L’abstention, la crise démocratique et l’exigence du socialisme Enregistrer au format PDF

Jeudi 16 juillet 2020 — Dernier ajout mardi 21 juillet 2020

Nous sortons d’une longue période électorale de « recomposition » accélérée de la vie politique. Ce n’est pas que l’effet de la crise sanitaire. Le coronavirus a mis en lumière une crise démocratique ancienne, dont l’effet le plus visible est d’abord l’abstention, une abstention sociale, urbaine, mais aussi politique.

Sur le fonds, le modèle démocratique occidental, celui qui prétendait représenter la modernité et l’efficacité du « moins mauvais système de pouvoir » face aux totalitarismes, est en crise profonde, en France, comme dans le monde, à l’image de celui qui est censé en être le plus grand représentant, le président des USA.

A partir du cas vénissian, cet article tente une analyse de trois aspects, urbain, social et politique de l’abstention et propose d’en tirer une conclusion politique majeure. Il n’y a pas de démocratie réelle dans le capitalisme, il faut changer de société pour réinventer une démocratie populaire, il faut réinventer le socialisme à la française.

1/ le vote ne construit plus « l’expression de la volonté générale »

La légitimité des élus ou des institutions ?

Le sujet de la légitimité des « élus de l’abstention » est à la mode. Mettons tout de suite cette question de coté… Si beaucoup d’élus ne sont élus que par 10% des électeurs, leurs opposants perdants en ont rassemblés nécessairement encore moins. Celui qui est arrivé deuxième n’est évidemment pas plus légitime que celui est arrivé premier, et c’est pourtant souvent le perdant qui dénonce la légitimité du gagnant.

Il n’y a pas de problème de légitimité des élus, mais un problème de légitimité des institutions, de leur capacité à mettre en œuvre l’article 6 de la déclaration des droits de l’homme « La loi est l’expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement ou par leurs représentants à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse »

Or, la majorité des habitants d’une ville ne sont pas en situation de « concourir personnellement ou par leurs représentants » à la prise de décisions. Ainsi à Vénissieux, ville de 65000 habitants dont 47000 majeurs et 30 000 électeurs, le maire a été élue en 2020 avec 3000 voix sur 7500 votants.

L’écart entre les habitants et les électeurs

Il y a une certitude, plus de 90% des habitants majeurs de la ville ne se sont pas exprimés. Tentons de mieux comprendre cette réalité.

D’abord il y a 36% d’habitants majeurs de plus que d’électeurs, donc des habitants qui ne sont pas inscrits pour différentes raisons

  • ils n’y ont pas droit,
  • ils viennent d’arriver et sont peut-être inscrits ailleurs (la ville a gagné 5000 habitants depuis la précédente élection, mais seulement 1000 électeurs)
  • ils n’ont jamais souhaité s’inscrire
  • ils ont été radiés parce-qu’ils ne votaient pas et que les courriers du service élection revenaient en erreur (à 3 reprises dont un recommandé) [1]

L’expérience militante conduit même à considérer que ce chiffre de 36% est sous-estimé. Quand on distribue dans la ville un courrier aux électeurs, on constate :

  • qu’un bon tiers des boites aux lettres portent sur des noms qui ne sont pas inscrits, ce qui semble confirmer les 36% d’habitants en plus que d’électeurs
  • mais aussi qu’un tiers des électeurs inscrits n’ont pas de boites aux lettres à leur nom à leur adresse électorale, ce qui représenterait donc de l’ordre de 10 000 électeurs qui n’habitent plus sous leur nom dans la ville.

Il n’y aurait donc sur les 47 000 habitants majeurs que 20 000 inscrits sur les listes, les non inscrits devenant alors majoritaires. Le premier fait marquant de l’abstention est donc l’écart entre la population réelle et la population électorale.

Une abstention urbaine structurelle

Cette dynamique urbaine qui bouscule le lien entre habitants et inscrits est confirmé par des études (IFOP) qui montrent un lien fort entre l’ancienneté dans une ville et la participation. L’abstention en 2014 était de 61% chez les personnes résidant dans une ville depuis moins de 5 ans. Les habitants « récents » se sont encore peu intéressés à la vie locale, dont les jeunes qui s’abstiennent eux de plus en plus : Les enquêtes électorales montrent depuis longtemps déjà que la participation électorale a baissé pour toutes les générations nées à partir des années 1960. Le mouvement n’a fait que se développer depuis : pour les jeunes générations,le vote est considéré comme un droit et non plus un devoir.

Le principe de l’inscription volontaire sur les listes électorales, qui a toujours posé problème avec les populations nomades ou les plus mobiles, se heurte à la dynamique urbaine marquée par une très forte mobilité. On estime qu’un tiers d’une ville change tous les 7 ans… Il faudrait des études de démographes sur ce rythme de transformation et son impact électoral. Une comparaison des listes électorales 2014 et 2020 à Vénissieux donne une estimation d’un tiers de départ et un tiers d’arrivée en 6 ans… le processus de gestion des inscriptions fonctionne donc, mais pas au rythme nécessaire pour suivre les transformations de la ville.

De fait, il y a un affaiblissement continu du lien politique à l’élection qui se propage avec les générations. On sait que le vote se fait souvent en famille, et qu’un jeune dont les parents ne votent pas a tendance lui aussi à ne pas voter…

La ville "électorale" n'est pas à l'image de la ville "habitante"...

L’écart entre la ville votante et la ville mobilisée…

Mais il y a une part de la population non inscrite qui est pourtant active dans la vie publique. Une anecdote révélatrice. Au début de cette campagne 2020, l’équipe de Michèle Picard décide, pour la première fois, d’utiliser les listes électorales comme la loi l’y autorise. Un premier travail consiste à vérifier dans le large comité de soutien de Vénissians en 2014, ceux qui sont effectivement inscrits. C’est un premier choc, ils sont moins de la moitié. Autrement dit, l’action militante de soutien à Michèle Picard avait mobilisé plus de non électeurs que d’électeurs ! Cela interroge sur l’efficacité d’une campagne électorale traditionnelle (marchés, portes à portes de masse…). mais cela interroge surtout sur le fait qu’un non électeur n’est pas forcément un non citoyen désintéressé de la vie publique !

D’ailleurs, c’est ce que savent bien ceux qui rencontrent des parents d’élèves, qui participent aux activités des conseils de quartier. A Vénissieux, la moitié au moins des 1000 participants aux initiatives des conseils de quartiers ne sont pas électeurs comme une part importante des parents d’élèves présents dans les conseils d’écoles, comme la majorité des travailleurs syndiqués ou non rencontrés dans les entreprises en luttes ou les manifestations…. Il faudrait étudier dans le détail la vie associative, ou les 300 couturière solidaires mobilisés par la ville pour la fabrication de masques, mais on doit être dans le même ordre de grandeur…

Autrement dit, les « non électeurs » sont peut-être aussi mobilisés dans la vie de la ville que les « électeurs »…

La ville "électorale" n'est pas à l'image de la ville "mobilisée"...

2/ l’abstention sociale

Cela dit, de nombreux habitants inscrits ne se sont pas déplacés. On sait que l’abstention est statistiquement liée au niveau de revenu. Ainsi à Vénissieux, les bureaux des minguettes, qui sont entièrement ou presque inclus dans les quartiers en « politique de la ville », ont tous un taux d’abstention en mars 2020 supérieur à 80%, alors que les bureaux du centre ou du Moulin à Vent ont une abstention entre 60 et 70%, un écart qui correspond à la moyenne historique 63% aux minguettes pour 54% pour le reste de la ville aux élections municipales et même sur l’ensemble des élections, 56% aux minguettes pour 46% sur le reste de la ville. Même si l’analyse sociologique des résultats sur la seule base des bureaux est délicate car les bureaux sont, sauf exception, rarement homogènes, de nombreuses études confirment cette caractéristique sociale du vote.

Il faut noter d’ailleurs que dans les quartiers populaire, cette abstention sociale est renforcée par l’abstention « urbaine » liée aux mobilités. Les mouvements de population sont facile à estimer chez les bailleurs sociaux. L’analyse des attributions de logement montre que 20% des locataires du parc social en 2020 sont arrivés à Vénissieux depuis 2014 et que 15% des locataires de 2014 n’y habitent plus.

Cependant, cet écart de niveau d’abstention entre quartiers confirme la dimension sociale de l’abstention tout en montrant que ce n’est pas le seul aspect. Ainsi, l’abstention dans l’arrondissement le plus riche de Lyon, le 6e, a dépassé 60% le 15 mars. Il était nettement supérieur à 50% dans les communes les plus aisées de la métropole… comme Charbonnières les Bains (55%)

Autrement dit, s'il y a bien une abstention sociale, liée à la pauvreté et à la précarité, elle n'est pas la composante unique, ni peut-être première, de l'abstention.

3/ l’abstention politique

L’abstention aux élections municipales est en hausse constante et régulière depuis 1977, avec une véritable accélération en 2020, évidemment liée au COVID mais qui conforte la tendance historique.

Si chaque élection voit des phénomènes spécifiques, la colère contre Hollande en 2014 qui pousse dans de nombreuses communes à une victoire de la droite, ou une vague verte urbaine en 2020, bien petite en regard de la marée d’abstention [2], le mouvement historique est net. En dehors des présidentielles, l’abstention progresse de manière continue depuis des décennies, quelques soient les offres et situation politiques.

Mais en comparant cette abstention moyenne nationale avec l’abstention à Vénissieux, on constate que l’abstention est bien un phénomène politique.

Ainsi, si l’abstention moyenne progresse en France entre 1989 à 1995, elle diminue à Vénissieux, sous l’effet de l’explosion d’un vote FN qui frôle alors 30% des exprimés et 16% des inscrits, et progresse même entre les deux tours, largement en tête de l’opposition à la majorité communiste.

L’effet de l’enjeu électoral dans la mobilisation du 2e tour
L’élection de 2008 a été acquise dès le premier tour est donc absente de ce tableau. Pour les autres élections municipales, le tableau montre les pertes entre les deux tours (valeurs négatives) et les gains (valeurs positives). Ainsi en 2014, il y a 967 abstentionnistes de moins entre les deux tours, donc autant de votants en plus.

De même, l’incertitude de la bataille de 2014 mobilise tous les camps et l’abstention au premier tour progresse un peu moins à Vénissieux (+7,8%) qu’an plan national (+8,9%) et se réduit fortement au deuxième tour, avec 1000 électeurs de plus réduisant l’abstention à son niveau de 1989 en volume, 2 points de plus seulement en 25 ans contre 9 au plan national. C’est la première élection dirigée par le nouveau maire Michèle Picard succédant à André Gerin, après une législative difficile en 2012 ayant installé un député PS qui deviendra LREM. Les listes PS, UMP et FN mènent une bataille commune autour d’un slogan « 80 ans de communisme, ça suffit ». L’annulation tentée par la droite vient conforter en 2015 la victoire du maire communiste invalidé, mais avec une abstention de nouveau en nette hausse. Michèle Picard a gagné dans ces deux batailles électorales son statut de maire. Et en 2020, visiblement, les électeurs n’ont pas considéré que l’enjeu était de même niveau, l’abstention suit la hausse nationale. Les électeurs des listes perdantes se démobilisent entre les deux tours (1000 votants de moins) dans un vote qui se concentre sur les deux listes arrivées en tête qui progressent chacune (la gauche et les écologistes d’un coté, LREM de l’autre caché derrière une liste se présentant comme apolitique)

Reste que ces mobilisations politiques ne jouent que sur une petite partie part de l’électorat, de l’ordre de 1000 ou 2000 électeurs sur 30 000 inscrits ! Cela confirme que derrière la fracture politique, il y a une perte de lien des organisations et des militants qui ne peuvent surmonter par leur action cette fracture. mais cela indique aussi que si de plus en plus de citoyens ne s’inscrivent pas ou s’abstiennent, c’est qu’ils ne considèrent pas le vote comme utile, comme porteur d’un choix. Il faut des situations exceptionnelles pour qu’une part d’entre eux, de plus en plus réduite, se disent que leur voix peut avoir un effet.

4/ Article 2 : Le but de toute association politique…

L’abstention n’est pas un problème d’offre politique, telle que l’entende les publicitaires, les 35 listes des européennes ou les 10 listes de Vénissieux en 2001 ou 2014 n’ont pas inversé la tendance. Elle est par contre bien un problème politique. A quoi servent les partis ? A quoi servent les idées politiques ? Est-il possible d’être utile en faisant un choix politique ? Derrière le discours bien connu et faux du « tous les mêmes » se cachent une vérité profonde, aucune force politique ne parait utile pour les questions prioritaires des citoyens. « tous les mêmes » veut dire « aucun ne peut être de mon coté… », donc il est inutile de choisir. Ce constat concerne aussi bien les plus pauvres et précaires que des plus aisés et intégré dans une société qu’ils pensent maitriser [3]. Aucun candidat n’a jamais fait campagne pour la hausse du chômage et de la pauvreté, mais tous les élus ont comme bilan la hausse du chômage et de la pauvreté. Aucun candidat n’a jamais fait campagne pour la désindustrialisation de la France et la désertification de ses provinces, mais tous les élus ont comme bilan cette désindustrialisation et la concentration urbaine autour des métropoles.

Rappelons comment la première déclaration des droits de l’homme de 1789 introduit dès son article 2 les forces politiques. « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression. »

Actualisons ces droits dans une lecture concrète et actuelle.

  • La liberté de pouvoir se déplacer, rencontrer, décider, s’organiser, à l’image de la demande du référendum d’initiative citoyenne.
  • La propriété qu’il ne faut pas comprendre bien sûr comme la propriété du capital, mais le droit d’avoir les moyens de vivre, de se loger, de se déplacer, d’être autonome dans une société de plus en plus riche et diversifiée.
  • La sureté, c’est à dire la sécurité, la tranquillité, la citoyenneté et le respect des règles qui font que « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui »…
  • la résistance à l’oppression, c’est à dire les droits qui permettent de se faire respecter contre toutes les exploitations, les aliénations, droit du travail, droit du logement, droit de maitriser sa vie…

Oui, ces droits de l'homme sont bien en phase avec les préoccupations actuelles des Français !

La question fondamentale de l’abstention est que toutes les forces politiques qui ont participé aux gouvernements successifs depuis des décennies ont comme bilan le délitement continu des droits réels et concrets des hommes et des femmes, que ce soit la liberté, la propriété, la sécurité, ou la citoyenneté.

Et la vie politique prouve sans cesse que les forces politiques dominantes sont satisfaites de cette situation et ne se préoccupent que d’une chose, maintenir leur pouvoir, leur élus. Le débat public fortement médiatisé dans un jeu de miroirs entre les grands médias et les réseaux sociaux se construit de plus en plus en dehors des préoccupations concrètes de liberté, de propriété, de sécurité ou de droits… Et comme souvent dans le marketing, plus on parle de quelque chose, moins on s’en occupe vraiment.

Prenons l’exemple du débat sur le report éventuel des élections régionales.

Pour Macron, il s’agit de faire passer sa réforme de l’état et des collectivités locales avant la présidentielle de 2022… et d’éviter de se prendre une claque électorale de plus un an avant la présidentielle. Dans un premier temps, Muselier dénonce, puis pondère, D’autres LR disent en gros, « faut voir »… En fait, ils hésitent entre l’intérêt de battre à plate couture Macron dans une élection importante où ils sont bien placés comme sortant majoritaires, et l’intérêt de gagner de nouveaux pouvoirs pour les régions et s’en servir comme arme pour 2022…

Autrement dit, des deux cotés, ce sont des intérêts électoraux qui dominent une décision dont le fonds est de fait une nouvelle étape d’affaiblissement de l’état républicain, unique et indivisible, alors même que la crise sanitaire a montré à quel point l’état était déjà défaillant !

Prenons l’exemple de la propagande électorale du député LREM Yves Blein à Vénissieux pour ces municipales Mettons de coté qu’il se présente comme apolitique, cachant jusqu’au bout son appartenance à LREM, son bilan de député, tout en associant d’anciens élus de droite, les perdants des dernières élections, et des mécontentements bien classiques d’habitants excédées par l’insécurité ou les incivilités.

Mais il réussit à se présenter aux élections métropolitaines en dénonçant dans sa profession de foi une métropole injuste et inégale, cette métropole que son parti a voulu et dirigé depuis sa création, après avoir dirigé l’agglomération depuis 2001 et alors qu’il en a été lui-même vice-président avant d’être député ! Il prend une posture de défense de Vénissieux face à la métropole comme si son premier soutien n’était pas le président de la métropole !

Il reprend une préoccupation bien réelle et bien connue dans toutes les villes marquées par un développement métropolitain en affirmant « stop au bétonnage ». Mais c’est justement la métropole de ses amis qui a la compétence de l’urbanisme et résiste aux demandes de la ville d’augmenter la part de « pleine terre » dans le plan d’urbanisme pour justement réduire la densité des projets !

Pire, il affirme que pour faire cesser le bétonnage, il faut cesser de construire des logements sociaux, alors que 80% des constructions de ces 10 dernières années sont des logements privés, d’ailleurs dont les prix montent comme dans toute l’agglomération !

On pourrait multiplier les exemples, comme la promesse d’un « sur-entretien absolu de tous les espaces publics afin de les rendre propres » qui fait sourire les 300 agents municipaux, métropolitains, des bailleurs, des transports en commun, etc qui nettoient la ville tous les jours et se demandent comment agir contre ceux qui salissent… Ou encore la promesse de faire disparaitre tous les « points de deal » par le doublement de la police municipale, dont chacun sait qu’elle n’a pas le compétence pour mener des enquêtes en matière de stupéfiants et alors même que la ville a bénéficié de 30 policiers nationaux de plus qui ont fortement augmenté la pression sur le trafic, avec de nombreuses arrestations et condamnations, sans que cela ne réduise les points de deals, car tout le monde comprend que tant qu’il y a de la demande, il y aura des vendeurs….

Au total, comment faut-il caractériser la campagne de Mr Blein ? du populisme ? Le mot est bien faible. On a vu à de multiples reprises dans un des bureaux ou Yves Blein fait ses plus gros scores, notamment au deuxième tour, des électeurs accompagnés par un ancien imam d’un lieu de prière qui s’était installé par la force dans un local public finalement fermé, puis détruit pour des raisons de sécurité. Des SMS avaient été diffusé dans les jours précédant annonçant que Blein allait permettre dans ce quartier de reconstruire une mosquée [4]. Avec cet exemple, on se demande jusqu’où la manipulation a été et sur combien de sujets…

5/ Repolitiser le peuple ?

La question fondamentale posée à tous les républicains par l’abstention est donc simple finalement. Est-il possible par l’élection de décider d’une politique concrète pour la liberté, la propriété, la sureté et les droits du plus grand nombre ? Autrement dit, puisque toutes les politiques publiques suivies jusqu’alors ont fait le contraire, est-il possible de rompre résolument avec ces politiques ? C’est bien la conscience populaire qu’aucun vote ne peut remettre en cause le système, transformer réellement les priorités politiques qui est au cœur de la fracture citoyenne.

Le système utilise les élections présidentielles pour reconstruire périodiquement cette illusion démocratique d’un vote dont l’utilité se limite au choix d’un candidat. Mais la présidentielle est justement l’élection la moins démocratique qui soit, celle où les médias jouent le plus grand rôle, où les moyens financiers jouent le plus grand rôle. On n’en est pas encore à la situation US où un candidat à la présidence doit nécessairement être milliardaire, mais on s’en rapproche. Et la présidentielle 2017 est une fantastique démonstration de la capacité du système à orienter le processus vers son poulain principal, piégeant la démocratie dans une fausse alternative, lui ou l’extrême-droite, qui dans certains pays a conduit… à un président d’extrême-droite. C’est l’expérience aussi de nombreux insoumis enthousiasmé par la campagne JLM2017 mais plongés dans le doute depuis. Comme le chante l’internationale, le sauveur suprême est toujours une illusion ! D’ailleurs à l’évidence, un président qui tenterait de rompre avec le système en ayant parlement, sénat et collectivités contre lui n’irait évidemment pas loin !

Donc, il faut répondre à cette question pour toutes les élections. Le vote peut-il être autre chose qu’une protestation inutile ? autre chose que l’illusion d’une nouvelle marque ou d’un nouveau nom ? Peut-il porter une exigence de rupture avec les politiques suivies, porter des revendications devenues des programmes politiques ?

Si oui, on a de quoi reconquérir des citoyens méfiants, défaitistes, on peut redonner du sens à une démarche électorale dont on attend un effet concret, bref, on peut « repolitiser » le peuple.

Si non, il ne reste alors que le marketing et le populisme et la démocratie que nous connaissons est une impasse pour changer la vie.

6. pas d’issue démocratique sans changement de société

La question démocratique interroge donc la possibilité et la forme que peut prendre un changement de société. Car pourquoi toutes les politiques suivies jusqu’alors, malgré les nombreux changements de majorité, n’ont jamais « changé la vie » pour la majorité ? On le sait bien ! C’est parce qu’elles ont toujours répondu aux intérêts d’une minorité, celle des plus riches, des mieux intégrés, des « gagnants » de la concurrence, des « premiers de cordées » dont devaient « ruisseler » les bienfaits… celle de la bourgeoisie dirait un communiste classique.

S’il est possible de conduire une politique pour l’intérêt général qui ne se décide ni à la bourse, ni au medef, alors il est possible de changer de société, et alors la démocratie a un sens ! Mais elle ne peut avoir de sens que si elle porte justement l’ambition du changement de société. Car tant que le capitalisme domine la vie politique, ce seront toujours les intérêts d’une minorité qui seront prioritaires. Autrement dit, dans le capitalisme, il ne peut y avoir de démocratie réelle, seulement un ersatz, une scène, un théâtre… sachant que la vraie pièce se joue ailleurs, dans les banques et les sièges sociaux.

Le défi politique posé à tous les républicains, mais qui est crucial pour les communistes, c’est de retrouver la capacité à porter le projet d’une autre société, une société réellement démocratique, dans laquelle les intérêts de la majorité, donc de ceux qui travaillent, sont réellement le cœur du débat démocratique. Et cela suppose de dire comment le processus électoral peut créer les conditions de ce changement de société. A l’évidence, il ne peut pas suffire, surtout si les électeurs sont majoritairement dans cette illusion que le vote est l’essentiel, alors qu’il ne peut être qu’un moment, qu’il est impossible d’avoir un vrai changement de société sans des millions de personnes impliquées à tous les niveaux pour le construire !

Pour les communistes, cette société porte un nom, le socialisme, et ce que le vote doit porter pour être utile, c’est d’être perçu comme un outil pour créer les conditions d’une « révolution » quelle qu’en soit la forme historique. Et c’est bien parce-que c’est la seule société démocratique possible que la guerre idéologique contre le socialisme a durablement installé l’idée que le socialisme est le goulag.

Il n'y aura pas de réponses à l'abstention sans reconstruire un vote porteur d'une exigence révolutionnaire, sans reconstruire la perspective d'un socialisme à la française.

une analyse utile et plus globale de l’abstention

[1à noter que la faible qualité du service postal, notamment dans les quartiers populaires, peut être un des facteurs de problème… avec la qualité de l’étiquetage des boites aux lettres

[2Ainsi, les verts gagnent Lyon en 2020 avec 30 000 voix au premier tour sur 100 000 votants, proche de leurs 31000 voix des européennes de 2019 qui représentaient alors 10 points de moins sur les plus de 150 000 votants des européennes

[3La cassure entre le parti communiste et le monde ouvrier est de ce point de vue révélatrice

[4au passage, faisant comme si Vénissieux n’était pas la ville qui avec 13 lieux de prières et deux grandes mosquées, était une des villes aidant au mieux un islam de France, sans compter l’effort du maire de réunir tous les musulmans pour imaginer un lieu principal partagé

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