Un discours de président face aux urgences ? Enregistrer au format PDF

Mercredi 15 avril 2020 — Dernier ajout dimanche 19 avril 2020

Décidément, le virus bouscule tout… notre vie quotidienne, notre économie, et… nos références historiques et politiques. C’est presque un paradoxe. Ce virus 10 fois plus mortel que la grippe a pourtant un impact moins important sur la mortalité que sur le quotidien et le débat public. Il y a en France près de 2000 morts par jour en situation normale, un taux de mortalité dans la moyenne du monde, et pour l’instant, le COVID-19 n’aura qu’un effet limité sur ce taux.

Par contre dans le monde médiatique, c’est la révolution ! Pensez, le président Macron semble totalement converti ! Lui qu’on appelait Jupiter au début de son mandat se présente avec humilité, lui qu’on jugeait arrogant intervient avec empathie et presque gentillesse pour tout le monde, première ligne, deuxième ligne, et cette « troisième ligne » dans laquelle il nous met tous.

Le président dans son discours du 13 avril a fait deux emprunts remarqués à notre histoire, totalement en opposition à tous ces discours de la campagne de 2017 comme de ses deux premières années de présidence.

Les distinctions sociales

Il reprend une phrase célèbre de la déclaration des droits de l’homme de la révolution française de 1789 « les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune ». Lui qui multipliait les formules sur « les premiers de cordées » et ceux « qui ne sont rien », théorisant sur le ruissellement qui devaient faire des inégalités le moteur de l’utilité commune justement. Lui qui justifiaient ses mesures économiques en faveur des riches d’un coté, et durcissant les lois pour les pauvres de l’autre, en tentant de nous convaincre que plus les riches seraient riches, plus ils pourraient faire progresser les pauvres…

Mais cette formule des révolutionnaires français était écrite contre des inégalités injustes. Or les inégalités sont redevenues de même ordre de grandeur qu’il y a deux siècles ! Les 500 plus grandes fortunes de la planète, dont le plus riche, le français Bernard Arnaud, sont de véritables rois dirigeant des entreprises qui pèsent plus que de nombreux états !

Et quelle est leur utilité sociale ? Quand ils sortent leur carnet de chèque charitable pour aider à la reconstruction de la cathédrale notre-dame, ils calculent les réductions d’impôts possibles ! C’est même un slogan publicitaire pour les grandes organisations caritatives qui disaient il y a peu encore « donnez pour ne pas payer l’ISF ! »

Oui, les distinctions sociales, et donc les revenus, ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune, et donc l’importance des productions et des services que le travail est le seul à permettre. De ce point de vue, une infirmière, un éboueur, un laborantin, un paysan, un ouvrier qui produit les objets qui nous sont nécessaires, ont plus d’utilité commune qu’un publicitaire ou un actionnaire… Il faut une véritable révolution de la hiérarchie des salaires dans notre pays !

Les jours heureux

Il reprend ensuite l’expression « les jours heureux », nom du programme du conseil national de la résistance ! Depuis des années, le programme du CNR est le symbole d’une autre politique pour une autre société ! C’est ce programme qui a permis de construire la sécurité sociale, les grands services publics, les grands organismes de recherche publiques, les nationalisations… Le patronat dont Macron est le représentant officiel multiplie depuis des années les déclarations pour « en finir avec le programme du conseil national de la résistance » !

Qui peut croire qu’Emmanuel Macron va se transformer en défenseur des services publics ? Et comment peut-il justifier sa légitimité s’il reconnaissait vraiment que son programme de 2017 et ses lois votées depuis, sont justement le contraire des « jours heureux » ?

Au fait, quoi de concret ?

Mais si les références et la forme du discours se sont totalement transformées, qu’avons-nous appris de précis et de concret ? Et bien, à part la date du début du déconfinement… rien !

  • comment allons-nous organiser une reprise « progressive » ? par quartier ? par age ? par métier ?
  • comment allons-nous sécuriser la reprise du travail pour ne pas avoir une reprise de l’épidémie ? nous aurons tous des badges ? nous serons tous testés ? Ca non, il a dit qu’on testerait tous ceux qui ont des signes… donc pas tout le monde. Mais quand on a une personne malade sur son lieu de travail, que devrons faire les autres si on ne peut pas les tester tous ?
  • et comment allons-nous produire les masques et les tests nécessaires ? pour les masques, beaucoup d’entreprises se sont lancées dans la production, mais pour les tests ? Pourquoi les pays qui ont le mieux résisté au virus ont tous mis en place la capacité de tester massivement, de mesurer les températures de tout le monde partout…

Contrairement aux craintes qui s’expriment dans un refus du déconfinement, je pense que nous devons affirmer que nous voulons en sortir ! Il faut transformer nos craintes en revendications concrètes sur les moyens publics de nous retrouver, de retrouver nos familles, nos voisins, notre travail, dans de bonnes conditions. Le confinement était une étape indispensable. Il ne peut être une réponse durable à cette épidémie, tout le monde le comprend bien.

Il faut donc ouvrir en grand le débat sur les conditions de la sortie de crise, les moyens et les droits des travailleurs pour se protéger, dans tous les lieux de travail, les investissements publics pour en créer les conditions, et les moyens donnés aux collectivités locales et aux services publics pour organiser un déconfinement en toute transparence avec les citoyens !

Lisez la lettre de Annie Ernaux qui nous dit que le confinement est un temps propice aux remises en cause. Un temps pour désirer un nouveau monde, et faisons du déconfinement, le moment de l’action pour ce nouveau monde !

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