Quelle politique publique face aux hausses des prix de l’énergie ? Enregistrer au format PDF

Vendredi 29 juillet 2022 — Dernier ajout jeudi 25 août 2022

J’ai participé ce 8 juillet à une rencontre intéressante sur Ecorenov, la politique d’éco-rénovation portée par la métropole de Lyon, introduite par les deux vice-président Renaud Payre et Philippe Guelpa-Bonaro. Ecorenov a aidé des actions d’isolation pour près de 20 000 logements depuis 2016. L’ambition est forte pour accélérer sur les années prochaines, avec une délibération de 21 M€ du conseil de métropole ce 28 juin. Mais la démarche est rendue plus difficile par la hausse des prix de matériaux et donc des coûts de travaux que les copropriétaires ou bailleurs doivent financer alors que la hausse des coûts de l’énergie annule les baisses de charges espérées… Il faut ajouter les difficultés des entreprises à assurer une forte hausse de leur charge de travail….

Deux tables rondes étaient organisées sur la précarité énergétique et sur la situation du parc social avec des témoignages d’acteurs de la métropole, services métropolitains, associations comme l’ALEC ou SOLIHA, ou du bailleur EMH.

Le bilan est contradictoire. Car après de très bon chiffres en 2019, on est très loin des objectifs depuis et après le trou noir de l’année 2020 marquée par le confinement, l’année 2021 reste à un niveau beaucoup trop bas.

Il faudrait donc accélérer fortement au moment même où la crise de l’énergie rend les projets plus nécessaires mais aussi plus difficiles. C’est pourtant essentiel pour faire reculer une précarité énergétique qui s’envole, avec des milliers d’habitants qui ne pourront pas payer leur chauffage l’hiver prochain.

C’était le sujet de cette rencontre…

Je suis intervenu avec une remarque préliminaire sur l’idée de certains que cette crise énergétique n’était pas une crise, mais une transition durable…. Certains diront que ma réponse est un discours politique qui relève plus d’une période électorale que d’un débat sur des solutions concrètes. Je ne crois vraiment pas, au contraire, c’est après les élections que le débat politique est le plus utile, qu’il peut être le moins pollué par les calculs et les logiques électoralistes, les pressions médiatiques…

Et c’est justement en faisant le lien entre le débat d’idée et les questions concrètes que des citoyens peuvent se faire leur propre avis, et retisser un lien avec l’engagement politique. On ne reconstruira pas la démocratie avec des élections qui sont pourries par les calculs et les ambitions et qui sont désertées par une majorité de citoyens ! Et mieux encore, c’est le débat politique de fonds qui peut conduire à prioriser les actions utiles au plan local. Et c’est le but de cet article sur cette question de la précarité énergétique.

D’abord en affirmant que cette aggravation de la précarité énergétique n’est pas un problème « de pauvres », mais le problème de tout le monde ou presque. Il faut d’ailleurs critiquer ce qualificatif de « précaires » qui laisse penser que cette situation serait une caractéristique des personnes concernées, elles sont « précaires », alors que c’est la situation économique et sociale qui leur est imposée qui est précaire. Il faudrait dire en fait « personnes contraintes à la précarité énergétique » [1].

Et cela fait du monde ! On constate en cette période de rappel de charges une forte hausse de défaut de paiement sur les réseaux de chaleur, non seulement pour des copropriétés, mais aussi pour des entreprises. Quand la facture de chauffage augmente de 50%, certains n’ont plus la trésorerie pour payer.

Le gouvernement a annoncé des « chèques », pour les carburants avec une remise de 18 centimes à la pompe, déjà rattrapée par de nouvelles hausses, et aussi pour le gaz avec un « bouclier tarifaire » qui est une remise pour les charges de chauffage des logements, applicable depuis le 1er novembre 2021. Dans le cas du réseau de chaleur, personne ne l’a encore vu, car cette remise sera prise en compte dans le rappel de charge annuel, qui se fait souvent à l’été chez les bailleurs sociaux ou parfois aussi en fin d’année.

La SACOVIV comme d’autres bailleurs avaient anticipé cette hausse de prix en fixant des provisions plus élevées (par exemple au couloud 11,5€/m2), et si la hausse des prix est beaucoup plus forte (13,5€), elle est ramenée à 10,3€ avec le bouclier tarifaire, ce qui reste dans les provisions prévues. Les locataires n’auront donc pas de mauvaise surprise pour le rappel de charge. Mais malheureusement, l’investissement dans l’isolation ne se traduit pas par une baisse des charges, pour le moment.

Cet exemple confirme deux problèmes. Le bouclier tarifaire décidé par l’état protège en partie les usagers, mais là où les provisions de charge n’auront pas été prévues en hausse, il y aura des rappels de charge douloureux. Et surtout, le bouclier tarifaire n’empêche pas que les efforts de rénovation énergétique ne permettent pas de baisses des charges de chauffage !

Cela devrait conduire le gouvernement à renforcer de manière significative les aides à la rénovation énergétique, car les locataires et les propriétaires modestes, ne peuvent pas accepter un reste à charge des coûts de travaux si les charges de chauffage continuent à monter ! Pour les protéger des hausses qui continuent, il faut donc isoler en réduisant le reste à charge pour le logement social et pour les propriétaires modestes, et cela suppose d’augmenter fortement les subventions.

L’ensemble des acteurs du logement, dont la métropole, devraient interpeller l’état sur le soutien à la rénovation énergétique. Ils devraient aussi ouvrir les discussions avec les opérateurs pour que ceux qui réalisent des marges significatives dans cette période contribuent à la solidarité. Le cas le plus flagrant est bien sûr le groupe TOTAL et ses dizaines de milliards de bénéfices.

Et comme on peut craindre que tout cela continue avec les guerres, la concurrence des ressources, la spéculation, il est urgent de revenir à un tarif régulé pour tout le monde, non seulement pour l’électricité, mais aussi pour le gaz, et donc indirectement, les réseaux de chaleur, bien loin du discours dominant de cette rentrée sur les « sacrifices » nécessaires.

Ce discours des sacrifices, tenu aussi bien par Macron que par les défenseurs d’une sobriété imposée, est fait pour ne pas parler du système économique et de ses gabegies, mais toujours renvoyer les citoyens à leur comportement individuel, chacun pour soi, et laissons tranquille le capitalisme.

[1d’ailleurs, dans les politiques publiques, on dit « personnes à mobilité réduite » et pas personnes handicapées

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