Commission générale du Grand Lyon du 10 décembre 2019

Qualité de l’air, inégalités et choix politiques Enregistrer au format PDF

Lundi 9 décembre 2019

Tout d’abord, permettez-moi de remercier le vice-président Thierry Philip et les services pour le travail réalisé sur ce plan oxygène et pour cette commission générale. Ce qui me conduit à vous rappeler, monsieur le président, que plusieurs groupes politiques dont le groupe communiste et parti de gauche, vous demande une commission générale sur le logement. Certes, c’est un sujet moins médiatique ou il est plus difficile de discourir sans en venir au concret, mais c’est une urgence sociale et politique. C’est dans mon expérience le premier sujet sur lequel les habitants interpellent le maire.

Mais revenons à la qualité de l’air. Nous nous félicitons que ce document répète encore une fois ce que le discours médiatique masque le plus souvent, la qualité de l’air s’est amélioré ces dernières décennies dans l’agglomération lyonnaise, comme d’ailleurs presque partout. Cette réalité confirme que les discours du catastrophisme qui nous parlent de l’effondrement qui vient sont non seulement des mensonges, mais surtout l’effet d’une bataille idéologique qui veut détourner les Français des vrais responsabilités de la crise environnementale, les convaincre que ce sont eux les coupables, ceux qui vivent mal mais doivent accepter des sacrifices. Or, tous ces discours prétendument écologistes qui visent à cacher le système économique derrière des choix techniques n’ont qu’un effet, et pour beaucoup qu’un but, protéger justement ce système économique dominant qui, comme le disait Marx, épuise la terre et le travailleur.

Je vais le dire de manière plus brutale. Ceux qui répètent sans d’autres explications, 48000 morts, 48000 morts, 48000 morts, comme argument justifiant une urgence absolue sont dans le même registre que ceux qui répètent « immigrés, immigrés, immigrés »… Les deux jouent sur les peurs pour construire une campagne politique qui ne conduit qu’à exaspérer les tensions sociales et à diviser les Français. C’est la même chose qu’en j’entends dire dans cette assemblée particule ultra-fines, particules ultra-dangereuses.

Redisons-le, à part l’ozone, tous les polluants sont en très forte réduction depuis 2000. Arrondissons les chiffres pour faciliter leur mémorisation, baisse de 80% pour le souffre, des deux tiers pour le monoxyde de carbone, de la moitié pour les NOx et les poussières… Oui, nos enfants respirent un air bien meilleur que nous à leur âge !

Et pourtant, il reste beaucoup à faire, et pourtant, il y a encore 13000 habitants au-dessus des seuils réglementaires, et 11% au-dessus des seuils OMS, donc il faut renforcer les politiques publiques, ce que propose ce plan oxygène. Mais nous affirmons qu’on ne peut le faire sans prendre en compte les inégalités sociales qui sont au cœur des freins à la transformation environnementale des mobilités comme du logement.

La Zone de Faible Emission est un excellent terrain de démonstration. Rappelons que si les pollutions se moquent bien sûr des limites administratives, l’air propre aussi, comme les nuages et le vent. Très souvent les Isérois respirent l’air de la raffinerie de Feyzin, le Vercors respire l’ozone fabriqué au-dessus de l’agglomération lyonnaise, et les ‎Rilliards, Mr Vincendet, peuvent sentir les zones industrielles de Vénissieux par vent du Sud, ou des pesticides du beaujolais par vent d’ouest… mais tous peuvent bénéficier d’un air frais venant d’Auvergne qui chasse les pollutions par grand vent. Les histoires de l’urbanisme expliquent ainsi cette règle qui met les zones industrielles à l’est des agglomérations et les quartiers riches à l’ouest.

Ceux qui font croire aux grands lyonnais qu’il faut être dans la zone ZFE pour en bénéficier les trompent ! Non, la ZFE pousse à la transformation d’un parc de véhicule qui circulent dans toute l’agglomération, ce qui a des effets dans toute l’agglomération. Si la première pollution visée, celle des oxydes d’azote, se concentre autour des axes de circulation, l’artisan qui travaille à Lyon, Vénissieux et Rillieux, et qui change son véhicule en fera bénéficier les lyonnais, les vénissians et les rilliars, ainsi que tous les riverains du périphérique et des axes de circulation qu’il utilise.

Comme pour toutes les actions destinées à réduire notre impact environnemental, nos décisions doivent donc être basées sur le coût économique et social du résultat environnemental obtenu. C’est ce que nous défendons pour le climat en demandant d’afficher partout le coût de la tonne de carbone évitée, c’est ce que nous défendons pour la qualité de l’air et qui n’est pas fait pour l’instant. Nous demandons de connaitre l’impact sur les artisans et chauffeurs les plus fragiles économiquement, afin d’orienter les aides pour leur plus grande efficacité et éviter tout effet opportuniste.

Nous avons dans tous les quartiers populaires des centaines de chauffeurs avec souvent de vieux véhicules qui assurent ce dernier kilomètre de la distribution pour les vendeurs en ligne, dont les grands vendeurs mondiaux. Ces chauffeurs posent des problèmes de circulation dans Lyon et des problèmes de stationnement dans la première couronne. Ceux qui proposent d’étendre géographiquement la ZFE sans jamais évaluer son coût économique et social portent une terrible responsabilité face aux travailleurs de cette distribution ubérisée qui sont les premiers contraints par la ZFE.

C’est bien sûr la même chose pour la circulation différenciée qui ne tient pas compte des inégalités sociales. Si elle permet de réduire la circulation, donc les émissions polluantes, qui a moins circulé ? qui a été empêché de circuler ? Vous le savez bien, pas les gros SUV hybrides rechargeables des premiers de cordées lyonnais ! Pas les nouveaux véhicules électriques haut de gamme à plus de 50 000€, et même pas les véhicules électriques de milieu de gamme, qui coûtent 10 000€ de plus que leurs équivalents thermiques. Non, ceux qui ont permis cette baisse de circulation sont d’abord les familles populaires avec des véhicules de plus de 10 ans, souvent diesel. Même les aides qui semblent importantes ne suffisent pas à un smicard pour changer de véhicule. Et au passage, pourquoi pas alors une interdiction totale de circulation qui aurait un effet encore plus important et cette fois, égalitaire ! Non, nous savons tous que l’enjeu de la qualité de l’air est la pollution de fond toute l’année, et non pas les pics. C’est pourquoi nous répétons l’urgence de réouvrir le dossier du PDU. Le groupe communiste et parti de gauche était le seul à le demander depuis 2 ans, nous sommes heureux que la campagne électorale conduise certains à nous rejoindre, et nous en profitons pour insister sur l’urgence de proposer un autre avenir au boulevard périphérique que celui du modèle parisien, inventer une mobilité circulaire en transport en commun, des liaisons rail cadencées avec toutes les villes de l’aire urbaine et même de la région pour réduire les flux pendulaires entrants dans l’agglomération.

C’est aussi la vraie réponse à la question de la vitesse sur le périphérique dont le bilan nous dit que l’effet est très variable en fonction de la météo et des événements de circulation. Aux heures de pointe, ce n’est pas bien sur pas la vitesse qui est polluante, mais la densité de voitures, une question fondamentale pour la place du périphérique dans un PDU à réinventer.

Reste à souligner que les résultats du R challenge nous semble bien faibles pour l’instant. Nous insistons pour relancer le projet de réseau de capteurs citoyens qui va finir par se construire sans la métropole si nous ne mettons pas plus de moyens sur cette action. Elle est importante justement pour faire le lien entre le citoyen et l’action publique, favoriser l’éducation populaire à cet enjeu du climat non par de la communication mais par l’action citoyenne.

En conclusion, nous ne pouvons que nous féliciter d’avoir obtenu de nouvelles aides de la région et de l’ADEME ce qui nous permet de renforcer les actions encours. Mais si cela nous conduira sans doute à poursuivre les bons résultats environnementaux, à améliorer encore plus la qualité de l’air pour les habitants, cela n’aidera pas à faire reculer les inégalités sociales dans les mobilités et le logement.

De fait, il n’y a pas d’écologie possible sans s’attaquer au système économique, au capitalisme. Quand l’écologie n’est ni de gauche ni de droite, ou à gauche et à droite en même temps elle est une impasse et conduit au renoncement, comme le départ de Nicolas Hulot. Non, l’environnement et la qualité de l’air sont des exigences de l’intérêt général, des besoins publics non marchands, ils relèvent d’une politique de service public. Comme pour les retraites, ils ont besoin du rassemblement des forces progressistes, des forces de transformation sociales.

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