Anas : Hasta la victoria siempre ! Enregistrer au format PDF

Mercredi 13 novembre 2019

Le jeune anas, étudiant précaire de Lyon, s’est immolé par le feu devant le siège du CROUS à Lyon en laissant un message très clair, un message politique sur ses conditions de vie, les conditions de vie de milliers de jeunes étudiants, un message politique sur les responsabilités gouvernementales qui poussent à renoncer à ses études, et parfois au désespoir. Le rassemblement qui s’est tenu ce 12 novembre devant le Crous a repris avec force ce message politique, appelant à la lutte pour l’augmentation des bourses, un logement accessible, les droits à la santé, donc la sécurité sociale, les services publics.

rassemblement pour poursuivre le combat de anas
pam

C’est avec une grande émotion que j’ai participé à ce rassemblement. Une émotion d’abord comme père en pensant aux parents de anas, à ses proches que je ne connais pas. J’imagine les questions qui les tourmentent, la détresse devant une situation médicale toujours incertaine. Je leur souhaite que anas s’en sorte avec le moins de séquelles possibles, et qu’il puisse reprendre sa vie et ses combats, avec ses proches, sa famille, son amie qui portait sa colère au rassemblement.

Je comprends que ses amis syndiqués et militants mettent toute leur énergie à faire vivre le combat de anas, à prendre ses derniers mots comme guide pour l’action « mon dernier souhait, c’est que mes camarades continuent de lutter, pour en finir définitivement avec tout ça ».

Mais je suis interpellé avec force par cet acte qui ne peut pas se résumer à la lettre de anas qui nous parle d’espoir de luttes, quand son geste nous parle de désespoir devant le manque de luttes. Un jeune militant, responsable, déja expérimenté dans de nombreuses luttes sur plusieurs années, met en jeu sa vie qu’il voit comme seul moyen de faire bouger les choses, seul moyen de faire entendre son cri « vive le socialisme, vive l’autogestion, vive la sécu ».

J’ai le sentiment que sa décision terrible est le résultat de notre échec, l’échec de ma génération militante qui a perdu le chemin des victoires sociales, et qui a petit à petit reculé devant la guerre de classes conduite avec détermination par la grande bourgeoisie, en France, comme dans tout le monde occidental.

Nous n’avons pas seulement perdu des batailles politiques et sociales depuis 40 ans, nous avons surtout perdu un mouvement social organisé de multiples manières, syndicales, associatives, politiques et qui était présent dans la plupart des entreprises et des quartiers. Un mouvement où se transmettait les expériences entre anciens et jeunes. Aujourd’hui, les nouvelles générations militantes sont le plus souvent devant ce qui ressemble à un désert. La victoire de Macron est venu parachever des décennies de démolition sociale et politique, laissant l’arrogance bourgeoise s’exprimer avec naturel et mépris. Comme cette chroniqueuse questionnant à propos d’une femme en difficulté « Qu’a t’elle fait pour se retrouver au SMIC, a-t-elle bien travaillée à l’école ou suivie des études ? » « Et si on est au SMIC, faut peut être pas divorcer dans ces cas là ». Le mépris, l’arrogance contre les pauvres, les précaires, les « gens de rien » dirait Macron, les « sans-dents » aurait dit Hollande.

C’est cette situation qui fait de la France pratiquement un pays sous-développé, avec une élite de plus en plus mondialisée et des masses toujours plus précaires et enfermées dans la pauvreté, avec un pouvoir qui est de moins en moins la traduction politique des alliances sociales de la bourgeoisie, mais de plus en plus une oligarchie s’imposant grâce à un pouvoir médiatique toujours plus éloigné de la vie réelle.

Jusqu’alors, l’immolation comme acte politique était connu dans les pays du Sud, dernièrement comme déclencheur de la révolution tunisienne. Le voir se réaliser en France devrait nous pousser à nous interroger sur nos responsabilités politiques, historiques pour réinventer l’espoir organisé du changement de société.

Cette situation m’interpelle comme communiste. Longtemps, le communisme était porteur d’une utopie mobilisatrice de la jeunesse. Pour la génération de la résistance, celle d’Angela Davis, puis de Mandela, la lutte était le chemin de la révolution, du changement de société, et elle avait des repères, la commune, 1917, la victoire du vietnam, Cuba, Mao, 1968… Aujourd’hui, ces repères ont disparu pour des milliers de jeunes. Mais beaucoup de militants continuent à croire qu’il faudrait s’en défaire, comme si les bourgeoisies avaient eu raison de les dénoncer alors même qu’elles organisaient depuis le coup d’état au chili une contreoffensive qui s’appelle aujourd’hui Macron, Trump ou Bolsanaro…

Je retiens du geste de anas que nous avons une grande responsabilité, retisser le lien des luttes d’aujourd’hui avec les luttes d’hier, redonner fierté aux militants d’être un moment de cette longue histoire de libération du capitalisme, les yeux évidemment ouverts sur les erreurs et les crimes, mais le cœur battant d’un internationalisme qui nous aide à tenir dans un rapport de forces défavorables, qui inscrive nos luttes dans le temps long des révolutions.

Peu importe de ce point de vue les débats politiques par ailleurs nécessaires, anarchisme ou communisme, organisation ou mouvement, socialisme autogestionnaire ou socialisme d’état. Dans l’émiettement des mouvements politiques anticapitalistes, il y a quelque chose qui doit être retissé prioritairement, la conscience de ce mouvement historique de libération du capitalisme qui est né dans le 19e siècle, qui a déjà changé considérablement le monde, fait reculer l’impérialisme dominant, mais dont les défaites actuelles ne sont qu’un moment, difficile, un moment seulement.

C’est le message que j’espère anas pourra entendre prochainement : Hasta la victoria siempre !

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