Oui, il faut faire le bilan de l’ère Gérard Collomb pour l’agglomération lyonnaise ! Enregistrer au format PDF

Mardi 15 septembre 2020

Oui, il faut faire le bilan de l’ère Gérard Collomb pour l’agglomération lyonnaise ! Enregistrer au format PDF

Mardi 15 septembre 2020

Lors du conseil métropolitain du 27 juillet, j’avais souligné pour le groupe communiste et républicain l’enjeu historique du changement de majorité métropolitaine mettant fin à une longue période sous la présidence de Gérard Collomb. J’avais rappelé l’accroissement des inégalités et la désindustrialisation de Lyon sous sa gouvernance. Il a vivement réagi en séance, mais sa réaction confirme la nécessité de faire un vrai bilan de ces trois mandats dirigés par ce qui allait devenir le macronisme, une alliance gauche-droite au service de l’attractivité métropolitaine dans la concurrence mondiale.

Car il nie les deux caractéristiques que j’ai dénoncé, l’aggravation des inégalités, et la désindustrialisation. Il va même jusqu’à vanter les nouvelles activités productives de la Part-Dieu !

Laissons de coté la forme. Il m’accuse d’idéologie parce que je cite Marx, mais c’est lui qui ne peut pas sortir de l’idéologie capitaliste qui l’enferme, cette idéologie des premiers de cordées d’où doivent ruisseler les bienfaits pour les « premiers de corvée » que la crise sanitaire a remis sur le devant de la scène. Lors d’une de mes premières séances de conseil de communauté urbaine il y a 10 ans, Gérard Collomb m’avait déjà répondu parce-que je citais Marx. Mais à l’époque, il révélait son choix idéologique, soutenant Bernstein contre Kautsky… Bien peu d’élus ou de lecteurs connaissent ces deux personnalités de l’histoire du mouvement ouvrier. Pour résumer, Bernstein est le premier dans l’internationale socialiste qui propose de rompre avec Marx, et Kaustky le dénonce… C’est à ce débat que Collomb faisait référence en soutenant Bernstein. Kaustky quelques années plus tard remettra lui aussi en cause Marx, ce qui conduira Lénine à le dénoncer au moment de la création des partis communistes, justement pour sortir du réformisme et du militarisme dans lequel s’était enfermée l’internationale socialiste.

Il y a bien des constantes dans l’histoire ! Mais laissons ce Bernstein précurseur de Macron et reprenons la critique de Gérard Collomb du seul point de vue des faits.

Les faits sont clairs. Une étude de 2018 de l’observatoire des inégalités donnent des chiffres incontestables. Les inégalités dans l’agglomération sont énormes, et la commune de Lyon elle-même est très inégalitaire

commune revenu médian Revenus des 10% les plus riches Revenus des 10% les plus pauvres taux de pauvreté indice GINI
Lyon 1900€ 3762€ 907€ 15% 0.32
St-Cyr au mont d’or 3060 6876 1347 6% 0.4
Chassieu 2212 3811 1180 7% 0.27
Villeurbanne 1623€ 2902 825 19% 0.29
Vénissieux 1310 2286 730 31% 0.25
St-Fons 1281 2131 739 31% 0.23

Alors est-ce que cette situation s’est aggravée ou pas dans les 18 années de gestion Collomb ? Cherchons encore des faits !

  • Une étude INSEE de 2015 comparant les données entre 2008 et 2012 éclaire ces évolutions et nous dit « Vénissieux, Saint-Fons, Givors et Rillieux-la-Pape : des communes plus en difficulté qu’il y a cinq ans ».
  • La revue « sociétés contemporaines » dans un article de fin 2017 titré « Métropolisation, intercommunalité et inégalités sociospatiales » compare quatre agglomérations et nous apprend au passage que Bordeaux et Nantes sont plus égalitaires que Lyon et Lille… Pour Lyon, l’indice de Gini qui mesure le niveau d’inégalités, passe de 34,8 à 36,2 en 8 ans. Avec Paris et Lille, ce sont les agglomérations où les inégalités se sont le plus aggravées ! Cette étude a inventé un nouvel indicateur dit « Gini spatial » qui mesure justement les inégalités entre les communes d’une agglomération. Des quatre agglomérations étudiées, Lyon est la plus inégalitaire et cette inégalité s’est aggravée de 2000 à 2008… On peut être sûr que cette tendance s’est poursuivie jusqu’à ce jour !
  • La métropole elle-même dans son observatoire du développement durable mis en œuvre en 2019 évalue un « indice de développement humain local » enrichi d’un « indice de sensibilité sociale » et écrit « Si l’IDH local a tendance à s’uniformiser à la hausse sur le centre de la Métropole et toute la partie ouest (0,85-1) - à l’exception de Lyon 9e et Neuville-sur-Saône (0,75-0,80) ou quelques communes telles Oullins, La Mulatière par exemple (0,80-0,85) - des disparités fortes persistent entre l’est et l’ouest de la métropole, les communes de l’est se situant en majeure partie au niveau ou en deçà de l’IDH régional (0,80), avec trois communes dont l’IDH se situe entre 0,60 et 0,65 (Vaulx-en-Velin, Vénissieux et Saint-Fons), ainsi que Givors au sud (0,65-0,70). » . Et le rapport note « une fragilisation de la situation sociale dans certains quartiers (Est et Sud lyonnais : Parilly à Bron, Grolières et Verchères à Vaulx-en-Velin, etc.). »

Voilà des faits, bien loin d’une théorie déconnectée du réel ! Et Gérard Collomb est bien sûr de mauvaise foi quand il nie une évidence qu’il connait bien, et que tout le monde peut constater.

Mais reprenons dans le détail sa réponse très éclairante sur son idéologie toute entière marquée par la soumission aux règles capitalistes.

Il souhaite pour les 10 prochaines années « un même développement de l’agglomération que sur les 10 dernières années ». Il évoque des « chiffres de création d’emploi battant tous les records », les « startup », « l’attractivité de Lyon qui rayonne », un « taux de chômage inférieur à la moyenne nationale »… On se demande bien comment les lyonnais ont pu le placer en dernière position au 2e tour des élections métropolitaines dans son propre arrondissement !

Il doit quand même reconnaitre les « disparités », mais affirme que « la rénovation urbaine est là pour résorber les fractures entre les quartiers et permettre à tous de connaitre la même dynamique ». Il évoque alors « l’arrivée d’entreprises internationale à Vénissieux, le carré de soie qui serait une nouvelle confluence… ». Mais que disent les faits ?

  • Pour les entreprises s’installant à Vénissieux, le maire de Vénissieux peut en parler ! Elle en rencontre des dizaines comme l’entreprise CARSO qui s’est installée avec un réel partenariat avec la ville, 500 emplois au début, 900 aujourd’hui. La métropole n’y est pas pour grand chose. Le grand projet métropolitain « Lyon Industrie Parilly » à Vénissieux [1] fait beaucoup de communication avec sa « ruche industrielle », mais le bilan en emploi de production est très mince et très fragile ! A ce rythme, il faudra un siècle pour retrouver les 1000 emplois supprimés par le groupe Bosch sur ce site… et les restructurations de Boostheat un an après son arrivée montre que rien n’est fait.
  • Enfin qui peut croire que la comparaison confluence carré de soie a un sens par exemple du point de vue du prix du foncier ?

Evidemment, quand on dirige une métropole au budget de plusieurs milliards, capable d’investir chaque année plus de 500M€, on a forcément des exemples d’actions positives ! Heureusement ! Le maire de Marseille peut se vanter de la beauté du nouveau quartier de la Joliette avec son musée, le maire de Bordeaux peut se vanter des « Bassins à flot » et son expérience « d’urbanisme négocié »… Cela ne nous dit pas si au total, le bilan a été positif pour une majorité d’habitants, et d’ailleurs, cela n’a pas empêché que les trois ont été battu aux élections !

Mais Gérard Collomb y croit ! J’évoque les revenus médians des habitants par quartier, la désindustrialisation de Lyon… Il affirme que « la vie quotidienne des habitants s’est améliorée », que « la rénovation urbaine permet de sortir d’un urbanisme de barres et de tours avec des revenus qui baissent et d’attirer des couches moyennes pour la mixité sociale »… Emporté dans son élan pour justifier sa politique dite de mixité sociale, il s’exclame même « regardez ce qui se passe dans l’agglomération aujourd’hui les problèmes de sécurité actuels… ! ». Penses-t-il aux rodéos sur la place Carnot ? aux violences sur les quais du Rhône ? Ces défis de la tranquillité urbaine au cœur de Lyon confirment que ce n’est pas un problème des seuls « quartiers prioritaires » !

Mais le fonds de son idéologie apparaît quand il parle des usines avec un ton méprisant pour ses opposants « ce n’est pas par le retour au 19e siècle et la pensée marxiste, on a un peu évolué depuis l’usine du 19e… Aujourd’hui, à Lyon, il n’y a pas d’usine, non, mais il y a ce qui est productif, allez voir à la Part-Dieu ceux qui inventent l’avenir… »

Son idéalisme bien peu pragmatique se révèle dans cette formule qui fera rire jaune les milliers d’ouvriers, d’artisans, de techniciens qui ont vu leur usine fermer à Lyon, qui ont du partir vivre plus loin car Lyon s’est transformé en ville de cadres supérieurs… Pour Gérard Collomb, l’avenir de la production se jouerait à la Part-Dieu. Merci pour les centaines d’ingénieurs et chercheurs de Renault Trucks Saint-Priest qui sont licenciés, merci pour le centre de recherche de Sanofy restructuré à la hache, ce grand groupe pharmaceutique ayant décidé d’externaliser sa recherche sur les maladies infectieuses, quelle pertinence stratégique ! J’évoquais dans mon intervention le dernier grand site industriel de Lyon, JST dans le 8e arrondissement, pratiquement vidé de toute activité productive. Pas un mot de Collomb pour le regretter. Il est vrai qu’il avait avait osé citer en séance cette perle idéologique du capitalisme, la « destruction créatrice »… en résumé, il faut que certains meurent pour que d’autres vivent…

Alors, certes, regardons la Part-Dieu ! Tout le monde ne les connait pas forcément, il y a quelques activités orientées vers le développement technologique. Mais pour tout le monde, ce qui domine à la Part-Dieu, c’est bien le tertiaire, les transports et le commerce ! Non, la révolution de la production ne se joue pas à la Part-Dieu, mais dans les usines, monsieur Collomb, avec ceux qui les font vivre, ceux qui les transforment en permanence, ceux qui ne font pas qu’imaginer demain pour les salons et les médias, mais qui font vivre notre capacité collective de maîtriser des systèmes industriels toujours plus complexes, interdépendants et malheureusement toujours plus soumis aux exigences de rentabilité du capital.

Il est clair que la pensée marxiste est pour lui une vieillerie. Pourtant quand on voit les crises répétées du capitalisme, quand on voit ce que devient la première puissance capitalise, dirigée par Trump et bousculée par les violences racistes, on se dit que la critique du capitalisme est un défi très actuel. Je conseille à tous ceux que ça intéresse de découvrir un économiste marxiste actuel et son dernier livre « Rompre avec le capitalisme, construire le socialisme » [2]. Il n’y a pas de critique utile du capitalisme (dé)mondialisé actuel sans Marx !

Pour conclure, comme le dit Thomas piketty, qui n’est pas marxiste, « les inégalités sont un choix politique » ! C’était le choix de la métropole de Gérard Collomb. Et c’est bien parce-que les communistes font, eux, le choix de la solidarité que nous avons tenté de tenir le cap à gauche, contre vents et marées, contre Gérard Collomb et sa majorité de droite.

[1Gérard Collomb aime tellement les communes qu’il les efface du marketing métropolitain ! genre « Only Lyon » !

[2Jean-claude Delaunay, éditions Delga

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