Gérard Collomb, les discours et les faits… Enregistrer au format PDF

Mercredi 31 août 2016

Gérard Collomb est préoccupé par sa gauche. Tout entier mobilisé sur ses relations avec le patronat, présent à l’université du MEDEF sans doute pour chercher des appuis à son ami candidat Emmanuel Macron, il sait que sa majorité métropolitaine est fortement marquée par la droite et que ça pourrait être pire en 2020. C’est peut-être le sens du choix de son successeur à la mairie de Lyon, le socialiste David Kimelfeld, un point à gauche, qui laisse la place pour une succession à droite à la métropole, renvoi de l’ascenseur à Raymond Barre qui avait surpris la droite en 2001 en le soutenant. Après son soutien au présidentiable Emmanuel Macron qui quitte un bateau gouvernemental en perdition, il fallait bien rassurer les socialistes, et peut-être aussi, malgré ses dénégations, tester si, après l’échec probable de Macron aux présidentielles, il ne pourrait pas faire un bon centriste métropolitain pour 2020…

Mais il y a bien sûr un risque, un réveil à gauche d’ici 2020, porté par une gauche de rupture se replaçant dans la perspective d’un changement de société, une gauche qui se cherche certes, à l’image d’un parti communiste hésitant, mais avec des forces dans le mouvement social qui s’est réveillé ce printemps. Cette gauche sociale et un parti communiste retrouvant ses forces ont un boulevard tant la crise politique est profonde et tant les forces gouvernementales de gauche comme de droite sont incapables d’ouvrir une alternative à un capitalisme violent. Qui d’autre peut ouvrir une autre perspective historique que la guerre et la militarisation de la vie publique de ce capitalisme pourrissant ?

C’est inconsciemment ce risque qui pousse Gérard Collomb à critiquer deux élus lyonnais, la maire socialiste rebelle du 1er arrondissement, et le maire communiste de Vénissieux. Pas un mot sur un maire de droite, on ne sait jamais, certains peuvent être des alliés demain… même s’ils sont nombreux à ne pas jouer le jeu du logement social….

Mais Gérard Collomb traite beaucoup de dossiers et parfois les survole trop rapidement, ainsi de son commentaire sur le logement social à Vénissieux, ce qui fait que sa critique de Michèle Picard se retourne rapidement contre lui..

Voila le texte repris du journal Le Progrès de ce mardi 30 Aout.

Il faut reconstruire une métropole équilibrée. C’est pourquoi j’ai demandé au maire de Vénissieux, par exemple, de ne plus construire plus de 50 % de logements sociaux car à terme cela risquerait de renforcer les tendances à la ghettoïsation. Dans un premier temps, ces logements sociaux verraient arriver des gens assez divers, mais après dix ans, ils se retrouveraient dans une situation mono-ethnique. Or moi, je souhaite des Minguettes de la diversité. La ville, c’est la rencontre. »

En quelques lignes, un raccourci fâcheux dans les chiffres, qui le place dans une contradiction gênante avec son vice-président au logement, une erreur politique révélatrice de son refus obstiné du dialogue politique, et un lapsus qui pourrait faire la une des médias…

Car la ville de Vénissieux se mettra d’accord facilement avec Gérard Collomb pour ne pas construire plus de 50% de logement social ! Chiche, 50% nous va très bien, et même 40% des constructions, ce serait déjà bien…. Mais son vice-président Michel Le Faou nous annonce pour l’instant un maximum de 100 logements sociaux par an, sur une prévision de 400, ce qui ferait 25%. En réalité comme il se construira plus de 400 logements, ce sera moins de 25% ! Entre moins de 25% que la ville n’accepte pas et plus de 50% que la ville ne demande pas… Gérard Collomb devrait se rendre compte qu’il y a une belle marge de discussion…

D’autant que s’il veut limiter la construction de logements sociaux, il ne répond pas à la demande de la ville de maitriser un développement trop rapide aujourd’hui [1]. Officiellement son vice-président valide l’objectif de réduire à 400 logements, mais tout le monde reconnait que le seul PLU-H ne peut permettre de le maitriser… Sans doute que pour Gérard Collomb, la métropole a besoin de densifier encore plus sa première couronne et donc, pas de logements sociaux, mais laissons-faire les promoteurs privés…

Il devrait savoir que la ville de Vénissieux agit depuis longtemps pour la diversification du logement dans la ville, avec un succès reconnu mais qui est devenu trop fort ces dernières années et que la ville veut maitriser. Dans ce cadre, la ville ne fait pas du pourcentage de logement social un enjeu en soi, mais demande qu’on réponde à la demande des Vénissians qui veulent des logements diversifiés, dont du logement social de qualité… 2000 demandeurs attendent sans compter les 1000 non Vénissians. Avec les démolitions de la rénovation urbaine, si on en reste aux propositions de la métropole, les demandeurs Vénissians verront le délai d’attente exploser pour rejoindre les records des centres villes huppés.

Nous avons l’expérience ! Depuis sa prise de fonction de maire, Michèle Picard constate qu’on construit certaines années seulement 20% de logements sociaux. Au total, en 4 ans, la part des logements sociaux à Vénissieux est passé de 53% à 49,9% début 2015, et nous serons à 49% fin 2016…

Vraiment, Gérard Collomb doit revoir ce dossier et ouvrir enfin le dialogue sur un enjeu où le bon sens peut l’emporter. Il faut ralentir le rythme de construction au total, car les 900 logements par an estimés sur les 3 prochaines années ne sont pas supportables par la ville, à l’image des 1150 logements de 2013. Et il faut maintenir un niveau de production de logement social qui permette de réduire les délais d’attente pour les Vénissians. Un accord pourrait facilement être trouvé autour par exemple de 40% de logements sociaux dans les constructions, mais cela supposerait que la métropole accepte de les financer…

Quand aux ghettos ethniques, tout le monde peut constater qu’ils ne sont pas l’apanage du logement social… Mes visites de sites avec les offices de logement de la métropole me montre à quel point la vie des copropriétés récentes des quartiers populaires peuvent être marquées aussi par des tensions communautaires… De fait, un propriétaire endetté qui dépense plus de 50% de ses revenus pour se loger est pauvre ! Les « ghettos » sont toujours d’abord des ghettos sociaux, et la seule réponse pour réduire les ghettos, c’est de réduire la pauvreté, et donc de créer massivement des emplois, et d’augmenter les salaires, ce que les amis du MEDEF et leur candidat Emmanuel Macron ne peuvent pas faire dans cette société de la concurrence libre et non faussée. Ceux qui croient que le logement locatif est la marque de la pauvreté et la propriété la marque de la richesse, devrait remarquer que le pays au plus fort taux de propriétaire en Europe est la Roumanie, pays le plus pauvre, alors que les deux pays au plus fort taux de locataires sont l’Allemagne et la Suisse…

Enfin, Gérard Collomb fait un lapsus digne de celui de Jean-Pierre Chevènement sur les nationalités de Saint-Denis… Il refuse « une situation mono-ethnique » et veut des minguettes de la diversité… Mono-ethnique les minguettes, avec plus de 50 nationalités des cinq continents ? Non, quand on concentre les pauvres, c’est toujours dans la diversité des origines. Ce sont plutôt les quartiers aisés qui sont « mono-ethniques » ! La ségrégation sociale que nous refusons s’accompagne très bien de la diversité des origines des pauvres, immigrés et français ! Ce qui pose problème dans les quartiers, c’est la pauvreté, l’économie parrallèle et l’affaiblissement de la république !

Si Gérard Collomb veut faire de la politique autrement, loin des petites phrases polémiques, il devrait tenir compte que la ville de Vénissieux travaille d’arrache-pied depuis longtemps pour faire des Minguettes une vraie ville, avec le cinéma, l’école de musique, des constructions diversifiées qui en font un des grands quartiers populaires avec le plus de logements en accession. Si c’est cela l’objectif, alors nous sommes d’accord, et il serait préférable que Gérard Collomb accepte enfin que certains « tiennent le cap à gauche ». Il pourrait en avoir besoin en 2020….

[1la rédaction du PLU par la métropole fixait l’objectif de « développer » Vénissieux, et c’est la ville qui a obtenu d’écrire « maitriser le développement » !

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