Conseil de métropole du 18 Septembre 2017

Quelle priorité pour la qualité de l’air ? Enregistrer au format PDF

Lundi 18 septembre 2017

Nous commenterons ensemble ces trois délibérations liées sur la qualité de l’air que nous voterons. [1]

La première subventionne le remplacement de vieux foyers bois individuels, un des principaux émetteurs de poussières, notamment en hiver. La deuxième cause d’émissions polluantes étant la voiture, cette délibération légitimerait une politique de subvention métropolitaine pour le changement des vieux véhicules les plus polluants… D’autant que les foyers bois se trouvent dans les propriétés individuelles, donc plutôt les couches sociales aisées, même si nous aiderons plus les foyers modestes concernés , quand les vieux véhicules, souvent diesel, se trouveront toujours dans les familles populaires et précaires…

La deuxième reconduit les subventions à ATMO dont le travail d’observation, d’accompagnement et de communication est indispensable à nos politiques publiques pour la qualité de l’air. Cependant, nous attirons l’attention sur des messages simplistes, qui deviennent faux, et qui n’aident pas les citoyens à comprendre les enjeux et les priorités. De ce point de vue, il est dommage que le dernier rapport de Santé Publique France évoque 000 décès anticipés de la pollution de l’air en précisant, je cite :

"A titre de comparaison, en 2008, les accidents de la route ont fait 4 403 victimes. Le tabac est quant à lui responsable de 78 000 décès par an (lire un article plus détaillé sur ce rapport)

Cette phrase extraite de son contexte conduit à croire que la pollution de l’air est 10 fois plus grave que les accidents de la route et presque aussi grave que le tabac. Or, c’est faux ! Il faut parler d’"espérance de vie", de nombre de mois de vie perdus, ce que fait d’ailleurs ensuite ! Il faut dire non pas 48000 décès évités, mais 48000 décès retardés ! Le catastrophisme alimente tous les complotismes et dévalorise des politiques publiques efficaces depuis 10 ans !

De plus, ce chiffre correspond à un scénario « sans aucune pollution anthropique », alors que des scénarios plus réalistes, et donc plus utiles au débat public, évoque 17 000 décès retardés si on respecte les recommandations de l’OMS, 3000 pour les objectifs du "Grenelle" et presque rien pour le scénario de la réglementation 2020…

Bien sûr, les messages simples comme "la pollution de l’air représente 48 000 morts par an" ont beaucoup de succès médiatiques, trop souvent pour en faire un instrument de peurs médiatiques qui éloignent le citoyen de la réalité. Rappelons que l’espérance de vie en France baissé en 2015, non pas à cause de la pollution, mais d’une plus faible vaccination des personnes âgées contre la grippe, de la canicule de Juillet et d’un épisode de froid… Autrement dit, l’accompagnement des personnes âgées contre la précarité énergétique, pour une médecine préventive, contre l’isolement, aurait un effet plus important sur la surmortalité des personnes âgées que la baisse de la pollution, cette année-là… Rappelons aussi que l’espérance de vie sur une longue période a augmenté de plusieurs années. On ne perd pas 9 mois d’espérance de vie, on gagne 9 mois de moins !

En fait, tout le monde oublie l’enjeu principal de l’espérance de vie qui concerne d’abord la situation sociale et le sexe… Ainsi, les femmes cadres qui vivent plutôt dans des zones urbaines qu’on dit plus polluées ont une espérance de vie bien supérieure aux hommes ouvriers des régions ouvrières !

Mieux, nous respirons un air de bien meilleure qualité que ce que nous respirions il y a quelques décennies, et il s’agit donc de continuer à observer, prioriser et agir pour la réduction des émissions. Les priorités sont clairement aujourd’hui le chauffage bois individuel ce que traite la première délibération, et le remplacement rapide des vieux véhicules ce qui est vrai un enjeu national. Il faut ensuite poursuivre les recherches et donc le soutien à ATMO pour améliorer notre connaissance des phénomènes, comme par exemple les émissions aux frottements, pneus, freins… où les circulations des polluants dans l’agglomération, jusqu’au niveau de la rue ou de premières études montrent que le niveau de polluants peut être très différent d’un coté à l’autre selon les circulations d’air.

La troisième délibération met l’accent sur la qualité de l’air par le numérique. Une start-up numérique a forcément le vent en poupe dans l’ère Macron. Rappelons que le numérique ne produit que… des 1 et des 0, et que c’est à travers des outils de production physique, donc non numérique, qu’il peut piloter la production ou la réduction de quelque chose. Même dans Matrix, derrière le numérique, il faut de l’énergie et des leviers bien physiques pour agir sur le réel…

D’autre part, notons que ce monde merveilleux des applications numériques à l’ère de la mobilité est un merveilleux monde du jetable, bien loin des discours sur le développement durable. Si ce marché est estimé à 90 milliards de dollar, et plus de 2 millions d’applications chez google, il repose sur un mode de développement ou plus de 90% des applications disparaissent rapidement. Autrement dit, des milliers de développeurs, en autoentrepreneur ou en start-up, produisent quelque chose qui apparaît puis disparaît rapidement. C’est le grand gâchis numérique, et personne ou presque ne s’intéresse à la productivité totale du secteur, puisqu’il est massivement autofinancé et… subventionné ! Il est vrai que le numérique ne pèse rien, et que ses déchets n’ont pas besoin d’être recyclé… Sauf que tout cela consomme de l’énergie. Les géants du web sont des énergétivores dont il faudrait mieux faire connaitre le coût en pollution de l’air !

Pour l’essentiel, il s’agit à travers ces projets de mieux informer, alerter les usagers en espérant peser pour des comportements moins polluants. L’insistance sur les comportements individuels cache parfois d’énormes enjeux économiques et politiques. Comme le sucre, avec la société de la tentation, des distributeurs de produits archi-sucrés partout et partout le message "ne mangez pas de sucre"… Notons aussi que l’influence des applications numériques sur les comportements ne peut que se heurter à la réalité de la fracture numérique dont personne ne parle quand il s’agit de financer des start-up… à chacun son monde !

Cependant, nous voterons aussi cette délibération car la mise à disposition de données numériques sur la qualité de l’air est évidemment une bonne chose et il est utile de le financer, de permettre au maximum d’acteurs d’utiliser ces données intelligemment, mais la vérité est que la réduction des émissions est d’abord un enjeu sur le chauffage et le transport. De ce point de vue, nous pensons pour notre part qu’il faudrait renforcer les moyens d’observation et de recherche d’ATMO, par exemple pour mieux assurer le couplage entre modèles et observations, ce qui suppose de renforcer la capacité de mesures.

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