comme sur beaucoup de sujet, il y a des lois, des réglementations, des outils à connaître pour un élu, mais il faut pouvoir les situer dans ce qui est au fonds notre raison d’être, en tout cas d’un élu communiste, le lien avec les habitants, ce qui suppose de les situer dans le débat politique, et de partir du territoire, du vécu des habitants pour tenter de les rendre acteurs, et pas seulement électeurs souvent désabusés…

C’est d’autant plus vrai que le développement durable et le climat font l’objet de batailles idéologiques intenses, que beaucoup s’en servent pour des objectifs économiques et politiques profondément réactionnaires, derrière des campagnes médiatiques tentant de faire croire à un large consensus.

  • tout le monde se souvient des déclarations exaltées de Laurent Fabius concluant la COP21 à Paris, et vous avez tous noté que deux ans après, les émissions de carbone sont reparties partout à la hausse… Ce grand écart entre les discours et le réel creuse chaque jour la fracture politique et même sociétale, et contribue à rendre inaudible pour certains les enjeux environnementaux.
  • tout le monde a vu il y a quelques années des publicités “votre toit vous enrichit” et il facile de comprendre que le photovoltaïque raccordé avec prime fiscale et tarif de rachat avantageux a surtout profité aux propriétaires de maisons alors qu’il était financé par tous les usagers, y compris les bénéficiaires de tarifs sociaux. Voilà un scandale d’inéquité sociale de plusieurs milliards qui n’a jamais gêné les promoteurs du solaire avec tarif d’achat garanti !
  • un autre exemple plus au fonds, celui du mix énergétique avec une citation peut-être étonnante. C’est Noël Mamère qui disait à propos du nucléaire. L’essentiel, ce n’est pas de discuter des risques du nucléaire, mais du système économique qu’il impose, un système nécessairement centralisé et relevant de l’état. Et à vrai dire, je suis d’accord, le vrai débat énergétique ne porte pas sur les techniques, mais bien sur le modèle économique qu’on défend. Voulons-nous un grand service public qui gère un mix entre une production centralisée et une production distribuée en assurant l’égalité d’accès et la péréquation tarifaire ? Les peurs devant la mondialisation, les multinationales, conduisent souvent à penser que ce qui est local sera moins nocif. J’avoue qu’étant né à la campagne, j’ai un gros doute, mais est-il possible de penser à une autre société, dans lequel la mutualisation à grande échelle peut se faire dans le cadre public de l’intérêt général, que les hommes peuvent échanger et vivre ensemble très nombreux, à l’échelle du monde, et pas seulement localement ? Pour moi, il faut répondre positivement, c’est au cœur de notre projet de société, et c’est la différence avec l’écologie politique qui en général reste dans le cadre d’un marché, avec peut-être des acteurs ne cherchant pas le profit maximum, mais dans lequel le politique n’est là que pour “réguler”, sans rôle déterminant de l’état comme acteur, et donc de fait sans service public.

Ces exemples montrent à quel point il est nécessaire de mener le débat politique sur les enjeux climatiques et énergétiques, et à sortir du faux consensus de la loi de transition énergétique et de croissance verte. L’actualité sociale nous en donne un exemple avec le rail, qui devrait être un enjeu prioritaire pour réduire la consommation d’énergie carbonée des transports, et donc de la réduction de la part modale de la route dans le transport, au service de l’aménagement du territoire, des métropoles mais aussi des zones rurales, enjeu aussi essentiel à la réindustrialisation de la France, comme vecteur mais aussi comme filière technologique… Or, si je prends l’exemple de la métropole de Lyon, sa majorité macroniste avant l’heure, y compris écologiste, multiplie les discours et les projets de son plan climat, se présentant comme l’avant-garde des métropoles françaises, mais laisse de coté la place du rail dans le plan de mobilité métropolitain…

C’est avec ce type de préoccupations en tête que j’ai entamé en 2008 ma délégation au développement durable et à l’environnement, devenu en 2014 logement, énergie et développement durable. Le maire de 2008 m’avait fortement étonné en rédigeant pour le plan de mandat un cahier dénommé “le défi écologique”. Dans cette ville ouvrière et populaire, les questions sociales et économiques, notamment liées à l’industrie, les questions de l’immigration marquées par un record du FN atteignant 30% en 1995, les questions de tranquillité publique étaient jusqu’alors dominante. Ce choix d’affirmer une ambition écologique pour la ville allait ouvrir une réflexion nouvelle et de manière plutôt surprenante allait marquer la vie politique de la ville, jusqu’à devenir un élément fort de notre image, avec des réussites reconnues qui font par exemple de cette ville une des 18 communes de France qui ont le label “Citergie” pour leur politique climat et énergie.

Mais, le point de départ de tout ça, c’était bien de porter ces questions avec des habitants marqués par le chômage, la précarité, la pauvreté. Il fallait tenir compte du risque permanent de division entre ceux qui s’en sortent et les plus précaires, entre des quartiers de couches moyennes et les quartiers prioritaires de la ville, entre ceux qui demandent une ville plus active offrant plus de services et ceux qui souffrent et se demandent comment organiser ce qu’on peut appeler une survie. Car franchement, qu’est-ce en fait que de vivre au RSA ?

Il ne pouvait pas s’agir de copier ce qui se faisait ailleurs en direction des plus sensibles aux questions écologiques dans la population. C’était bien sûr le plus facile et pour une part, il faut bien aussi répondre à leurs demandes, mais le plus important était de parler au plus grand nombre et donc à ceux pour qui l’environnement est souvent vu comme secondaire.

Nous avions un sujet “chaud”, celui du réseau de chaleur, pour lequel la ville avait engagé la sortie progressive du fuel avec une chaudière biomasse de 12MW qui en 2005 était innovante, même si elle fût un échec et qu’il a fallu la démolir et reconstruire l’installation en 2010… Ce réseau de chaleur était un sujet de débat citoyens vifs, dans un “conseil de transparence du réseau de chaleur”. Certains habitants disent clairement “je préfère payer plus cher et avoir chaud (1°C de plus, c’est 7% sur la facture), alors que d’autres nous demandent de chauffer moins pour faire baisser la facture quitte à avoir froid. Certains vivent très bien à 19°C et d’autres ont froid à 22°C, certains vont ajouter des chauffages électriques pendant que d’autres ouvrent les fenêtres… tout le monde se retrouvant pour protester contre le bailleur et le réseau de chaleur… Cet exemple est illustratif du risque du discours sur “les bons gestes”. Car on peut toujours répéter qu’il ne faut ouvrir la fenêtre pour aérer que 5 minutes, cela suffit, mais le vécu de beaucoup d’habitants d’immeubles, ce sont des inconforts et des situations hétérogènes face à des questions qui sont collectives :

  • un immeuble mal isolé chauffe de manière inéquitable, le pignon nord en rez-de-chaussée aura toujours plus froid que l’appartement sud en milieu d’immeuble…
  • quand il faut 16°C dehors, donc au moins 18°C dedans, il est normal que la circulation du chauffage ralentisse et donc que les radiateurs refroidissent…
  • un réseau de radiateurs déséquilibré ou non purgé chauffe mal et aggrave les inégalités du bâtiment
  • et toutes ces questions sont des questions collectives qui dépendent de la gestion de l’immeuble, syndic ou bailleur, sachant qu’en plus, la température vécue dépend aussi de l’ameublement, et bien sûr des personnes…

Un message général sur le thème 1°C c’est 7% de la facture a donc peu de chances d’être entendu par le plus grand nombre s’il ne s’inscrit pas dans le cadre d’une action qui traite de tous ce sujets avec le gestionnaire du site, le fournisseur de chaleur…

L’expérience de Vénissieux

Vénissieux avait des atouts historiques, un bon service espaces verts qui avait engagé de nombreuses démarches de type 0 phyto, forages, travail sur les espèces… le réseau de chaleur qui couvre la moitié de la ville avait commencé sa mutation vers les énergies renouvelables, et un espace nature aux limites de l’agglomération géré par un syndicat intercommunal avait en dix ans considérablement transformé l’espace péri-urbain en maintenant son activité agricole tout en en faisant un espace nature pédagogique. Un des plus grands succès a été la réintroduction de nombreuses espèces d’oiseaux puisqu’on est passé de moins de 5 espèces à plus de 40 en dix ans, ce que je cite souvent comme exemple face aux discours du catastrophisme. La volonté politique quand elle crée les conditions de travail des acteurs, peut beaucoup, et dans ce cas, le travail s’est fait avec tous les usagers, promeneurs, sportifs, amoureux de la nature, chasseurs, et bien sûr les agriculteurs, des céréaliers qui n’étaient pas bio, mais attachés à la qualité de leur terres,. Rien, ni le réchauffement climatique, ni l’urbanisation, ni l’agriculture n’oblige à la disparition des espèces. Il faut bien sûr alerter et dénoncer les dégradations réelles des écosystèmes, mais il faut aussi valoriser la capacité des hommes à « cultiver la nature »…

Dans ce contexte, nous avons commencé par créer un “conseil citoyen du développement humain durable” après de longues discussions pour reprendre ou pas le terme de développement durable, ajoutant au final humain pour marquer une différence. Ce conseil réunissait des représentants d’associations, d’entreprises, d’élus bien sûr et un représentant de chaque conseil de quartier de la ville. Il s’est réuni à de nombreuse reprises dans un travail qui au départ portait simplement sur un plan d’action, et qui est devenu l’agenda 21 de la ville, avec une partie énergie qui est devenu notre plan climat. Nous avions fait réaliser un état des lieux par un cabinet spécialisé, mais c’est vraiment le travail du conseil citoyen dans des sessions de 3 heures avec casse-croute qui a produit progressivement une liste d’actions qui nous semblaient réalistes et concrètes… Ce plan d’action de l’agenda 21 est devenu un guide de travail avec un service de la mairie qui était le service des contrôleurs d’environnement et qui est devenu un service environnement plus large, service de référence du développement durable, avec des correspondants dans chaque service pour favoriser la transversalité. Cela a impacté de nombreuses missions de la ville

  • l’action sur la propreté, avec l’organisation d’une semaine de la propreté annuelle et qui est un vrai vecteur de travail sur les déchets, la biodiversité, la citoyenneté et la cadre de vie…
  • l’action sur le patrimoine municipal, avec le suivi de l’impact de la maintenance sur les consommations énergétiques, qui baissent depuis plusieurs années malgré la création de nouveaux équipements. Il y a bien sûr des investissements, des chaudières biomasse, des véhicules électriques, des isolations de bâtiments, mais il y a aussi beaucoup de travail avec les agents, de formation à l’écoconduite par exemple, ou de sensibilisation des sportifs à la température des gymnases…
  • le soutien aux politiques de rénovation énergétique dans le logement avec les syndics et bailleurs, d’abord avec un programme expérimental financé par l’état, la métropole et la ville, qui se termine en 2018 et a concerné 4 copropriétés et 30 maisons, et se poursuit avec un programme d’écorénovation de la métropole, mais qui révèle la réalité des besoins. Il faudrait des budgets 10 fois plus importants pour répondre aux demandes.
  • L’effort pour un réseau de chaleur exemplaire socialement et environnementalement avec une nouvelle DSP qui nous a permis d’atteindre 58% d’énergie renouvelable avec une baisse de tarif de près de 20%, et d’étendre le réseau qui dessert désormais plus de la moitié de la ville et nous permet en gros de dépasser 30% d’ENR dans le logement à l’échelle de la ville.
  • Le plan climat qui était obligatoire pour une ville de plus de 50 000 habitants s’est basé sur la partie énergie de l’agenda 21. Adopté en 2012, nous l’avons révisé avec une partie adaptation en 2014 ce qui nous a permis d’anticiper la révision de l’agenda 21 en 2015 avec une nouvelle version orientée plus nettement vers les enjeux économiques et sociaux et la place de l’économie sociale et solidaire.
  • Mais il y a beaucoup d’autres actions comme les composteurs de quartier réalisés et suivis par les espaces verts, le développement de jardins partagés
  • et de nombreuses actions sur l’énergie, avec deux projets encours de photo-voltaique auto-consommé, ce qui permet un travail pédagogique pour faire comprendre les enjeux quand on constate par exemple qu’on peut répondre à 20% seulement du besoin sans stockage. On va cette année d’ailleurs dans le même esprit inclure un bâtiment dans un marché électricité dite verte, mais avec une clause demandant au fournisseur de préciser jour par jour son mix réel, ce qui permettra de faire comprendre les enjeux et limites des ENR électriques.
  • des actions de diagnostics du patrimoine avec par exemple le soutien des actions “Smart Elec” ‘EDF, notamment sur la médiathèque, un très bel ouvrage architectural en verre, mais très difficile et coûteux à réguler thermiquement. On a atteint 30% de baisse de consommation et on vise 40% simplement par une meilleure gestion des équipements.

Toutes ces actions nous ont permis d’obtenir en 2016 le label CITERGIE, un label d’origine européenne, ce qui ne nous avait évidemment pas enthousiasmé quand l’ADEME nous l’a proposé, mais qui nous a semblé utile pour se donner un référentiel de mesure le plus objectif possible. Car nous savions que nous avions de bons résultats sur beaucoup de sujets, mais le rapport annuel obligatoire avant le DOB sur les actions du développement durable, nous montrait que la définition d’indicateurs n’était pas simple même si nous utilisions une liste d’indicateurs du ministère pour les agendas 21. Le dossier de candidature CITERGIE nous a obligés à un gros travail administratif pour définir rigoureusement les mesures et être capable de prouver à un auditeur ces résultats.

Le plus important a été en fait la mobilisation interne pour réussir à monter ce dossier, obligeant les services à beaucoup de transversalité pour rendre cohérent des documents parfois dispersés, des mesures dont les intervalles où le périmètre n’étaient pas toujours les mêmes… bref, un travail de rigueur. Le résultat a plutôt dépassé nos prévisions puisque nous avons obtenu le label dès la première candidature avec un score de 56%. Ce score reflète l’engagement, les actions et les résultats de la ville sur ses compétences propres, c’est à dire que par rapport au référentiel CITERGIE global, chaque collectivité se voit attribuer une note maximum selon ses compétences, et par exemple, l’assainissement étant de compétence métropolitaine, il n’est pas noté à l’échelle de la commune. A noter qu’un de nos points forts a été la mobilisation de nombreux adjoints, nous étions 9 adjoints au maire sur 13 au comité de pilotage de présentation du dossier à l’auditrice chargée de le présenter au jury.

Une fois obtenu ce label, ce qui est intéressant, c’est de s’en servir pour aider à prioriser les actions en fonction des points qu’elles peuvent apporter, même si bien sûr, il faut garder la maîtrise de nos priorités. Par exemple, même si on gagne des points avec des marchés d’électricité verte, nous avons fait le choix de ne pas le faire. Car la vérité actuelle des réseaux électriques, c’est que chaque fois qu’un acteur investit 1€ dans les ENR électriques, il faut qu’un autre mobilise l’équivalent en fossile permettant d’assurer la capacité de production… Même Hulot a du reconnaitre qu’il serait impossible de réduire la part du nucléaire en fermant les 4 centrales au charbon restantes en France… Prenez la situation de l’Allemagne, en dix ans, elle a remplacé du nucléaire principalement par de l’éolien pour 10% de sa production, mais sans réduire sa production électrique fossile, et cela a un impact énorme sur l’équilibre des réseaux européens, puisque parfois son éolien qui est prioritaire est très excédentaire, donc il faut que ses voisins l’achète, même si cela ne les arrange pas, et parfois au contraire, par une soirée d’hiver sans vent, elle doit acheter à ses voisins…

Nous avons considéré que le plan climat était une partie de l’agenda 21, ce qui me parait important car cela situe les questions de climat et énergie dans le contexte plus général de ce qu’on appelait développement durable, avec tous les enjeux environnementaux dont la biodiversité, et les enjeux économiques et sociaux. Or j’ai l’impression que l’abandon de la démarche agenda 21 par l’état traduit en fait la priorité donné à l’adaptation au changement climatique et le relatif abandon des enjeux de transformation nécessaire à l’atténuation.

Les leçons politiques de ces expériences

D’abord, faire attention avec les matériels et actions proposées nationalement Même si elles sont financées par l’ADEME ou autre, il faut toujours s’interroger sur les habitants à qui on veut parler, se demander comment le débat public est possible autour d’une action. J’ai le souvenir d’un cahier développement durable à destination des CE2 réalisé par l’éducation nationale qui multipliait les contresens pour un enfant d’un quartier populaire, par exemple affirmant que “la fraternité est prise en compte progressivement dans l’histoire", difficile à croire dans des quartiers qui vivent une ségrégation sociale grandissante ! Ou qui multipliait les messages sur la bonne manière de faire la cuisine avec au passage des stéréotypes marqués sur le rôle des femmes sur ce sujet, et aucune réflexion sur le vécu de familles pauvres sur ce sujet. Plus on peut construire des actions à partir du terrain, avec nos propres explications, plus on pourra les adapter aux habitants.

Pour une commune dans une métropole ou communauté urbaine, comme à Lyon, c’est souvent difficile, car beaucoup d’actions sont organisées par la métropole, et la ville ne peut que s’inscrire ou pas dans ces actions. Nous arrivons parfois à adapter certaines actions, comme sur la question du chauffage après quelques années d’un concours “famille à énergie positive” qui visait à la réduction des consommations individuelles, concours orienté en fait vers les maisons individuelles, nous avons pu avec l’agence locale de l’énergie inventer une action tournée vers l’habitat collectif en réseau de chaleur urbain.

Il faut pour cela faire vivre un vrai débat environnemental, qui ne cache pas les contradictions, la diversité des points de vues. Il y a débat sur le modèle énergétique, le modèle de transport, le modèle industriel, le modèle de logement avec au passage, la loi logement qui casse le modèle historique du logement social généraliste à la Française et là aussi des impacts forts sur la capacité des bailleurs à assumer les rénovations énergétiques nécessaires. Nous ne pouvons pas reprendre le discours dominant, qui s’inscrit toujours dans le cadre général de la fin des services publics et de la privatisation, avec notamment, j’y reviendrai le rôle essentiel de la territorialisation contre le service public.

Il faut mesurer à quel point ce débat est difficile quand une agence d’état, l’ADEME, défend de plus en plus les scénarios venant des écologistes comme le 100%ENR. Un exemple qui m’amuse toujours, ils utilisent l’expression “territoires deviennent à énergie positive”, mais si tout le monde le fait, qui va consommer les excédents ? La réalité de l’énergie c’est au contraire qu’elle est d’abord un flux, qu’elle se produit dans certains lieux et se consomme dans d’autres, autrement dit que les réseaux sont cruciaux, et c’est un mensonge de laisser croire qu’on pourrait tous être « autonome énergétiquement ». C’est d’ailleurs amusant de voir les contradictions du discours dominant, puisque les mêmes qui développent ce discours de l’autonomie énergétique nous vende de l’éolien de mer du nord… !

C’est bien sûr difficile car ce discours dominant de la loi de transition énergétique et pour la croissance verte est présent partout, et porté par de très nombreuses associations. La métropole de Lyon finance par subvention plus de 70 emplois dans des associations environnementales, dont beaucoup font un travail tout à fait intéressant, mais dans un cadre d’idée tourné vers le local, les comportements individuels, sans jamais ouvrir un débat pluraliste sur les politiques publiques nationales… Bien évidemment, la métropole ne finance pas des emplois militants sur les questions sociales ou d’emplois !

Il faut ensuite construire un débat démocratique qui ne peut être le débat scientifique… C’est le piège d’un débat sur le nucléaire par exemple ou du débat sur la pause ou pas du réchauffement climatique. Le but du débat public ne peut pas être de trancher un débat scientifique. D’autant que le débat scientifique ne cesse jamais et le principe même de la science, c’est qu’un modèle émerge, est validé, devient un modèle standard utilisé dans beaucoup de sujets, mais qui sera un jour critiqué, voire remis en cause. Vous pouvez par exemple lire l’article Ralentissement de l’accroissement de la température globale de surface et accélération de la fonte des glaces qui explique pourquoi la stagnation apparente de la température de surface du globe n’est pas contraire au réchauffement climatique, mais franchement, bien que ce soit un sujet discuté parfois dans les médias, y-a-t-il ou pas un "plateau" dans le réchauffement climatique, il est impossible que ce soit l’objet d’un débat public ! La grande majorité des citoyens ne sont pas en capacité de porter un jugement réel sur son contenu. Mais finalement, que le réchauffement climatique aille plus ou moins vite, qu’est ce que ça change pour nous ?

Il me semble que comme communiste, nous n’avons pas besoin du risque climatique pour être économe de nos consommations, le gâchis, c’est le mode de vie des riches, pas des ouvriers. Je vous invite d’ailleurs à lire ce qui se redécouvre depuis quelques années, les expériences d’agroécologie soviétique. Jusqu’aux années 60, l’agriculture soviétique s’est développé loin du modèle occidental de l’agriculture intensive à base d’intrants et les agronomes soviétiques avaient développé une politique de gestion des terres qui parait aujourd’hui très à la mode, avec par exemple déjà des expériences d’agroforesterie, et pour l’histoire, c’est Kroutchev qui a décidé de copier le modèle occidental… J’ai découvert ce sujet avec le projet de jardin Vavilov de la métropole de Lyon, et la surprise, c’est que d’anciens légumes lyonnais ont été retrouvé dans l’institut de Saint-Pétersbourg, parceque cet agronome était convaincu que le biodiversité était un facteur essentiel de productivité agricole… On sait d’ailleurs aussi qu’il existe un pays dont l’agriculture est 100% bio, Cuba, il est vrai parceque le blocus leur interdit l’utilisation d’intrants, mais leur modèle agricole est lui aussi à faire connaitre.

De toute façon, ce n’est pas le catastrophisme qui aide à la mobilisation pour des changements politiques, au contraire, les peurs poussent toujours aux fantasmes, au repli individualiste, à la « réaction » populiste alors que nous avons besoin de faire appel à l’intelligence, à l’intérêt général, donc aux démarches collectives. Prenons l’exemple de la qualité de l’air, et du message que vous avez tous entendu sur les 48000 morts, message très ambigus car il s’agit de 48000 morts prématurés, en gros de 6 mois, alors que les morts du tabac qui sont à peu près autant perdent eux des dizaines d’années de vie. Or dans beaucoup d’agglomérations, la qualité de l’air s’est fortement amélioré ces dernières décennies, malgré la hausse des kilomètres voitures, à cause de la désindustrialisation, mais aussi à cause des énormes progrès fait par exemple dans les chaufferies urbaines.

D’ailleurs, je vous invite à faire un test sur le site gapmider.com sur l’état du monde, j’avoue que je me suis fait avoir mais par exemple, on découvre qu’il y a aujourd’hui beaucoup moins de morts de catastrophes naturelles qu’il y a un siècle, ce qui montre simplement que les systèmes sociaux sont beaucoup plus efficaces

Nous devons ancrer ce débat à partir des questions sociales, des besoins des êtres humains, non pas pour les opposer à la nature, mais au contraire pour prendre en compte les questions environnementales parcequ’elles sont nécessaires pour bien répondre aux besoins humains. Le discours dominant cherche au contraire à globaliser les risques pour faire pression sur les comportements, et de fait, permettre de mettre en cause la réponse aux besoins. Par exemple, le transport aérien est évidemment un gros émetteur de gaz à effet de serre, et pour l’instant, il n’y a pas vraiment d’alternatives technologiques réalistes au pétrole, mais je considère que nos amis comoriens, nombreux à Vénissieux, sont légitimes à vouloir aller de temps en temps dans leurs iles, et le seul moyen réaliste, c’est bien l’avion. Par contre, on peut se demander si le développement des jets privés répond à un besoin légitime.

De même, c’est en partant de la discussion des besoins qu’on peut sortir des contradictions dans les politiques de stationnement et de transport. De fait, les transformations urbaines ont tendance à limiter l’espace de la voiture et c’est le plus souvent vécu d’abord comme une contrainte difficile. Entre une position anti-voiture qui consiste à dire « moins ils auront de place, moins ils utiliseront leur voiture » et une position de statu-quo qui dirait « il faut garantir le droit de stationner et se déplacer en voiture », le débat sur les besoins de déplacement est clé, en défendant une vraie ambition de répondre aux besoins, ce qui en général suppose un développement massif des transports en commun, donc, au passage, d’augmentation des consommations électriques.

Et poser la question concrètement, c’est par exemple constater qu’un frein au développement du vélo en ville, ce n’est pas tant l’état d’esprit des habitants, mais la question très concrète du stockage du vélo, qui en immeuble est souvent difficile. Notez par exemple que le scénario énergétique Negawatt, scénario de sortie du nucléaire dont s’inspirent le scénario 100% ENR de l’ADEME repose sur une conception de la sobriété qui implique clairement une réduction drastique des besoins, et non pas la seule chasse au gaspi ! En gros, ce scénario suppose de réduire par deux les déplacements ! Si on peut évidemment être porteur d’une autre conception des villes en ne séparant pas les fonctions, donc en réduisant les besoins de déplacement pendulaires, la vérité est que les échanges dans la famille, avec les amis, l’envie de voir ailleurs, de visiter, de connaitre pousse en fait à augmenter le besoin de mobilité.

Il ne faut pas céder au discours du local et du global S’il faut penser global et agir local, faut-il ne pas penser local et ne pas agir global ? Cette formule nous invite à "penser", donc discuter des grands sujets à un niveau général, le plus souvent déconnecté des questions concrètes telles qu’elles peuvent être vécues, ou traduites en décisions, puis à "agir" localement, donc sans peser sur les décisions qui nous dépassent, celles que les pouvoirs politiques prennent et qui sont le plus souvent "nationales". Il faudrait “penser" les émissions de gaz à effet de serre, l’exigence de "sauver la planète", discuter des banquises et des glaciers, du niveau des mers et des accidents météorologiques, des pollutions urbaines et de l’agriculture industrielle… Mais pas pour un choix de société qu’il faudrait traduire en programme politique ! Il s’agit plutôt de (se) motiver pour changer ses comportements individuels, car ce sont eux qui seraient la cause des problèmes environnementaux, prendre sa voiture, économiser l’énergie, moins consommer de viandes, réutiliser l’eau dans plusieurs usages successifs, acheter bio en circuits courts… Et tous ces comportements relèvent d’une décision individuelle, et donc chacun pourrait "facilement" agir. Pourtant, entre local et global, n’y a-t-il pas des politiques nationales ?… Je propose pour ma part une formule différente, penser et agir du local au national jusqu’au global, ce qui permet de parler des luttes, de la rupture politique nécessaire au niveau national, et du changement de société pour toute la planète !

Enfin, la question de la territorialisation et de l’aménagement du territoire Ce qui conduit à mettre en question l’insistance sur la territorialisation de l’énergie. Je suis toujours stupéfait par les discours de la métropole de Lyon qui voudrait maîtriser l’ensemble des enjeux énergétiques alors qu’à l’évidence, la métropole est totalement dépendante des approvisionnements en pétrole, avec la raffinerie de Feyzin d’ailleurs, et de la centrale nucléaire du Bugey. Historiquement, nous défendons l’autonomie des communes non pas contre le service public national, mais comme premier lieu de construction du lien politique dans la république. Et nous savons que beaucoup de réformes qui transfèrent des charges vers les communes, créent de fait des inégalités territoriales fortes, selon les moyens des communes. On voit bien que pour le rail, la régionalisation est une porte ouverte vers la mise en concurrence…

Ce débat est très important sur les concessions de réseau électrique ou de gaz. Beaucoup de collectivités veulent négocier avec ENEDIS le bilan des concessions, avec dans l’idée que les provisions de ENEDIS devraient revenir aux collectivités, pour certains dans l’idée que si on mettait ENEDIS en concurrence, il faudrait évidemment avoir accès à ses provisions pour financer les investissements futurs sur ces réseaux. Or les réseaux de distribution électrique ne sont pas organisés sur les cartes administratives des collectivités, ils ont leur propre logique technique et jusqu’à maintenant, EDF raisonnait globalement au niveau national sur ces besoins d’investissements. Autrement dit, certaines régions ou villes pouvaient voir des investissements bien supérieurs aux prévisions tandis que d’autres voyaient peu d’investissements. La territorialisation est clairement une arme contre le service public, et ses principes de péréquation et de droit universel…

En conclusion, les plans climats sont réellement un enjeu politique majeur, et nous pouvons mener de vrais débats qui nous permettent de faire le lien entre la gestion municipale et le changement de société, parcequ’on ne résoudra aucun des problèmes de l’air, du climat ou de l’énergie par des actions locales… Comme on dit, ce n’est pas le climat qu’il faut changer, c’est la société !

Vos commentaires

Forum sur abonnement

Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.

ConnexionS’inscriremot de passe oublié ?

Suivre les commentaires : RSS 2.0 | Atom

Revenir en haut