rencontre débat sur les OGM du 24 Janvier

Consommateurs, Agriculteurs, Ecologistes et Industriels… Citoyens ? Enregistrer au format PDF

Samedi 28 janvier 2012

Une rencontre du conseil citoyen du développement humain durable sur un sujet qui a souvent fait la une des médias, qui préoccupe beaucoup d’habitants s’interrogeant sur ce que l’industrie agroalimentaire est capable de faire pour ses profits avec notre nourriture… et qui en même temps semble bien loin des urgences du moment dans la crise, les dettes, les guerres…

Plus de 50 participants à cette soirée du conseil citoyen, animée par l’association Res’OGM financée par le Grand Lyon.

La ville avait souhaité que la soirée soit « à plusieurs voix », pour que s’exprime des avis différents sur un sujet très souvent polémique. Et comme nous avons sur le territoire de la ville en partie, le plateau des Grandes Terres ou travaillent et vivent une vingtaine d’agriculteurs, il semblait naturel de les associer, ce qui a été fait à travers le syndicat intercommunal du plateau qui travaille depuis 10 ans avec les agriculteurs pour la qualité environnementale de cet grand espace au Sud de la ville…

La rencontre a été passionnante et… trop courte, après une introduction de Michèle Picard, maire de Vénissieux, qui a situé sans ambiguïté les enjeux économiques et politiques autour des OGM, mais aussi de la nécessité de répondre aux besoins alimentaires de tous, y compris des plus pauvres…

Ensuite, des extraits du film « Cultivons la terre. Pour une agriculture Durable, innovante et sans OGM » ont expliqué ce qu’étaient les OGM, présenté la situation mondiale avec une généralisation de ces techniques en Amérique du Nord et du Sud entre autres, et montré des expériences alternatives de lutte biologique, d’agriculture bio…

Pour que le débat soit contradictoire dans un contexte ou tout le monde sait qu’il y a des puissants intérêts en jeu, il était utile de compléter ces extraits de films par des points de vues non pas des promoteurs privés des OGM, mais de ceux qui ont un avis plus partagé. La directrice de l’INRA par exemple, dont un livre récent dit qu’il est possible de nourrir 9 milliards d’êtres humains, en insistant sur la gaspillage, l’organisation de l’agriculture, et la recherche, tout en défendant la nécessité des biotechnologies, ou un agriculteur des Grandes Terres, Dominique Sublet, qui témoigne de ses efforts pour maintenir une agriculture raisonnée tout en s’inquiétant de l’avenir dans un contexte économique difficile pour les paysans, et une proximité de l’agglomération qui peut faire penser que la pression foncière va tout emporter… Il n’utilise pas d’OGM mais ne les refuse pas a priori

Après les films, les trois invités ont apporté beaucoup d’éléments de connaissance.

  • D’abord avec Bernard Pintureau, chercheur de l’INRA (Institut national de recherche en Agronomie) et spécialiste de la « lutte biologique » qui fera la distinction entre les modifications génétiques qui concernent les cellules sexuelles et les autres qui ne sont pas transmises à la descendance [1], et qui listera différents types de raisons de s’opposer, non pas à tous les OGM, mais aux OGM actuellement proposé dans l’agriculture, parce qu’on peut mettre en cause leur utilité, parce qu’on ne connait pas réellement les risques sanitaires et environnementaux, parce qu’ils sont associé à un modèle économique de l’agriculture critiquable et entièrement au service de quelques grandes entreprises…
  • Ensuite avec Leo Coutellec, jeune philosophe qui s’intéresse aux rapports entre la science et les citoyens, et qui est par ailleurs engagés dans le mouvement des associations pour le maintien d’une agriculture paysanne. Il dira très directement que poser la question des risques, c’est s’enfermer dans un débat sur des chiffres toujours discutables, des oppositions statistiques dans lesquelles le citoyen est nécessairement perdant, alors que le débat doit porter sur des éléments en fait très politique : faut-il des paysans ? qui a décider que l’agriculture devait être d’abord exportatrice ? Qui décide des prix ? qui décide que 80% des subventions de la politique agricole commune concernant 20% des agriculteurs…
  • enfin avec Pascal Kremer, technicien du plateau des Grandes Terres, qui se fera le témoin des réactions des agriculteurs, et soulignera à la fois les nombreux efforts environnementaux fait par les agriculteurs et le syndicat sur le plateau, et en même temps les réactions des agriculteurs qui ont le sentiment d’être « mal traités » par les militants anti-OGM, de ne plus pouvoir expliquer leur point de vue dans un contexte médiatique ou c’est le discours anti-OGM qui domine, en étant largement financé sur fonds public.

Les questions ont d’abord porté sur les risques et les règles qui nous protègent théoriquement en France.

  • puisque certains pays sont très engagés dans la production OGM, peut-on préciser les conséquences sanitaires et environnementales mesurées ?
  • pourquoi la loi autorise 0,9% d’OGM dans les denrées alimentaires, alors que leur production est interdite ?

Les réponses de Léo Coutelec notamment insistaient encore sur son message, les conséquences en Argentine par exemple sont d’abord sociales et économiques… l’Argentine qui était exportatrice de viandes est devenue importatrice, car les paysans producteurs historiques de viandes disparaissent au profit d’une agriculture d’exportation pour alimenter l’Europe en tourteau de soja pour ses propres bovins…

Quand à la norme de 0,9%, quand elle a été définie, elle correspondait à une limite technique de précision des mesures, en fait, en dessous, on ne sait pas mesurer la part d’OGM. Or depuis, les outils ont fait des progrès et on pourrait mesure 0,1%, mais les lobbys ont pesé pour que la norme ne change pas…

Je suis intervenu pour relancer la discussion sur le caractère contradictoire de la situation. On a souvent l’impression que tout le monde est opposé aux OGM, à part l’agro-industrie , et l’espace médiatique, incluant les dirigeants politiques, semble donne raison aux anti-ogm. Mais pourquoi la discussion est-elle si difficile avec les agriculteurs ? pourquoi y-a-t-il des scientifiques qui au contraire défendent la recherche et même l’expérimentation en plein champ ? pourquoi y-a-t-il tant d’avis contradictoire, et comment peut faire un citoyen pour se forger son opinion, sans tomber dans la facilité ? Pourquoi par exemple la directrice de l’INRA, qui insiste fortement sur le gaspillage comme première réponse au défi de nourrir l’humanité, sur les habitudes alimentaires, qui rappelle aussi l’enjeu de développer l’agriculture partout, considère pourtant que les bio-technologies sont utiles car les terres cultivables sont limitées, et qu’il faudra donc au total augmenter la productivité ?

C’est d’autant plus troublant qu’on peut avoir l’impression que le système médiatique met en scène les oppositions pendant qu’il accélère la restructuration de l’agriculture, fragilise les agriculteurs au profit des grands groupes, et donc de fait, prépare le terrain aux OGM demain…

Il est donc essentiel de ne pas tomber dans l’opposition entre les couches moyennes des villes qui ont les moyens de se préoccuper de ce qui est dans leur assiette, qui ont le temps d’aller chercher et les moyens de payer des produits bios, les plus pauvres qui se démènent entre les hard-discount et les marchés sans avoir droit à des produits de qualité, et les agriculteurs, étranglés par un système qui les domine au profit de quelques grands groupes, et qui survivent en cherchant les subventions pour telle ou telle technique ou produit…

Je pense que le débat a fait découvrir à certains tout ce qui se fait sur le plateau des grandes terres, le travail sur les haies, suivi par des spécialistes de la biodiversité, avec des bandes enherbées pour les protéger des travaux des champs, l’expérience de « bois real fragmenté », le développement des ruches… Et aussi ce qui se fait à Vénissieux, qui par exemple est à 20% de bios dans les cantines en 2012, objectif Grenelle atteint donc, malgré le surcout…

Le message du philosophe donne sans doute la clé, ne pas chercher à entrer dans une discussion d’’expert sur les technologies ou les risques, mais prendre simplement ensemble les questions très concrètes de l’organisation de l’agriculture, où produit-on ? que produit-on ? Qui vend à qui ? et les inquiétudes des agriculteurs des Grandes Terres sur l’extension de l’agglomération peuvent alors rejoindre les préoccupations des habitants sur leur cadre de vie, et ce dialogue peut conduire à s’interroger ensuite.. pourquoi pas des cultures maraichères en circuit court à proximité ? et si les terres sont favorables aux céréales, pour quelle destination ? Et pour cela, entrer en relation réelle entre producteurs et consommateurs…

Il le propose à travers les AMAP et le circuit court. C’est sans doute aussi un élément du débat. Pour les agriculteurs du plateau, le circuit court peut avoir sa place, mais ils sont aussi dans des systèmes d’échanges plus larges.

J’ai conclu en tentant d’ouvrir une suite sur cet enjeu du modèle d’agriculture qu’on ne peut sans doute résumer à une confrontation entre agriculture paysanne locale en circuit court et agro-industrie mondialisée dans la concurrence « libre et non faussée »… On peut avoir une agriculture extensive qui ne soit pas monopolistique, on peut imaginer une propriété publique des sols, associé à des coopératives plus ou moins grandes, avec des secteurs de production agricole extensif, intégrant des phases de transformation pour répondre aux besoins actuels de cuisine « rapide »…

Bref, à suivre..

Je remercie bien sûr les acteurs de cette soirée… Mme Cornu du réseau OGM, Bernard Pintureau, Leo Coutellec et Pascal Kremer.. ainsi que tous les participants

[1ce qui est le cas par exemple des thérapies géniques chez l’homme

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