De Vénissieux à Alès, deux villes industrielles face au défi écologique… Enregistrer au format PDF

Dimanche 2 février 2014

J’ai été invité par le Front de Gauche d’Alès, qui anime une liste de rassemblement avec des militants associatifs, socialistes, écologistes (dont une ancienne candidate des verts) et des personnalités, liste dirigée par le conseiller général communiste Jean-Michel Suau. Ils mènent depuis de nombreux mois un travail large d’élaboration d’un projet pour Alès face à une droite affairiste qui dirige la ville depuis 24 ans et accélère la désindustrialisation au profit d’un centre ville à vocation touristique, tout en laissant les promoteurs détruire l’environnement autour d’Alès, et bien sur sans répondre aux énormes besoins de transports publics dans une région marquée par le développement de l’agglomération Nîmoise. Malheureusement, comme à Vénissieux, le PS n’a pas choisi le rassemblement et tente de défendre le gouvernement, dans ce cas avec EELV…

L’expérience Vénissiane de relever le défi écologique dans une ville ouvrière et populaire avait intéressé les militants d’Alès…L’agenda 21 pour Vénissieux 2030 humaine et durable est connu au-delà de Vénissieux !

J’ai bien sûr répondu positivement, malgré l’agenda Vénissian chargé, car je crois très utile d’échanger des expériences et de tisser des liens entre des communes qui peuvent mener des combats communs, pour une tenir le cap à gauche…

Voici la base de mon intervention.

Les questions de l’écologie sont très présentes dans les médias et dans beaucoup de têtes, mais sont souvent, apparemment, loin derrière les questions d’emploi et de pouvoir d’achat, notamment dans les quartiers populaires, dans le monde du travail.

Pour un communiste, ce peut être une contradiction apparente, et certains ne se privent pas d’en jouer, accusant ceux qui défendent l’industrie et l’emploi existant d’être des productivistes, et de ne pas voir l’enjeu du défi écologique. Pourtant, il suffit de connaitre cette citation de Marx qui montre comment le capital épuise le travail et la terre pour comprendre que les communistes n’ont jamais été des productivistes, et le capitalisme non plus d’ailleurs. Le capitalisme ne produit jamais au maximum, mais pour le profit maximum, et il démontre chaque jour qu’il peut stopper toute production et même détruire des forces productives, organiser la récession ! En réponse, la meilleure définition du communisme est à l’opposé de tout productivisme « de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins », bien sûr non pas ces besoins artificiellement fabriqués par le système, mais les besoins véritables, exprimés dans une société libérée de la domination de cette « concurrence libre et non faussée ».

Or, pour l’instant, l’essentiel des réponses au défi écologique s’appuient sur le marché, dans un double mouvement de déréglementation des services publics et de tentatives de régulation technique des nouveaux marchés issues principalement des directives européennes. Et cela donne ce « capitalisme vert » qu’on nous propose. Mais vous pouvez tous constater, que ce soit pour le marché des quotas carbone ou pour l’écotaxe poids-lourds que la régulation de ce système où l’homme est un loup pour l’homme est impossible. Savez-vous qu’au moment même ou le gouvernement mettait en œuvre l’écotaxe poids lourd, il appliquait l’autorisation européenne du camion de 40 tonnes qui va encore vider 20 % de ce qui reste du trafic rail marchandise ?

De fait, la seule manière de sortir de la contradiction apparente entre objectifs environnementaux et sociaux est de les inscrire ensemble dans l’action pour une véritable révolution, transition, chacun l’appelle comme il veut, dans laquelle l’intérêt public est dominant et s’impose face aux intérêts privés.

Et je crois que l’expérience au plan local est irremplaçable, car si les habitants de nos villes, les travailleurs de nos entreprises, savent très bien que leurs conditions de vie sont indissociablement liés aux questions économiques et sociales comme aux questions environnementales, ils sont dans le débat d’idée considérés soit comme consommateurs, soit comme riverains, soit comme producteurs, mais toujours séparément, ce qui leur interdit de faire ce lien indispensable. Mais quand on les rassemble autour de projets concrets, on va trouver dans la discussion ces différents points de vue, et on peut travailler pour déconstruire le discours dominant, pour aider nos citoyens à faire leur chemin dans le débat politique sur l’écologie en trouvant comment respecter « la terre et le travail ».

Je le dis aujourd’hui, mais j’avoue qu’en 2008, quand le maire communiste André Gerin, fait du « défi écologique » un moteur du projet de mandat de Vénissieux, et me demande de prendre cette délégation, j’ai été surpris et a vrai dire inquiet. Pourtant, en mettant en place un conseil citoyen du développement humain durable, une centaine d’habitants qui ont travaillé pendant plusieurs mois des objectifs aboutissant à 107 actions locales devenues un agenda 21, réalisées ou engagées aujourd’hui, nous avons réellement transformé la manière dont les questions de l’environnement et de la ville sont perçues par les habitants. Dans une ville pauvre, 32% d’habitants sous le seuil de pauvreté, populaire, une ville de banlieue avec cette « ZUP des Minguettes » que vous connaissez certainement de nom, une ville industrielle avec encore 30% des emplois, la ville est devenue un acteur d’une écologie qui ne s’oppose pas aux questions sociales, qui défend l’industrie et la protection des riverains et les objectifs du plan climat, qui développe le jardinage sous toutes ses formes et la zone agricole céréalière des grandes terres, au sud de la ville, qui se bat pour maîtriser la construction de logements nécessaires, donc avec des promoteurs, mais avec des règles urbaines d’équilibre bati/nature, collectif/résidentiel qui sont discutées en conseil de quartier, et qu sont travaillées avec tous les acteurs de l’urbain.

Nous avons un réseau de chaleur important, plus de 10 000 logements, et qui était historiquement au fuel. Nous avons actuellement 40% de biomasse, et 55% de gaz et notre plan pour le prochain mandat est de dépasser 60 % de renouvelable, sans doute plus si notre projet de raccordement aux énergies fatales de la vallée de la chimie se concrétise. Mais le plus important c’est un début d’appropriation citoyenne des enjeux du réseau de chaleur et de la réduction des consommations. Cette question très concrète de la température dans les logements est un bon exemple. Si vous décidez administrativement d’imposer les 19°C réglementaire dans un immeuble mal isolé et mal régulé, vous multipliez bien sûr les mécontentements et les injustices, car certains auront 15° et d’autres 25 !. Et pourtant, 1¨C de moins, c’est 7% de facture en moins ! Et dans le même immeuble, un tiers de locataires sont en difficulté avec leur loyer ! Si vous venez dans cet immeuble avec un discours national sur le bienfait de mettre un pull le soi chez soi, vous n’allez pas loin ! Il faut un long et lent travail de mise en confiance entre les habitants et les services, en étant sur le terrain, en prenant les questions concrètes une à une, pour créer les conditions d’une discussion collective. C’est pourquoi nous refusons tout discours sur la nécessité d’un signal prix sur l’énergie pour dire que quand elle sera trop chère, les gens seront obligés de faire attention… ! Mais beaucoup font déjà plus qu’attention ! De nombreux retraités en habitat individuel aux nouveaux bidons-villes de notre pays, retour au chauffage occasionnel d’appoint fuel ou pire au feu de déchets… Donc notre premier objectif du réseau de chaleur, c’est d’agir à la baisse sur le tarif, mais aujourd’hui, sans un financement public fort sur l’isolation dans le logement social et dans la production de chaleur renouvelable, le gaz reste la solution la plus économique, malgré les risques sur le tarif à long terme, et malgré son impact négatif sur le plan climat.

Je pourrai prendre beaucoup d’autres exemples :

  • deux jardins collectifs dont un d’insertion et un autre assez extraordinaire au pied d’une tour des Minguettes, un véritable pari de réappropriation d’espaces extérieurs qui étaient aupravant vécus comme des zones d’insécurité et qui sont devenus de nouveaux espaces de vie sociale. Et ces jardins nous aident à l’évolution des pratiques de jardinage dans les jardins familiaux. Là aussi, attention aux discours généraux plaqués d’en haut. Il faut être avec le jardinier qui vous montre une bande de patates détruites par les doryphores, pour construire une action efficace. Pour les doryphores, à part les attraper à la main, il faut traiter… Mais on peut proposer d’autres actions, sur d’autres productions, et l’essentiel est de construire un mouvement, toujours en s’appuyant sur les bonnes pratiques existantes.
  • L’expérience de la charte sur les antennes relais et du dialogue citoyen est tout autant illustrative des contradictions entre le besoin qui se généralise de communications mobiles et les inquiétudes elles aussi répandues. Nous avons cherché à rendre le plus transparent possible les décisions et les niveaux d’expositions annoncés et mesurés. Les opérateurs en tiennent compte et certains projets sont déplacés ou modifiés. Les habitants constatent que les niveaux d’exposition restent très bas et s’approprient des équipements dont ils sont les premiers utilisateurs.
  • nous avons beaucoup travaillé dans un quartier avec une entreprise qui était jusqu’en 2013 la plus forte émission de HAP du sud-est de la France… ce qui se traduisait dans le quartier par des rejets périodiques de goudrons retrouvé le matin sur les voitures.. Ce grand groupe n’a pas cherché à délocaliser une usine datant du 19e siècle, mais a décidé d’investir 25M€ pour transformer complètement le système de filtration qui est devenu meilleur que les normes récentes, et dans les mesures que nous avons actuellement, représenterait une baisse d’un facteur 10 !
  • nous avons énormément travaillé sur la collecte des déchets, qui pourrait faire l’objet d’une soirée entière, faisant le lien avec la propreté dans la ville. Une opération d’ampleur en 2010 avec 10000 foyers visités par des ambassadeurs du tri et un bond dans les classements sur la qualité de la collecte sélective, a montré le besoin de renforcer le service public pour une meilleure coordination entre gestionnaires d’immeubles et service de collecte, un travail continu d’éducation le plus près possible du terrain, un travail tenace de sanction contre les incivilités sans lequel l’effort collectif demandé est impossible, et aussi le besoin de mettre en débat les objectifs du « toujours moins » de déchets que certains affichent à partir de références issues de modèles de vie de couches aisées sans rapport avec la vie des familles populaires… Les déchets ne sont pas une tare, mais ce que certains appellent un minerai urbain dans une économie circulaire qu’il faut mieux valoriser et devrait faire l’objet d’un grand service public national !
  • et je n’ai pas parlé des déplacements, modes doux, stationnement, transports collectifs, place de la gare SNCF… futur contournement fer de Lyon, de l’action contre la précarité énergétique avec cette aberration du compteur Linky qui va permettre au marché de l’électricité de « segmenter » les clients pour diversifier les offres comme il l’a fait sur la téléphonie et ce qui se développe sur le train. Beaucoup de publicités pour vous faire croire que vous avez eu l’offre extraordinaire mais un prix moyen qui augmente…

Bref, nous avons appris l’importance de partir des questions concrètes sans jamais masquer les contradictions et la diversité des points de vue et des priorités. Cela conduit souvent à construire une critique des discours diffusés par les politiques publiques, notamment issus du Grenelle.

Car ce qui domine la société, ce sont les inégalités. Comment justifier que les « bénéficiaires » du tarif social de l’électricité payent les taxes des énergies renouvelables pour financer les propriétaires qui ont bénéficié de crédits d’impôts ? Comment justifier que la réduction des pollutions automobiles en ville se traduise par un péage urbain ? Comment défendre les clauses d’insertion dans les marchés publics quand les agglomérations se vident de leur industrie ?

Plus généralement, le discours du « geste qui sauve la planète », est un contresens qui ne peut rassembler des majorités. Les citoyens savent bien que l’état de la planète relève de choix de société, et notamment de la place des multinationales ! Poser ces questions à l’échelle d’une ville, c’est déjà les poser collectivement, se confronter aux décisions politiques nécessaires. Cela suppose d’éclairer des questions qui sont souvent présentées comme techniques, à travers les « risques » et le principe de précaution. Mais le risque enferme le débat dans des batailles d’experts, qui croire ? Or derrière un choix technique, il y a toujours des choix politiques, économiques, des intérêts en jeu. Les citoyens, mobilisés et organisés, sont compétents pour décider de leurs besoins, de la légitimité et de la priorité de tel ou tel usage. Et ils peuvent se former dans des actions de proximité de leur ville, non pour arbitrer entre experts, mais pour construire des choix politiques partagés, en partant toujours des besoins, de l’intérêt général, de l’affirmation des droits.

Et quand je vois la qualité du travail réalisé par vos ateliers du projet, et la connaissance des dossiers de votre ville, bien qu’elle soit gérée par la droite, je suis sûr que vous êtes prêt à créer l’évènement le 23 mars !

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