Conférence Intercommunale du logement

une nouvelle organisation du logement social dans la métropole Enregistrer au format PDF

Dimanche 1er janvier 2017 — Dernier ajout vendredi 23 décembre 2016

J’ai représenté le maire à la conférence intercommunale du logement qui s’est tenue en préfecture le 19 décembre 2016 avec l’état, la métropole, les communes, les bailleurs et les associations. [1]. Elle doit donner son avis sur la mise en œuvre des grandes réformes du logement social, dont le "« plan partenarial de gestion de la demande de logement social et d’information des demandeurs » [2], un plan qui doit améliorer la gestion des demandes de logement social et notamment l’information des demandeurs… La réunion a aussi été l’occasion de prendre connaissance du bilan DALO pour 2015…

Le plan partenarial de gestion de la demande de logement social et d’information des demandeurs

Jusqu’en 2010, les demandes de logement social étaient traitées par chaque bailleur chacun à sa manière, avec son propre fichier de demandeurs, ses propres formulaires et critères de décision… La loi Molle (2009) a engagé une démarche nationale et lancé les fichiers partagés de la demande, et la loi ALUR (2014) impose d’aller vers un dossier unique avec toutes les pièces justificatives de la demande. Progressivement se crée ainsi un système de gestion de la demande intercommunal, métropolitain donc pour nous. Les promoteurs de ces lois le justifient car trop de communes et de maires refusent de loger les « publics prioritaires ». On sait effectivement que des maires de droite ou d’extrême-droite refusent de construire du logement social et priorisent comme dirait Jean- Marie Le Pen, leurs familles avant leurs voisins, et leurs voisins avant les autres… Mais j’avais déjà répondu à un ancien vice-président au logement de la métropole que ce n’étaient pas les communes le problème, mais la politique globale du logement qui n’est pas à la hauteur du mal logement dénoncé par la fondation Abbé Pierre…

Cependant, nous y sommes, et cette conférence intercommunale du logement doit justement orienter la manière dont ce système métropolitain va être mis en place…

Je résume les grands axes présentés :

  • une organisation de « points d’accueils labellisés » des demandeurs répartis dans l’agglomération. Ces lieux doivent assurer l’objectif de la loi d’un rendez-vous pour tout demandeur dans un délai de deux mois…
  • un système informatisé unique avec un portail internet pour les demandeurs leur permettant d’avoir une estimation de leur délai d’attente
  • un effort de formation de l’ensemble des acteurs pour des pratiques communes et une meilleure qualité des dossiers…

L’agenda proposé prévoit une validation de ce plan en Juillet 2017 par la conférence intercommunale pour une délibération par la métropole fin 2017.

J’ai fait plusieurs remarques dont on verra comment elles sont prises en compte

  • rien n’est dit sur le financement et les mutualisations éventuelles. Pourtant l’organisation actuelle est très diverse, avec des communes, des bailleurs, ou des associations, avec des communes qui enregistrent les demandes d’autres non, des communes qui reçoivent les demandeurs pour un suivi d’autres non, des points d’accueils qui traitent moins de 100 demandes par mois, d’autres plus de 1000… ABC HLM a fait une ébauche de carte des lieux d’accueil qui va être diffusée, mais comment avoir un « service d’accueil métropolitain » qui apporte le même service partout à partir de cette situation très variée ? Visiblement, aucun financement n’est prévu alors que c’est une compétence de la métropole !
  • le plan n’évoque pas le partage de données sur le parc existant, non seulement leur type (T1, T2, T3…) et localisation mais aussi les caractéristiques qui peuvent être des critères de décision pour les demandeurs (cuisine séparée, douche ou baignoire, confort thermique, balcon…). Comment évaluer pour le demandeur un « délai moyen d’attente » que prévoit la loi sans avoir des données sur le taux de rotation de chaque site, donc pour une part sur les logements disponibles ? Il faudrait donc un « fichier commun du parc », comme il existe un « fichier commun de la demande »
  • l’insistance sur les outils numériques et le portail internet doit tenir compte de la fracture numérique qui vient aggraver la fracture sociale. Dans l’enquête faite auprès des demandeurs de logement à Vénissieux, plus de 80% demandent des rendez-vous physiques… Et le directeur de pole emploi de Vénissieux estimait il y a peu à 1/3 seulement les chômeurs qui acceptaient de dématérialiser leurs échanges… [3]. Cela conforte la question du financement. La loi oblige à donner un RV à un demandeur qui le souhaite dans un délai de 1 mois, délai qui peut être porté à deux mois dans une agglomération. Imaginons que 50 000 demandeurs demandent un RV par an, cela représente des milliers d’heures de travail, donc des dizaines d’emplois formés et compétents, car il ne s’agit pas de les recevoir pour ne rien leur dire d’utile ! La ville de Vénissieux reçoit 200 demandeurs par mois, de l’ordre de 1000 par an, or il y a 3500 demandeurs…
  • comment avoir des pratiques et des outils homogènes sur l’ensemble de la métropole sans avancer dans la définition des objectifs des attributions, donc de la définition des publics prioritaires, des critères de priorité pour les commissions d’attribution, qui conditionnent le délai d’attente… autrement dit ne pas en rester à la gestion de la demande, mais avancer sur la gestion des attributions…
  • enfin, les données du fichier commun et les cartes proposées pour le portail internet ne connaissent que les communes, alors que nous savons tous que les demandeurs raisonnent par quartiers, voire parfois par rue ou bâtiment. On sait bien à Vénissieux que beaucoup de demandeurs vont préciser « hors plateau ». Il faudrait donc des outils capables de travailler à une granularité très fine…

Au total, on est loin du « service intégré d’accueil et d’orientation » que prévoit la loi…

A coté de ce plan, d’autres actions sont en cours, dont une « convention d’équilibre territorial » qui doit aider à sortir des ségrégations spatiales… des expériences sur la « cotation » des demandeurs comme à Paris (chaque demandeur se voit attribuer un niveau de priorité calculé sur des dizaines de critères et qui le classe dans la file d’attente), des expériences sur la « location active ou choisie » (le bailleur publie les appartements disponibles et le locataire choisit lui-même) Enfin, la future loi égalité citoyenneté donne au préfet le pouvoir d’imposer l’attribution de 25% du parc d’une commune aux publics prioritaires… Il y a bien sûr des liens entre tous ces dispositifs et il est curieux que ce plan de gestion de la demande ne les éclairent pas. Car cette nouvelle organisation de gestion de la demande a bien pour but de mieux attribuer les logements, de réduire le sentiment d’inéquité et de d’opacité que ressentent très majoritairement les demandeurs [4] ? D’ailleurs la loi ALUR prévoit que le plan évoque les modalités de la cotation des logements si elle est mise en œuvre..

Dans la discussion, j’ai appris que les bailleurs proposent une action favorisant les mutations en leur réservant 1/3 du parc disponible. Sur le principe, cela parait utile quand on constate que sur les 50 000 demandes encours, il y a 6000 demandes de locataires qui veulent un logement plus grand, et 4000 qui veulent un logement plus petit… J’ai fait observer cependant que souvent, ceux qui veulent des appartements plus petits sont des personnes âgées qui veulent aussi un appartement accessible, en rez-de-chaussée…et que ce ne sont pas forcément les appartements existants de ceux qui cherchent plus grand…

Le bilan 2015 des décisions DALO

La présentation des données DALO ne fait que confirmer l’ampleur du problème. Le nombre de dossiers DALO déposés a augmenté de 11% en 2015 pour dépasser 4300 demandes… et il y a eu pas loin de 2000 décisions favorables (près de 40%). Les décisions concernant en premier des personnes sans logement ou hébergées, mais il y a aussi 15% de personnes en procédures d’expulsion ! [5]

Un tiers ont un revenu du travail (salaire, chômage ou retraite…), ce qui est à la fois beaucoup et peu, puisque la grande majorité des DALO ont des revenus autres (handicap, RSA, prestations familiales…). Si le travail actuellement ne protège pas de la pauvreté, il reste quand même la première garantie pour une vie digne…

Les demandeurs de logement sont au final peu à utiliser cette procédure DALO, puisque la moitié y auraient droit, alors que les DALOs ne représentent que 8% des demandeurs… et… 5% des attributions ! Le DALO ne résout d’ailleurs pas les problèmes généraux des attributions. Plus d’un tiers des attributions DALO n’aboutissent pas dont la moitié pour refus du bénéficiaire…

Enfin, le DALO ne fait pas mieux que les attributions prioritaires dans l’action contre la ségrégation urbaine… Les DALO représentent 6% des attributions hors QPV et… 8% en QPV. Autrement dit, il est plus facile de trouver une solution à un demandeur prioritaire en QPV qu’ailleurs, et ce n’est pas faute de chercher…

la prochaine loi égalité citoyenneté

J’ai déjà eu l’occasion de commenter ce projet de loi qui affirme vouloir lutter contre « l’apartheid social » dénoncé par l’ancien premier ministre, mais qui ne créée aucun moyen nouveau pour construire plus de logement sociaux ! Mais j’ai rappelé rapidement, dans une discussion courte puisque le préfet faisait remarquer qu’on ne pouvait discuter d’une loi qui n’était pas encore votée, que cette loi symbolisait le problème posé… Les objectifs annoncés sont en général excellents, mais personne ne veut reconnaitre que l’équation n’a tout simplement pas de solution ! Ce que nous disaient aussi les demandeurs de logement interrogés à Vénissieux à plus de 90%, le système ne peut pas répondre aux demandes de tous…

La loi égalité citoyenneté prévoit d’attribuer au moins 25% des logements hors QPV (quartier prioritaire de la ville) au premier quart des demandeurs classés par niveau de revenus, les plus pauvres donc, et d’attribuer au moins 50% des logements en QPV au autres demandeurs… les moins pauvres donc.

Or, c’était le but d’une action dont on faisait un premier bilan récemment. Le préfet redonnait aux bailleurs ses logements réservés en QPV pour y loger des familles gagnant plus que le plafonds PLAI. Or, le bilan est vraiment mitigé car d’un coté, on ne peut pas imposer à une personne de venir habiter dans un quartier qu’elle ne veut pas, et de l’autre, le parc existant ailleurs que dans les quartiers populaires est insuffisant pour accueillir tous les publics prioritaires… Une analyse du rapport entre l’offre de logements disponibles et la demande montre tout de suite que de toute façon, il n’y a pas de logement pour tous !

Le dossier présenté à la première conférence intercommunale du logement en 2015, confirmait que les attributions avaient tendance à aggraver les ségrégations sociales entre quartiers. Ainsi, si 24% des locataires en QPV étaient « occupants modestes », ils étaient 36% dans les attributions. On envoie donc toujours plus de pauvres dans ces quartiers. Mais c’est aussi le cas dans les autres quartiers, ou on trouve 15% « d’occupants modestes », et 20% dans les attributions. Et pourtant, au total on n’attribue que 18% des logements disponibles aux plus pauvres, alors qu’ils représentent 25% des demandeurs ! De fait, ce que personne ne veut assumer, c’est la paupérisation des populations en France, résultante de cette guerre menée depuis des décennies contre le « coût du travail » qui fabrique des millions de « travailleurs pauvres », à base de temps partiel, de précarité, de bas salaires…

Pour atteindre l’objectif de 25% des attributions hors QPV à des occupants « modestes », l’étude présentée nous dit qu’il faudrait passer de 1400 à 2300 attributions sur les 9000 attributions annuelles. 900 de plus, soit 10% des attributions totales, cela peut paraitre réaliste, mais cela veut dire que 900 autres attendront, Or, ce sont tous des familles populaires avec des revenus inférieurs aux plafonds ! En gros, ce seront les moins pauvres qui paieront pour les plus pauvres ?

La vérité, c’est qu’il y a plus de pauvres dans les demandeurs que dans les attributions, et plus de pauvres dans les attributions que dans les locataires existants… c’est la pauvreté qui progresse et c’est elle qui pousse la ségrégation, pas les gestionnaires du logement social, même si certains ne jouent pas le jeu..

Conclusion…

La conclusion est simple, il n’y a pas pas de solution équitable pour garantir le droit au logement pour tous sans revenir à une aide à la pierre massive… sans que l’état ne s’engage à financer rapidement la construction de logements partout et pour tous ! L’efficacité, la transparence et l’équité du système de gestion de la demande est nécessaire, mais elle est impossible sans retrouver un équilibre entre le parc et le besoin…

[1Elle avait été mise en place le 9 décembre 2015 et fort heureusement, il y avait cette année beaucoup de monde…

[2encore un sigle… PPGDLSID qui suit le plan d’aide aux personnes défavorisées, PLALHPD !

[3Michel Le Faou confirmera ce constat en soulignant que seul 14% des demandeurs ont fait leur demande sur internet…

[4plus de 80% dans l’enquête réalisée à Vénissieux…

[5A noter que la loi ALUR prévoit qu’une procédure d’expulsion soit suspendue quand la personne a une demande de relogement est jugée prioritaire, notamment en DALO…

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