Conseil de communauté du 9 juillet 2013

Anneau des sciences, quelle mobilité à Lyon demain ? Enregistrer au format PDF

Vendredi 12 juillet 2013 — Dernier ajout lundi 15 juillet 2013

Le conseil du Grand Lyon a délibéré ce 9 juillet sur les conclusions du débat public pour le projet « d’anneau des sciences », le nouveau nom donné au bouclage du périphérique avec le « Tronçon Ouest du Périphérique ». Je me suis abstenu bien qu’une demande importante de la ville de Vénissieux dans ce dossier ait été pris en compte, mais parce que d’autres questions, concernant toute l’agglomération, restent dans l’incertitude, alors qu’on sait bien qu’une fois de tels dossier lancés, les logiques économiques, administratives et techniques seront déterminantes.

Plus généralement, ce dossier montre l’importance d’avoir un vrai projet d’avenir pour le Grand Lyon. Or le débat sur les alternatives dans la vision que les différentes forces politiques ont de cet avenir est beaucoup trop flou. Le « consensus mou » domine, et l’important travail de communication (nécessaire par ailleurs) a tendance à produire des généralités qui donnent l’impression que tout le monde est d’accord, mais masque en fait les contradictions, les tensions, les priorités qui existent bien et sont en fait le cœur des vrais choix politiques.

La communication et le réel…

Le fait de passer du « TOP » à « l’anneau des sciences » est-il principalement un effet de langage ou une vraie rupture ? Laissons de coté le qualificatif « des sciences » qui est lui bien un effet de langage… Mais passer du tronçon Ouest à l’Anneau est un vrai changement. Et les contributions de Vénissieux (entre autres) pour la prise en compte du boulevard Bonneway dans le projet se sont concrétisés dans la dernière version présentée ce 9 juillet par la prise en compte de deux « accroches urbaines » pour la « porte du Puisoz » de St-Fons à Vénissieux, et la « porte de la soie » à Vaulx-en-Velin qui seraient requalifiées pour sortir de la fracture urbaine que représente actuellement le périphérique. Mais le renforcement prévu des « murs anti-bruits » confirme bien que Bonneway reste un axe routier majeur, avec ses 150 000 véhicules jours, sans doute en augmentation si rien d’autre ne change…

Or le projet est passé désormais à 4 Milliards d’Euros (1 Milliard pour les transports en commun à l’Ouest). Cette énorme somme qui devait être financé par le département et le Grand Lyon, serait bien entendu porté demain uniquement par la métropole. Sur 20 ans, cela représente 1/3 de la capacité d’investissement ! Les réalités budgétaires vont avoir tendance à faire pression à la réduction et qu’est ce qui sera réellement réalisé à coup sûr… le tunnel routier à l’Ouest. Pour le reste, les accroches à Vénissieux et Vaulx ne sont pour l’instant que des croquis sur une carte… que restera-t-il dans le réel dans 10 ans ?

Quel projet de mobilité dans l’agglomération ?

En fait, comme souvent en politique, on ne fait pas tout, et donc on décide de priorités. Dans ce dossier Anneau des Sciences, la priorité, c’est bien de sortir l’autoroute du cœur de Lyon (tunnel et A7 en bord du Rhône ), et le désengorgement concomitant de l’Ouest Lyonnais et de ses circulations de transit. On sait qu’un habitant de l’Ouest, qui travaille souvent à l’Est, a beaucoup de mal avec les tunnels et galère dans un maillage de voirie historique lié à la géographie vallonnée et morcelée… De ce point de vue, le périphérique Nord a tiré un grand trait de rapidité entre l’autoroute A7 et Villeurbanne, et il s’agit bien de faire la même chose au Sud.

Si le dossier actuel a intégré plus de transport en commun, et des améliorations sur Bonneway, sa priorité politique reste bien Fourvière et l’Ouest Lyonnais.

Ces objectifs sont totalement légitimes, mais existe-t-il d’autres objectifs à prendre en compte, et quel choix prioritaire faisons-nous en fait ?

Il faut sans doute prendre un peu de recul pour y répondre, et notamment s’interroger sur l’évolution des circulations entre Lyon et sa région… Car le projet de métropole « attractive » ne va que renforcer un mouvement ancien de concentration du développement économique et de l’emploi… La ville de Lyon a gagné 15000 emplois en 10 ans (tout en perdant 30% de ses emplois industriels). Et si l’agglomération va accueillir plus d’habitants (150 000 prévus dans le SCOT), le fait est que cette conception de la concurrence entre territoires conduit aussi à augmenter le nombre d’habitants dans « l’aire métropolitaine » [1]. L’interSCOT prévoit ainsi 350 000 habitants de plus autour de la métropole. Ces habitants vont se déplacer où ? comment ?

Si la densification urbaine DANS les villes est un atout pour réduire les déplacements, la concentration économique dans les métropoles est au contraire un facteur aggravant de mobilité. Et la mobilité métropolitaine se fera en priorité en voiture sauf si une infrastructure lourde de transport cadencé ferroviaire type RER se développe au niveau nécessaire.

Sans une telle infrastructure, l’anneau des sciences, en fluidifiant dans un premier temps l’accès à l’Est de Lyon, va contribuer à augmenter les flux automobiles de l’aire urbaine. Il sera donc vite tout autant saturé que les périphériques et rocades Est, remettant en cause la décongestion des circulations internes à l’Ouest. A moins que le péage ne vienne réguler ses flux, mais c’est alors un choix de ségrégation dans la mobilité urbaine qui est indéfendable politiquement. Ceux qui défendent le péage ne le défendent jamais pour réserver la voie aux riches….

Bien entendu, il faudrait une toute autre politique économique nationale, non plus fondée sur la concurrence et les lois du marchés, mais sur la planification démocratique s’il fallait rechercher le développement de tout le territoire. Il est pourtant évident que s’il y avait plus d’emplois à Tarare, Villefranche ou Rive-de-Gier, si le développement économique cessait de se concentrer sur quelques territoires « gagnants », il y aurait moins de flux automobile vers l’Est lyonnais…

Mais dans tous les cas, la question première devrait être :

« Dans 20 Ans, quelle sera la part du transport en commun dans les flux Est-ouest de l’agglomération ? »

Quelle place du transport en commun dans l’agglomération demain ?

Gérard Collomb dans ses réponses aux questions a eu une phrase révélatrice.. « Ce ne sont pas quelques lignes de tramway de plus qui peuvent répondre au besoin de mobilité à l’Ouest »… Il a bien raison, mais il révèle en même temps que dans son esprit l’avenir du transport en commun se limite nécessairement à "quelques lignes de tram"…

Il est frappant de voir que dans ce dossier, personne ou presque ne parle d’une relance ambitieuse du métro, et personne ou presque ne parle d’articulation avec le réseau ferré passager.

Or, imaginons un seul instant des lignes de train cadencées rapides de Lyon à Roanne, Villefranche, Rive-de-Gier, Bourgoin, Vienne… ? De tels RER Lyonnais résolvent d’un seul coup la question du passage Ouest-Est si on libère les voies ferrées lyonnaises du trafic marchandises, donc si on réalise rapidement le contournement ferroviaire de l’agglomération Lyonnaise (le CFAL). Imaginons l’impact de plusieurs infrastructures capables de transporter chacune 10 fois plus de passagers que l’actuelle « ligne express de l’ouest lyonnais »…

Complétons ces lignes RER par de nouvelles lignes de métro, et soyons fous, prenons de l’avance sur Paris, et allons vers une ligne forte de transport en commun rapide à haut débit et haute fréquence assurant le bouclage de l’agglomération, dans l’objectif de réduire enfin le flux automobile sur Bonneway, reprenant le projet ancien de la « ligne E » du métro. Demandons aux experts du SYTRAL de plancher « sans limite » sur de nouvelles lignes de métro Est-Ouest, prolonger de Oullins jusqu’à St-Genis Laval, de Vaise jusqu’à Ecully, de La Doua jusqu’à Rillieux…

Certes, les coûts sont énormes, l’impact urbain aussi, mais de tels projets seraient des outils majeurs pour sortir réellement d’une fracture Est-Ouest de l’agglomération, non pas avec la voiture, mais avec le développement urbain… développement qui, il est vrai, est d’abord celui d’un choix politique à l’Ouest de Lyon.

Quel projet pour l’Ouest Lyonnais ?

Car l’argument principal pour affirmer que le développement des transports en commun à l’Ouest ne peut suffire, c’est que « l’ouest n’est pas assez dense » ! Certes, mais cela est-il une donnée géographique intangible, ou au contraire une donnée politique à mettre en débat ? Le SCOT prévoit la construction de 37 000 logements à l’Est et seulement de 17 500 à l’Ouest, 29 500 en tout au Nord et à l’Ouest contre 60 000 dans la ville centre et 60 000 à l’Est et au Sud. Est-ce un choix politique ou une contrainte géographique ?

Les villes de l’Est font le choix d’accepter une densification urbaine qui peut être une chance pour leur développement mais leur pose aussi des problèmes d’équilibre avec la nature, d’équité sociale, d’équipements publics nécessaires… La densification est-elle un sujet tabou à l’Ouest ?

Personne ne veut proposer aux communes de l’Ouest de se transformer sur le modèle es communes de l’Est. On ne peut que partager l’aspiration des habitants de l’ouest à maintenir une qualité du cadre de vie qui est souvent perçue comme meilleure qu’à l’Est. Les représentations politiques dans ce sentiment sont à mon avis dominantes, il y a des quartiers à l’Ouest invivables notamment pour des raisons de circulation, et des quartiers à l’Est charmants… Les pentes Nord des Minguettes sont surprenantes pour qui ne les connait pas…

Mais les communes de l’Ouest peuvent-elles changer, se transformer dans l’intérêt même de leurs habitants, qui sont certes plus riches en moyenne qu’à l’Est, mais qui sont pour la grande majorité des salariés soumis comme tous aux aléas de la vie et à la crise qui dure… Aujourd’hui, ces habitants n’imaginent sans doute pas leur ville avec un métro, densifiée autrement qu’avec de grandes ZUP comme la Duchère [2].

Il y a bien ici un choix politique majeur de l’agglomération. continuer la course à l’Est que le choix par Collomb du Grand Stade renforce pour quelques décennies, ou au contraire affirmer une alternative politique forte pour une agglomération Lyonnaise recentrée sur son cœur d’agglomération, stoppant sa course à l’Est, se rééquilibrant pour sortir de sa fracture historique Est-ouest en faisant le choix d’une vraie densification à l’Ouest ?

La suppression de l’autoroute dans Lyon prendrait alors un autre sens, et si le grand contournement pour le trafic de transit (contournement routier et ferroviaire !) se réalisait enfin, Lyon pourrait affirmer un projet de mobilité innovant, reposant sur une grande ambition d’infrastructures de transport en commun, innervant Est et Ouest d’une agglomération réconciliée.

L’opportunité politique pour réouvrir le débat sur l’avenir de Lyon

Il y a donc des alternatives à étudier au choix porté par l’actuelle présidence du Grand Lyon dans un consensus large entre gauche et droite, mais dans la confusion sur les vraies priorités politiques, dont une conséquence, c’est de ne pouvoir répondre aux demandes insistantes de la ville de Pierre-Bénite qui se retrouve dans ce dossier coincé entre un anneau des sciences qui ne permet le déclassement de l’autoroute que jusqu’au Nord de la ville, dans ce quartier de la Saulaie que tout le monde affecte à Oullins, et une autoroute A450 qui va encore contraindre une ville frappée déjà par le plus grand PPRT de l’agglomération…

C’est d’autant plus d’actualité que le projet présenté réaffirme que l’anneau des sciences ne peut se faire que si l’état réalise le grand contournement de Lyon, alors que la commission mobilité 21 mise en place par le gouvernement vient de le renvoyer aux calendes grecques !

C’est d’autant plus nécessaire dans le contexte du projet de métropole qui concentrerait d’énormes pouvoirs dans une nouvelle institution qui bénéficierait de l’essentiel de la fiscalité locale et mettrait de fait les communes dans une situation de subordination.

C’est essentiel pour mettre au cœur du projet de mobilité de l’agglomération la justice sociale, ce qui impose de refuser le péage comme solution de régulation, alors même que la commission 21 du gouvernement préconise son utilisation pour reporter les flux de transit….

Cette justice sociale a été absente des réflexions, alors qu’elle est au cœur de la conception de l’agglomération. tous les indicateurs sociaux montre que les écarts entre quartiers, entre communes, entre Est et Ouest se renforcent. Le mouvement de la société structure une véritable ségrégation spatiale, dont on peut dire au mieux que le Grand Lyon ne la freine pas. A vrai dire, dans ce dossier de l’anneau des sciences, on peut même s’interroger sur un risque de renforcement des inégalités spatiales, dont la cristallisation de la fracture Est-Ouest est un symbole.

Dans le cadre d’un autre projet d’agglomération porté par une grande ambition de transport en commun articulant RER, métros, trams et bus, la question d’un bouclage utile pour les automobiles se poserait différemment et conduirait sans doute à d’autres décisions, à minima dans le temps, et sans doute dans le niveau d’infrastructure routière restant nécessaire,et donc leur coût.

Si, dans 30 ans, nous avons renversé le partage des déplacements domiciles travail entre voiture et transport en commun, il serait incroyable que l’on puisse transformer Bonneway en boulevard urbain apaisé, et qu’on s’interroge alors sur l’utilité d’un tunnel totalement enterré à l’Est… Peut-être y ferait-on alors un métro ?

[1et à continuer de vider les régions centrales…

[2qui se transforme cependant aussi comme tous les quartiers « ZUP » de l’agglomération

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