EDF, la concurrence et les promesses des baisses de tarif… Enregistrer au format PDF

Jeudi 6 octobre 2016

Le titre qu’on trouve par exemple sur BFM est accusateur… « EDF va réclamer près d’un milliard d’euros à ses clients ». Effectivement, chacun a vu sur ses factures une étrange ligne de rappel, 30€ par ménage, pour près de 30 millions d’abonnés… Même ceux qui ne sont plus abonnés EDF doivent payer ce rattrapage…

Mais pourquoi ? Ce n’est pas une erreur d’EDF, ce n’est même pas une mauvaise décision gouvernementale, et cela n’a rien à voir ni avec le nucléaire, ni avec l’éolien… Non, cela a directement à voir avec… la concurrence.

Car, dans le cadre du service public, c’est le gouvernement qui fixait les prix de l’électricité. Nous avions les prix les plus bas du monde, parmi les moins émetteurs d’émissions carbonées, avec un service public exemplaire socialement et qui rapportait beaucoup à l’état, tout en contribuant à d’innombrables projets locaux, de recherche…

Mais la concurrence est venue, à coup de directives européennes et de lois bien françaises qui nous imposent de déterminer les tarifs en fonction du marché, et donc des « concurrents alternatifs » à EDF… Une « autorité indépendante », la commission de régulation de l’énergie (CRE) a été créé pour surveiller le bon fonctionnement de ce marché…

En 2012, le gouvernement avait plafonné l’augmentation des tarifs réglementés à 2%, alors que la CRE avait demandé 5,7% [1]. En effet, les concurrents produisent peu d’électricité et trop chère…ils ne gagnent pas d’argent… Pourtant, le gouvernement avait imposé à EDF de leur vendre l’électricité nucléaire à perte pour les aider… mais malgré ce coup de main, ils veulent que les prix augmentent, et avaient fait pression sur la CRE, dont on comprend qu’elle est là non pas pour les usagers, mais pour aider les concurrents privés… Mécontents de la décision finale, ils font donc appel de la décision du gouvernement devant le conseil d’état…

Coup de théâtre en avril 2014 quand le Conseil d’Etat demande au gouvernement de refaire ses calculs…

Résultat, ceux qui promettaient que la concurrence « libre et non faussée » allait faire baisser les prix, ont obtenus 1/ une intervention de l’état pour imposer à EDF de leur vendre son électricité à perte, puis 2/ du conseil d’état d’augmenter les tarifs… rétroactivement…

Vraiment, vive la concurrence libre et non faussée… Au fait, si les usagers ont eu un rappel d’EDF, pas les concurrents « alternatifs » pourtant clients d’EDF… ! Pour les usagers, il faut augmenter les tarifs, mais pas pour eux…

Pour mémoire, voici un excellent résumé de cette évolution depuis 20 ans du tarif régulé vers le libre marché… écrit par mon camarade Gilles Pereyron, élu communiste de Saint-Genis Laval, ancien syndicaliste EDF et secrétaire de l’ONG Droit à l’énergie, SOS futur

Tarifs réglementés de l’électricité.

Qu’est-ce un tarif réglementé ?

Un tarif réglementé est un tarif fixé par l’Etat, en France depuis 1946 loi de nationalisation du secteur de l’électricité avec la création EDF (idem pour le gaz), les tarifs de l’électricité (tarif réglementé) sont fixés par l’Etat ainsi que les augmentations de ces tarifs.

Les tarifs réglementés et l’Union Européenne.

Le traité de Maastricht (1992), marque une nouvelle étape en renforçant l’intégration à travers la création d’un marché unique sans frontières, même si l’énergie n’est pas citée en tant que tel pour la création d’un marché Européen, le marché unique s’inscrit dans la loi de l’OMC « la concurrence libre est non faussé ». Le secteur de l’électricité va être impacté et dés 1996 la Commission Européenne va marteler ce dogme « la concurrence fait baisser les prix et préconisé la création d’un marché Européen de l’énergie avec la fin des tarifs réglementés.

Décembre 1996, 1er directive de libéralisation du marché de l’électricité en Europe qui fixe le cadre des évolutions du secteur de l’électricité et la fin des tarifs réglementés. Le Royaume Uni a été l’un des premier pays Européen à déréglementé son secteur de l’électricité et aussi le premier pays à parler de précarité Energetique.

Au sommet de Lisbonne des 23 et 24 mars 2000, les chefs d’État et de gouvernement ont affirmé leur volonté « d’accélérer la libéralisation dans des secteurs tels que le gaz et l’électricité » (accord signé pour la France par Jacques Chirac président de la république et Lionel Jospin premier ministre).

Le Conseil de l’Union européenne du 25 novembre 2002 a conclu un accord prévoyant la libéralisation de ces marchés pour les clients non résidentiels au plus tard le 1er juillet 2004, suivie d’une ouverture complète pour tous les clients au plus tard le 1er juillet 2007.

En France :

Les grandes dates de l’ouverture du marché de l’électricité :

  • 2000, Loi relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité.
  • 2004 Ouverture à la concurrence du marché des professionnels (tarifs vert et jaune), mais les tarifs réglementé existent toujours.
  • 2007 Ouverture totale à la concurrence (tarif particulier Bleu), les tarifs réglementés sont toujours existant.
  • 2010 Loi NOME (Nouvelle Organisation du Marché de l’Electricité) cette loi fixe la fin des tarifs réglementés et ouvre l’accès régulé au nucléaire pour les fournisseurs alternatifs,
  • Janvier 2016, fin des tarifs réglementés vert et jaune pour les PME PMI et les collectivités. Les tarifs réglementés pour particulier (bleu) sont fixé par la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) organisme public indépendant.

L’ouverture à la concurrence des marchés de l’électricité et du gaz naturel n’a donc pas été imposée par l’extérieur, mais résulte d’un processus auquel les gouvernements successifs (gauche ou droite) de France ont pleinement adhéré.

Avec l’ouverture à la concurrence de l’électricité, le secteur a vue apparaitre une multitude de fournisseurs qui affirment comme la commission Européenne, la concurrence fera baisser les prix de l’électricité.

Les Tarifs réglementés en France.

La France avant la libéralisation du marché de l’électricité en 1996 avait le prix du khw (hors taxe) le moins élevé d’Europe, 20 ans après l’ouverture du marchés de l’électricité la France reste un des rares pays ayants des tarifs réglementés et a même le prix du kwh le moins chère Toute Taxes Comprises, 15cts € le Kwh, Allemagne 29.70cts €, RU 20.10 cts €, Italie 23.4cts€, Espagne 23.70cts €, Danemark 30.40cts €,….

Les fournisseurs dits alternatif à EDF, se sont même regroupé pour peser sur le marché et la fixation des tarifs réglementés.

L’Association Nationale des Opérateurs Détaillants en Énergie (A.N.O.D.E) – anciennement dénommée « Association Nationale des Opérateurs Détaillants en Electricité » – rassemble les fournisseurs alternatifs désireux de promouvoir, ensemble, une concurrence effective sur les marchés du gaz et de l’électricité en France. Les consommateurs en seraient les premiers bénéficiaires. Les membres de l’Association – Direct Energie, Eni gas & power France, Gaz Européen, Lampiris, Planète OUI et SAVE –

Ces fournisseurs pratiquent des prix libres et achètent l’électricité pour une très, très grande partie à EDF sur le marché de gros. Le prix du marché n’est pas fixé par EDF mais par le régulateur.

Pour permettre aux fournisseurs d’avoir une marge, le prix de gros actuellement moins de 30 euro le Mwh, ne permet même pas à EDF de couvrir ces cout de production 45 euro pour le nucléaire et plus de 70 euro pour le renouvelable.

Alors grâce aux fournisseurs alternatifs et l’ouverture des marchés les prix vont baisser.

Réalité ou fiction ?

En 2013, le gouvernement ayant toujours la responsabilité de fixé les prix de l’électricité

Par un arrêté ministériel du 26 juillet 2013 avait fixé les tarifs réglementés « bleus », « jaunes » et « verts » applicables à compter du 1er août 2013. Pour les tarifs « bleus », cet arrêté prévoyait une hausse à compter du 1er août 2013.

Les fournisseurs alternatifs regroupé dans ANODE trouvant l’augmentation pas suffisante des tarifs réglementés ont saisi le Conseil d’État qui a annulé l’arrêté du 28 juillet 2014 et, en ce qui concerne les tarifs « bleus résidentiels » et les tarifs « verts », l’arrêté du 30 octobre 2014

Les fournisseurs trouvaient que la hausse de 1,5% des tarifs réglementés de l’électricité d’EDF pour les particuliers, était insuffisante pour compenser un gel tarifaire décidé précédemment par le gouvernement. Comme on peut le voir garce à cette action les 28 millions de consommateur vont devoir payer un rattrapage. La concurrence fait baisser les prix !!! Avant l’ouverture du marché de l’électricité ce rattrapage n’aurait pas eu lieu.

Heureusement que dans leur présentation de leur association les fournisseurs alternatifs affirment que « les consommateurs en seraient les premiers bénéficiaire » Cette situation va permettre aux alternatifs d’attirer plus de consommateur dans le marchés afin d’en finir avec les tarifs réglementés. Le seul but est bien le profit et la rémunération des actionnaires et non la réponse aux besoins des consommateurs.

Avec la fin des tarifs réglementés on peut craindre aux pires, avec la fin des tarifs réglementés c’est aussi la fin de la péréquation tarifaires.

L’Europe et les politiciens annoncent la couleur, vers un marché européen de l’électricité

A l’horizon 2020, le marché européen devrait être une réalité. Les entreprises allemandes, françaises, britanniques, espagnoles, italiennes et européennes se sont bien intégrées, par des acquisitions sur les différents marchés. En outre les politiques nationales coordonnées par la Commission ont permis l’élaboration d’un cadre juridique propice au développement d’opérateurs de taille européenne.

Si les fournisseurs conservent des offres nationales, les réseaux s’internationalisent et les interconnexions s’améliorent. Dans un contexte d’augmentation de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique, ce changement est capital. Un marché européen de l’électricité permettra entre autres une meilleure absorption des pics de production éolienne ou solaire localisés que des marchés morcelés.

L’ouverture du marché s’accompagnera toutefois d’une forte augmentation des tarifs pour les consommateurs.

Cela a le mérite d’être claire, la question n’est pas technique mais bien politique.

Gilles Pereyron

[1décision à vrai dire un peu politicienne à quelques mois des élections…

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