France-Culture « Les idées claires » par Brice Couturier

La lutte contre le carbone passe par le nucléaire Enregistrer au format PDF

Jeudi 17 décembre 2015

La récente tribune de Brice Couturier sur France-Culture, le 11 décembre 2015, est surprenante dans une ambiance médiatique qui au mieux cache, et le plus souvent, dénonce le nucléaire. Il présente en effet une idée qui se développe malgré la pression des médias : “la lutte contre le carbone passe par le nucléaire”.

Notons qu’en plus de ce point de vue non consensuel exprimé sur Radio-France le “Monde” publie un commentaire de Cédric Pietralunga sur les positions respectives de l’Allemagne et de la France en matière d’émissions de CO2.

ça bouge

En 2011, dernière année bien documentée, la production mondiale d’énergie reposait encore à 81% sur les sources fossiles. Respectivement, 31 % pour le pétrole, 29 % pour le charbon, 21 % pour le gaz. Les biocarburants fournissaient 10 % du mix énergétique mondial, l’hydroélectricité 2,5 %. Et les énergies dites alternatives, 1,1 %.

Celles-ci ont progressé depuis, mais il ne faut pas imaginer que le solaire et l’éolien pourraient se substituer à brefs délais aux énergies fossiles. On ne passe pas comme ça de 1 % à 81… Même si, com-me le constate le groupe financier Lazard, le coût de production de ces énergies renouvelables et propres a baissé considérablement au cours des années récentes : - 25 % pour les fermes solaires en une seule année.

Par contre, les installations individuelles, mises en place par les particuliers, sur leurs toitures, elles, de-meurent beaucoup trop coûteuses à cause des frais d’installation. C’est pourquoi elles [lire : toutes les énergies alternatives] sont subventionnées, via une taxe alourdissant de 15 % [en gros] la facture d’électricité des ménages français, la Contribution au service public de l’électricité, d’un montant de 8 mil-liards en 2016 [en fait, seulement 4,7 milliards, déduction faite des dispositifs sociaux et de l’aide à la cogénération] . C’est bien davantage en Allemagne [environ 24 milliards, pour la seule contribution EEG, hors cogénération].

Et le nucléaire ? Comme on sait, il est prépondérant, chez nous, en France, pour la production d’électricité. Mais au niveau mondial, sa contribution à la production d’énergie demeure faible. Aux alentours de 5 % en 2011. Peut-être le double aujourd’hui, car il faut savoir que, contrairement à une idée répandue, l’énergie nucléaire progresse à travers le monde.

C’est ce qu’on fait observer quatre vedettes scientifiques, lors de la COP21, pour réclamer qu’on augmente rapidement la construction de centrales. James Hansen, l’ancien directeur du Goddard Institute de la NASA, (oui, celui-là même qui a été le premier, en 1988, à lancer l’alerte sur le réchauffement climatique et sa probable origine humaine), a lancé un appel en compagnie d’un fameux climatologue australien, Tom Wigley, d’un grand professeur du MIT, Kerry Emmanuel et deKen Caldeira, un spécialiste de l’acidification des océans.

« Le problème du climat est trop important pour que nous nous leurrions et prenions nos désirs pour des réalités », écrivent-ils. « Pour résoudre le problème du climat, les politiques à mener doivent être basées sur des faits et non sur des préjugés. » Et les quatre scientifiques d’estimer impossible de rem-placer la totalité de l’énergie produite aujourd’hui par les ressources fossiles par du renouvelable.

« Le solaire et l’éolien sont des sources intermittentes, qui nécessitent la construction de centrales thermiques, afin d’en prendre le relais lorsqu’il n’y a pas de soleil, trop ou pas assez de vent. Pire encore, on compte parmi les renouvelables les bioénergies – or, elles mènent à la déforestation _ et l’hydroélectricité – qui requiert la construction de barrages dangereux pour les écosystèmes. Les énergies renouvelables, seules, ne pourront pas suffire à enrayer le réchauffement » . C’est pourquoi Hansen et ses collègues appellent à mettre d’urgence en place des réacteurs nucléaires de dernière génération, ne dégageant pratiquement pas de dioxyde de carbone. Ils fixent même un objectif : avec 61 nouveaux réacteurs par an, on pourrait se passer complètement des énergies fossiles d’ ici 2050. C’est techniquement possible, affirme le texte de l’appel. Et de citer le cas de deux pays européens qui ont développé avec succès l’électricité d’origine nucléaire – la France et la Suède.

Rappelons que le bilan carbone de notre pays est bon, que nous émettons deux fois moins de gaz à effet de serre par habitant que les Allemands [voir ci-dessous] et avons pratiquement atteint, dès cette année, nos objectifs de 2020.

Voilà qui va à l’encontre de bien des idées reçues. Mais comme l’a expliqué James Hansen aux journalistes présents, « la majorité des scientifiques est d’accord pour dire que le nucléaire doit faire partie de la solution. Mais quand vous commencez à le dire, toute la communauté antinucléaire vous tombe des-sus. C’est une attitude quasi-religieuse. »

Dans le même ordre d’idées, on voit se développer toute sorte de technologies, susceptibles de piéger et de récupérer le dioxyde de carbone, accumulé dans l’atmosphère par l’activité humaine. Ainsi, de la fabrication de nanofibres de carbone, ou de plastiques.

Ce n’est pas en tournant le dos au progrès technique, ni en prétendant limiter l’activité d’une humanité en forte croissance démographique qu’on résoudra le problème de la pollution. La décroissance n’est pas de nature à séduire les Chinois ni les Indiens, récemment sortis de la pauvreté et qui aspirent légitimement à notre mode de vie….

Les énergéticiens allemands, plus gros pollueurs d’Europe

Le Monde par Cédric Pietralunga

Encore un classement où les Allemands caracolent en tête. Mais cette fois-ci, pas de quoi se vanter. En 2014, les énergéticiens RWE et E.ON ont été le premier et le troisième plus gros pol-lueur d’Europe, selon une étude portant sur les émissions de dioxyde de carbone (CO2) des entreprises de l’Union soumises au système d’échanges de quotas d’émissions, publiée jeudi 18 juin par le cabinet londonien Carbon Market Data. La deuxième place est occupée par le Suédois Vattenfall, qui possède également de nombreuses centrales outre-Rhin.

En 2014, le conglomérat RWE, numéro deux germanique de la production d’électricité, a envoyé 141,4 millions de tonnes de CO2 dans l’atmosphère, ce qui représente près de 9 % des émissions de ce gaz à effet de serre rejetées par les gros industriels de l’Europe des Vingt-Huit, hors Chypre et Malte. Vattenfall a produit de son côté 95,6 millions de tonnes de CO2 et E.ON 67 millions de tonnes. L’italien Enel (66,9 millions) et le français EDF (59 millions) complètent le palmarès.

Sept sites ultrapolluants

« La présence de nombreuses centrales à charbon explique la forte représentation des Allemands dans ce classement, assure Cédric Bleuez, analyste chez Carbon Market Data. De plus, le prix du charbon a baissé l’an dernier, ce qui a incité les producteurs d’électricité à le préférer au gaz, pourtant deux fois moins polluant. » L’abandon progressif du nucléaire outre-Rhin, débuté par Gerhard Schröder puis confirmé par Angela Merkel après la catastrophe de Fukushima en 2011, est aussi pointé : la fermeture immédiate de huit réacteurs a conduit l’Allemagne à augmenter la production de ses 130 centrales à charbon. Et ce n’ est sans doute pas fini puisque l’arrêt de la dernière centrale nucléaire allemande n’est prévu qu’en 2022. Cette domination germanique se retrouve dans le classement des sites les plus polluants d’Europe : sept sur quinze se trouvent de l’autre côté du Rhin, selon Carbon Market Data. A elle seule, la centra-le de Neurath que possède RWE près de la frontière hollandaise, a généré 32,4 millions de tonnes de dioxyde de carbone en 2014, plus de la moitié des émissions de l’ensemble des centrales thermiques d’EDF ! Parmi les autres sites européens les plus polluants, trois se trouvent en Grande-Bretagne, deux en I-talie, un en Grèce, un en Estonie et un en Pologne, qui occupe la première place du classement. Au-cun site français ne fait partie de ce classement, mais EDF occupe la quinzième place pour la centra-le à charbon et au gaz que l’énergéticien tricolore exploite en Angleterre, à West Burton.

Charge financière importante

Outre leur impact environnemental, ces émissions de CO2 représentent une charge financière impor-tante pour les producteurs d’électricité. Depuis 2005, l’Union européenne attribue en effet aux entre-prises des droits à polluer pour les inciter à diminuer leurs émissions. Concrètement, chaque usine qui consomme plus de 20 mégawatts par an se voit attribuer un quota d’émissions de CO2 en fonction de son activité. Si elle ne les utilise pas, elle peut les revendre à d’autres entreprises qui, elles, n’ont pas réussi à diminuer leur consommation d’énergie.

Or les énergéticiens dépassent systématiquement leur quota d’émissions, tandis que d’autres, com-me les industriels de la sidérurgie, sont en excédent, principalement du fait de la crise et de la diminu-tion de leur production. En 2014, RWE, Vattenfall et Enel ont ainsi été les trois groupes les plus défici-taires, l’Allemand affichant à lui seul un manque de 139 millions de tonnes de droits à polluer. « Au prix actuel de la tonne de carbone [7,45 euros], cela représente une charge de plus d’un milliard d’eu-ros pour RWE », précise M. Bleuez.

Voir en ligne : émission sur France intere

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