Commission générale du conseil de communauté

Penser global, c’est penser critique ! Enregistrer au format PDF

réaction à la présentation du projet d’euro-métropole par Gérard Collomb
Samedi 26 janvier 2013 — Dernier ajout dimanche 27 janvier 2013

Ce 25 Janvier, le président Gérard Collomb présentait le projet d’euro-métropole en commission générale. Sa présentation partait de loin, avec un graphique montrant la croissance comparées des 300 « grandes villes » de la planète. Le deuxième intervenant, Michel Forissier, vice-président du conseil général, dira qu’il soutenait ce projet « puisque c’était celui de son président », et listait ensuite toutes les raisons d’en être inquiet, depuis le sort des 4000 agents du conseil général, jusqu’au devenir des cantons qui seraient découpés entre métropole et département, en passant par l’enjeu pour les milliers de personnes au RSA de l’efficacité du travail social de proximité.

La présentation de Gérard Collomb était tellement représentative du discours économique dominant que j’ai tout de suite pris des notes pour lui répondre. Je n’ai pu le faire en séance, mais je publie cette réponse.

Monsieur le président, vous présentez la future euro-métropole sans conditionnel. Rappelez-vous 2005 et le traité constitutionnel, déjà, tout était plié. Comme d’autres, je travaille à l’irruption en 2013 de l’expression populaire face à des réformes qui mettent en cause la république.

Vous nous appeler à penser global et agir local. Chiche ! Pour vous, ce sont 300 villes qui portent le développement économique de la planète. Mais vous ne dites rien des liens entre ces villes et leurs territoires… D’où vient l’électricité de Lyon sinon du nucléaire du Bugey ! D’où vient le bois-énergie dont nous avons besoin sinon des régions montagneuses environnantes, et aussi malheureusement de plus loin ! D’où viennent notre alimentation, le béton et le verre de nos immeubles ? de trop loin souvent, mais de nos régions aussi. Pour le dire avec humour, que devient le troisième fleuve de Lyon ? Une ville sans son territoire qui l’irrigue, c’est un blocus, monsieur le président.

Pensez global, c’est penser critique. Vous présentez une carte européenne illustrant le décrochage des villes européennes du Sud… Pourquoi pas un graphe des échanges intra-européens de 2000 à 2010 qui montre comment l’euro a créé une zone Mark au service de la domination allemande contre notamment l’Europe du sud [1] ?

Puisque vous nous demandez de penser global, allons-y avec la Chine. Tout le monde connaît le développement accéléré des grandes villes de la cote, et c’est ce que votre carte des 300 villes nous montre. Mais vous ne dites rien de l’incroyable développement du cœur de la Chine engagé depuis et qui est en train de faire basculer cet immense pays d’une économie d’exportation à la première puissance de la planète assurant le développement de territoires plus vastes que la France.

Penser global devrait nous conduire à considérer que les zones spéciales chinoises ou la croissance infernale de Mexico ou de Rio de Janeiro ne sont pas des modèles utiles pour la France. De ce point de vue, le pole métropolitain comme outil de coopération multi-polaire peut être plus porteur de sens pour une urbanisation en réseau irriguant le territoire.

Penser global, c’est aussi penser le monde dans l’histoire… Vous évoquez la construction jacobine de la France et une nouvelle ère de décentralisation depuis les années 80. Mais l’histoire est toujours monsieur le président, celle des luttes de classes. Si la France s’est effectivement construit de manière centralisée, si la République a été en France une et indivisible, assurant les mêmes droits et les mêmes institutions ou presque de Lyon à la Creuse, c’est bien pour assurer la domination de la bourgeoisie montante dans son alliance avec le peuple contre la noblesse et le clergé. Elle a certes été marquée par le cadre très napoléonien symbolisé par les préfets ! Mais elle a construit ce pays particulier qu’est la France, celle que chante si admirablement Jean Ferrat, celle qui monte des mines ou descend des collines, celle de 36 ou 68 chandelles…

La nouvelle ère des années 80, ce n’est pas la décentralisation, c’est au contraire ce que masque cette décentralisation, un processus plus profond et plus global, la déconstruction de l’état social, qui aboutit dans ce XXIe siècle débutant à la mise en cause des états nationaux comme en Belgique ou en Catalogne. C’est un des résultats de la contre-offensive occidentale après la défaite historique des USA au Vietnam, de la commission trilatérale qui nous disait dans les années 70 que la démocratie devait être limitée à l’accélération de l’intégration européenne qui s’est faite, à chaque étape, contre l’avis des peuples, avançant masquée pour déconstruire les nations souveraines.

Penser global dans l’histoire, c’est constater que les guerres mondiales du 20e siècle ont libéré le monde du colonialisme avec près de 200 états nationaux souverains fortement marqués par la compétition entre le capitalisme et le socialisme. Les discours sur la fin de l’histoire nous ont fait croire à la disparition du socialisme alors qu’on le voit renaître partout sur la planète, et que personne ne sait vraiment quelle est sa place dans le modèle chinois. La nouvelle ère dont vous parlez, c’est celle où un capitalisme occidental en péril a besoin de faire sauter les cadres de souveraineté nationaux, par les coup de force contre les référendums en Europe, par la guerre en Yougoslavie et au Moyen-orient, par les narco-traficants et les tentatives de coup d’état en Amérique Latine.

Penser global pour agir local… dans ce contexte contradictoire, comment favoriser la coopération locale. Prenez tous les exemples concrets qui soulignent la nécessité d’articuler les politiques publiques des institutions et de tous les acteurs qui font la ville. Où sont les blocages ? Oui, il existe dans de nombreuses collectivités des réflexes de petit propriétaire que ce soit pour dire « je veux mon propre équipement » ou à l’inverse « pas dans mon jardin ». Mais les freins à la coopération, à la mutualisation ne sont pas d’abord chez les habitants, au contraire, ils sont nombreux à se demander comment avoir un service public plus présent, plus proche et plus efficace, et le modèle de la poste ou de l’école dans les mémoires sociales est illustratif de ce lien étroit entre proximité et interdépendance. La difficulté fondamentale est dans la nature des institutions, dans la place de l’intervention populaire dans ces institutions. Mutualiser, partager, échanger, oui, c’est indispensable, tous ceux qui suivent les difficultés dans la réorganisation de la collecte des déchets, qui mettent les mains dans l’ingrat travail du quotidien sur la propreté, pour ne prendre que deux exemples, le savent bien. Mais ce que nous dit votre projet d’euro-métropole, c’est qu’on ne peut coopérer que dans la re-centralisation d’agglomération. Ce serait parce que le département et la communauté ne coopère pas efficacement que leurs présidents ont décidé d’un partage du territoire pour que la « future euro-métropole » organise dans son territoire une coopération imposée.

Cette réponse à un défi réel est pauvre monsieur le président, elle manque de créativité, d’innovation politique, elle ne fait que tenter d’imiter ce vieux modèle de la ville-état allemande que vous citez.

Nous sommes nombreux à sentir la nécessité d’une autre conception de la république, en tout cas pour ceux qui restent partisans de la souveraineté nationale, d’une république qui retrouve le sens de l’état, se libère de son carcan technocratique en portant la démocratie et l’autogestion à un nouvelle échelle, qui retrouve le sens de l’aménagement de la France, la libère de son carcan centralisateur avec l’ambition d’un développement harmonieux de tout le territoire, du re-développement de ces zones que vous présentez comme perdantes de la concurrence, par une urbanisation distribuée apportant les services de grandes villes dans un réseau de villes à taille humaine.

Et nous travaillons à une autre communauté urbaine, fondée sur la solidarité, la redistribution, loin de cette concurrence dont vous faites la clé du succès malgré les dramatiques convulsions économiques et sociales qu’elle génère, une communauté outil des communes pour "faire ensemble ce qu’une commune ne peut faire seule" et non pas pour "faire elle-même ce qu’une commune ne doit plus faire", qui organise l’inter-communalité et non pas la supra-communalité, une communauté outil du la citoyenneté, mettant ses importantes compétences humaines que permet la mutualisation au service de la proximité nécessaire à l’appropriation citoyenne que représente par exemple les conseils de quartier, une communauté outil de la coopération régionale et internationale contre la concurrence au Sud, à l’Est comme au Nord.

Oui, nous pouvons imaginer une autre communauté, loin des villes-état allemande ou des zones spéciales chinoises, s’inscrivant dans une république Française à refonder. Construisons-nous la ville pour les canuts ou pour les soyeux ? Même si, dans l’organisation actuelle de la société, on ne peut penser les uns sans les autres, c’est le cœur de toute politique publique. Une démarche républicaine peut transcender les clivages gauche-droite sur des projets partagés par de larges majorités et construits dans une démarche citoyenne, pas dans la confusion politique d’un accord secret de dirigeants, une lyonnaiserie diront les commentateurs, mortifère pour les progressistes et les républicains dans un contexte de crise ou partout, les nationalismes, les intégrismes et les fascismes s’affirment !

Il y a deux ans, toute la gauche dénonçait la réforme sarkosyste des collectivités, et cette même réforme revient aujourd’hui aggravée des euro-métropoles. Il est vrai qu’on peut faire ce constat pour les records d’expulsions, le TSCG ou la relation avec la grande finance…

Dans la crise violente que nous traversons, la fracture politique est béante, et les retours de bâtons peuvent être terribles pour tous les progressistes et républicains… C’est d’une toute autre réforme de l’état et des collectivités locales dont ont besoin les habitants de nos communes.

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