L’histoire de Vénissieux vers le développement durable… Enregistrer au format PDF

Dimanche 9 septembre 2018 — Dernier ajout mardi 18 septembre 2018

L’association lyonnaise Ancelia, qui accompagne et soutient les initiatives individuelles ou collectives du développement durable, édite le magazine Agir à Lyon qui propose aux lecteurs de découvrir et d’approfondir les grands défis de société sur Lyon et ses alentours et de partir à la rencontre des initiatives et associations qui agissent face à eux. Les nombreuses initiatives d’associations Vénissianes et de la ville les ont conduit à les mettre en valeur dans le zoom quartier de leur prochain numéro… C’est à cette occasion qu’ils m’ont posé cette question intéressante « mais d’oû ça vient, cette multiplication d’initiatives à Vénissieux » ?

Après quelques échanges, je me suis dit que ça méritait de replacer la situation du développement durable à Vénissieux dans un peu d’histoire de la ville…

D’abord, il faut se rappeler que Vénissieux n’est pas seulement la ville industrielle avec de grands ensembles et leur crise, mais aussi un village de l’époque gallo-romaine, Viniciacum [1]. Il y a donc une longue histoire, bien entendu agricole, marquée par la proximité de la capitale des gaules et donc des activités de maraîchage qui conduiront à l’installation de rosiéristes au 19e siècle.

Beaucoup de visiteurs et même d’habitants ne savent pas que de très grands rosiéristes ont exercés à Vénissieux, dont le célèbre magicien de Lyon, Joseph Pernet-Ducher, ce qui me faisait dire en souriant aux délégués du congrès mondial des roses « Lyon is not »Only Lyon" but also Vénissieux, specially for roses !". Il y a trois tombes exceptionnelles de rosiéristes au vieux cimetière de Vénissieux, connues au Japon, en Australie, en Afrique du Sud… [2]. Car Pernet-Ducher est connu mondialement pour son rôle de créateur [3]… A la fin du 19e siècle, partant de Vénissieux, la célèbre « soleil d’or », la première rose jaune stable était livrée sur toute la planète ! La mondialisation était en marche !

Cette histoire agricole et de rosiériste a rencontré une population ouvrière s’installant tout au long du 20e siècle. Et chacun sait que les ouvriers, très souvent anciens paysans, étaient nombreux à cultiver leur jardin, même si les marchés de Vénissieux ont toujours été nombreux et attractifs. Les Vénissians qui contribuaient à cette histoire belle et rebelle de la ville résistante, se libérant par elle-même en 1945, avaient souvent un lien fort avec la nature. Il y avait des jardiniers, des pêcheurs, des promeneurs…

C’est ainsi qu’un adjoint au maire créait les étangs d’Arendon, non loin en Isère, d’abord pour la pêche, mais très vite lieu de balade familiale dans la nature, avant que le travail d’entretien n’en fasse petit à petit un véritable espace naturel riche de biodiversité. Il était géré par un syndicat intercommunal dont la création de la métropole a provoqué la disparition…

C’est ainsi que se sont développés à Vénissieux les jardins « ouvriers », ou jardins associatifs, de grandes entreprises, celui de Berliet/RVI, celui des traminots des TCL, le plus grand de l’agglomération. Et si certains jardiniers avaient la main lourde sur les produits chimiques, beaucoup cherchaient un jardinage naturel, simple, avaient un compost quand ce n’était pas à la mode, un collecteur d’eau, bien utile pour ne pas payer trop cher d’eau potable !

C’est ainsi que cette culture agricole et maraîchère s’est traduite par des choix politiques d’assurer un solide service espace vert de la ville, qui acquiert et transmets des compétences reconnues, avec la production en interne de la plus grande part des fleurs et arbustes plantées, 40% de la surface de la ville en espace naturel dont 20% géré par le service espaces-verts. La reconnaissance de la qualité de ce cadre de vie se fait au concours des villes fleuries avec la 2e fleur en 1987, puis la 3e fleur dès 1989 et avec les expositions historiques au Floralies de Bourg-en-Bresse qui font du stand de Vénissieux un des plus connus de la région !

Autrement dit, la place de la nature en ville n’est pas une invention récente, même si pendant longtemps, ces pratiques de jardin, de balades natures, s’inséraient dans un contexte industriel qui se développait sans efforts pour réduire les impacts environnementaux. On se demande ce que valent les tomates poussées le long du périphérique, lieu de plus forte pollution de l’air… Mais jusqu’aux années 90, ce n’est pas vraiment un souci. Et les anciens se rappellent de l’impact du goudron échappé des cheminées de l’usine Carbone Savoie qu’on retrouvait au matin sur les voitures du quartier…

C’est dans ce contexte que la ville subit le double impact de la construction des minguettes, puis de la crise des grands ensemble. La petite ville agricole et ouvrière de 30 000 habitants en 1960 devient la troisième ville de l’agglomération avec près de 80 000 habitants en 1980. Puis le départ massif de ceux qui rêvent et qui peuvent acheter une maison réduit la ville à 56000 habitants en 1995 avec le choc d’un score record du Front National… Ce double choc urbain et son contre-coup politique sera long à digérer, et les préoccupations des années 90 sont peu tournées vers la place de la nature en ville.

Mais la ville rebondit, prend à bras le corps ses défis avec son maire André Gerin, qui n’hésite pas à bousculer les institutions, et petit à petit les liens se retissent, les cicatrices urbaines se recousent, et au début des années 2000 s’amorce un timide retour d’habitants.

C’est dans ce tournant des années 2000 que le cadre de vie prend de nouveau une importance première, et que les enjeux qui deviendront ceux de notre agenda 21 en 2009 prennent leur place dans la ville et dans le débat public. Le corso fleuri de 1999 organisé entre autres par l’association Viniciacum est un événement qui retisse le lien de la ville avec son histoire, et notamment son histoire de ses rosiéristes. Face au niveau élevé de pollution de l’usine « Carbone Savoie » dans le quartier Jules Guesdes, le plus gros émetteur de HAP [4] à l’époque, la ville pèse pour une décision de limitation de production, décidée par le préfet en 2005. La ville ne souhaite pas le départ de l’usine, mais sa transformation, pari finalement réussi puisqu’en 2012, le groupe mondial décide d’un investissement majeur pour diviser par 10 les pollutions et en faire un site exemplaire dans son activité.

C’est dans cette histoire longue de liens forts avec la nature et de solidarité ouvrière que les forces vives de la ville trouve l’énergie d’un véritable retournement face aux chocs urbains, du corso fleuri à la marche pour la tranquillité aux minguettes, des fermetures répétées d’usines historiques de la ville aux réinvestissements qui en font toujours une ville industrielle, des destructions des tours de la démocratie à l’accélération du retour des habitants, anciens ou nouveaux, la ville rebondit et se réapproprie son propre devenir.

En 2001, le maire André Gérin a une formule politique dans un clin d’œil historique « le grand bond en avant », mais il sait qu’il ne s’agit pas que d’un bond quantitatif et que les Vénissians ne peuvent aimer une ville sans ses qualités urbaines, sociales, environnementales. Si les années 90 étaient celles de la résistance à la crise sociale et politique, le retournement des années 2000 ne peut réussir jusqu’au bout sans relever le défi écologique. Ce sera un des thèmes de la campagne électorale de 2008. La place de la nature dans la ville, qui était bien présente dans les pratiques existante de nombreux habitants, d’associations, des services de la ville, devient une question politique de premier plan. C’est dans ce contexte que je deviens adjoint au cadre de vie en 2008 et que le maire me demande de « relever le défi écologique ».

C’est pour cela que nous lançons un travail participatif qui mobilisera une centaine d’habitants pour identifier les actions utiles et possibles, qui deviendront le premier agenda 21 de la ville, « Vénissieux 2030, humaine et durable ». Le titre illustre le débat sur la place des hommes dans ce défi environnemental. Cet engagement politique se fait dans un contexte très favorable, d’abord parceque les services de la ville sont déja engagés dans ce défi, notamment les espaces verts qui expérimentent les auxiliaires dans les serres municipales pour réduire les pesticides dès les années 2000, qui multiplient les forages pour réduire la consommation d’eau potable dans l’arrosage, mais aussi le service environnement qui multiplie les contrôles sur les pollutions, travaille sur la qualité de l’air, l’accompagnement des jardins collectifs…

Parfois, les agendas 21 de collectivité étaient d’abord un travail de « communication », affirmant et expliquant une volonté politique. A Vénissieux, c’est d’abord un outil de mobilisation de l’action municipale en lien avec ses partenaires. Et les actions s’enchainent, avec un soutien politique fort du nouveau maire élu en 2009… Quand la ville décide de s’engager dans l’évaluation du label « Citergies », une caractéristique relevée par l’audit réalisé est justement la présence forte des adjoints au maire. On en comptera jusqu’à 10 lors d’un comité de pilotage, illustrant la transversalité et la solidarité de l’équipe municipale dans ce défi…

C’est ainsi que la ville obtient la 4e fleur en 2015, et pour ceux qui ne le savent pas, l’esthétique du fleurissement n’est qu’une partie des critères évalués par le jury, qui étudie aussi la propreté, l’environnement, la qualité urbaine, la pédagogie autour de la nature… et il suffit de rencontrer les plus de 100 participants au concours des balcons fleuris, ou d’aller parler aux centaines de jardiniers des jardins associatifs ou collectifs pour réaliser que c’est bien toute la ville qui reçoit cette distinction, en même temps d’ailleurs que la ville de Caluire, après celle d’Ecully, et avant celle de Lyon…

C’est ainsi que la ville obtient le label « Citergie » en 2016, rejoignant un club très réduit de 20 communes, avec la seule ville de Lyon dans l’agglomération , reconnaissance de nos efforts pour la maîtrise de l’énergie et le plan climat. A noter que nous sommes une des rares villes qui publie dans son rapport annuel du développement durable une batterie d’indicateurs que tout le monde peut consulter, suivie depuis 2010, et qui permette d’évaluer les résultats de nos efforts et aussi les difficultés auxquelles nous faisons face..

Et il suffit de regarder le programme de la semaine du développement durable de 2017 pour réaliser la diversité et la réussite des multiples initiatives. C’est connu désormais dans toute la métropole. Il y a un détail illustratif de l’originalité de Vénissieux sur ces questions. Nous développons dans chaque quartier un composteur de quartier, accessible en permanence, géré par un agent des espaces verts, et support d’initiatives citoyennes, notamment pour récolter le compost, au moins une fois par an. En lançant le premier, on s’interrogeait : est-ce que ça va marcher ? La réponse est réjouissante ! Non seulement ça marche, mais ils sont vite remplis, et il en faudrait donc plus… Voilà un terrain favorable pour une gestion différenciée des déchets compostables à l’échelle de la métropole !

Le nouvel agenda 21 validé en 2017 met l’accent sur les dimensions sociales et citoyennes de nos actions. Car la problématique initiale du « défi écologique » de 2008 reste sans doute le point dur. S’il y a beaucoup d’habitants sensibles à toutes ces actions, ils sont trop peu nombreux à prendre des initiatives, à contribuer à celle des autres, et au-delà des plus intéressés, on ne peut transformer réellement la ville sans une participation de la majorité de ses habitants. Or, trop souvent, les questions environnementales sont opposées aux questions sociales ou économiques. C’est pourquoi dans notre nouvel agenda 21, nous prenons le taureau par les trois cornes des enjeux liés du développement durable, environnement, social et économie. Mais c’est l’histoire telle que les Vénissians l’écrivent aujourd’hui… A suivre donc !

[1qui a donné le nom d’une association très active sur l’histoire et la patrimoine local

[2pour l’anecdote, le compte-rendu de ma première visite au cimetière est la page la plus lue mondialement de ce blog !

[3on dit obtenteur pour un fleuriste car bien sûr, la création est celle du vivant…

[4des substances très cancérigènes : hydrocarbures aromatiques polycycliques

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