Une loi contre le droit au logement Enregistrer au format PDF

Jeudi 14 juin 2018

La loi logement dite loi « ELAN » a donc été adopté définitivement à une très large majorité de 342 voix et 44 abstentions « bienveillantes », contre seulement 169, dont les 100 voix de droite des « républicains » qui reprochent en fait au gouvernement de ne pas aller assez loin ! Comme pour la réforme de la SNCF, la défense des services publics et des droits sociaux des Français a très peu de porte-paroles à l’assemblée… malgré la bataille parlementaire pleine d’enseignement des députés communistes et des députés insoumis.

Les débats médiatiques se sont focalisés sur trois aspects de la loi qui remettent en cause trois lois des précédents gouvernements qui faisaient pourtant consensus, la loi handicap qui exigeait que tous les logements neufs soient accessibles [1], la loi littoral qui interdisait la construction dans les zones non construites du littoral, et la loi SRU qui contraignait les communes à avoir au moins 25% de logements sociaux…

Une loi contre le logement social !

Si ces trois points sont bien réels, il ne faut pas oublier le cœur de la loi, la mise en cause du modèle historique du logement social en France qui reposait sur deux principes attaqués par cette loi :

  • un logement social « généraliste » qui peut accueillir la majorité des salariés, et pas seulement les plus pauvres, un logement social qui était donc favorable historiquement à la « mixité »…
  • un logement social financé par les locataires à travers leurs loyers et l’épargne du livret A permettant à la caisse des dépôts de prêter dans des conditions favorables aux bailleurs, mais aussi avec les salariés et le « 1% » logement sans oublier l’aide publique de l’état, « l’aide à la pierre » mise en cause il y longtemps par… Raymond Barre, avant d’être réduite à presque rien par François Hollande, puis à rien du tout par Macron… bref, un logement considéré comme un service public qui ne verse pas de dividendes, et ne permet pas aux boursicoteurs de jouer avec son capital…

A la place de ce « droit au logement » que recherchait la politique publique pour des logements « à loyer modéré », la nouvelle loi oriente le logement social vers les publics « prioritaires », poussant ceux qui le peuvent à partir de leur logement, instaurant une obligation de réétudier la situation de tous les locataires tous les 3 ans… sous pression des préfets qui pousseront à la « fluidité », autrement dit, la mobilité… Pour les jeunes, c’est carrément la précarité avec l’invention du bail à durée limitée… comme les CDD !

A la place d’un logement « public » financé par les salaires et les loyers, la nouvelle loi pousse les bailleurs vers le modèle de la promotion privée, la « gestion d’actifs » considérant le parc de logement social comme un patrimoine à valoriser, donc à vendre pour trouver des ressources permettant de construire…

Bien entendu, le gouvernement utilise les défauts actuels bien réels du logement social pour justifier sa restructuration ! Tout le monde connait l’adage, « quand on veut tuer son chat, on l’accuse de la rage… » Ce qui est amusant, c’est que le ministre Jacques Mézard a publié, pendant la discussion de la loi au parlement, le bilan triennal de la loi SRU pour les années 2014-2016 et doit reconnaître une production « record » de logements sociaux ! C’est pourtant au nom de l’inefficacité des bailleurs que le gouvernement justifie sa loi devant construire plus afin de créer un « choc de l’offre »…

Et cette loi ne résoudra aucun des problèmes connus du logement social, dont le premier et le plus important, il en manque beaucoup ! Le nombre de demandeurs ne cesse d’augmenter, tout simplement parce que les loyers du privé augmentent sans cesse, beaucoup plus vite que les loyers des bailleurs sociaux qui sont encadrés ! Résultat, de plus en plus de familles ne s’en sortent plus et cherchent des logements moins chers… Or le gouvernement fait payer aux bailleurs la baisse des APL ce qui réduit leur capacité à financer la construction et donc… fait grimper les loyers des logements neufs… La pression des publics prioritaires va donc s’aggraver et c’est bien pour cela que le gouvernement veut faire partir le maximum de locataires !

Or, le deuxième problème existant du logement social, c’est justement que malgré les discours, il était de moins en moins « généraliste » et de plus en plus « spécialisé » vers les plus pauvres, avec les conséquences sur les quartiers dits prioritaires marqués par la précarité, la pauvreté, et l’économie parallèle ! Mais justement le gouvernement ne veut pas revenir à une vraie politique d’aide à la pierre, ne veut pas d’un vrai plan d’urgence pour la construction de logements avec des loyers réellement modérés, ni d’une vraie ambition pour la réhabilitation massive du parc existant afin de répondre aux attentes des locataires… Il ne sait faire que deux choses ; d’abord réduire les dépenses publiques, ensuite créer des marchés juteux pour ceux qui peuvent investir, les « premiers de cordées »…

C’est peut-être le plus scandaleux de cette loi, plus dure pour les locataires, qu’ils soient publics prioritaires ou de couches moyennes, et dans le même temps tentant de séduire les promoteurs en livrant le parc social accumulé au cours des décennies aux appétits des grands de l’immobilier…

La mise en cause de la loi SRU

Avec la vente de logements sociaux qui malgré la vente, restent comptabilisés comme logement social, le gouvernement a trouvé le moyen de mettre en cause la loi SRU sans le dire vraiment…

C’est l’article 29 qui permet aux organismes HLM de vendre leurs logements y compris dans les communes qui en ont peu, notamment les communes résidentielles où il sera impossible de reconstituer l’offre de HLM… Et comme on sait bien que peu de locataires ont les moyens d’acheter leur logement, le gouvernement permet à des fonds d’investissement d’acheter des immeubles HLM entiers en les maintenant en location un certain temps, avant de les revendre à l’unité, avec d’énormes plus-values. Et bien sûr, ces fonds vont s’intéresser aux communes résidentielles, où la demande sera plus forte… Le comble, c’est que ces logements vendus restent officiellement comptés dans le parc social pendant 10 ans !

Stéphane Peu, député communiste, pouvait s’exclamer à l’assemblée « Hélas, l’abbé Pierre n’est plus là pour vous regarder voter ! », référence à janvier 2006, où l’abbé Pierre était venu en personne à l’Assemblée nationale pour soutenir la loi SRU. Il a proposé de supprimer l’article, puis de passer de 10 ans à un an… tout a été refusé ! A l’inverse, plusieurs élus LR ont invité gouvernement et majorité à avoir le « courage » d’aller « plus loin (…) et de »réviser la loi SRU"

Rien sur la précarité énergétique !

Rien sur un sujet pourtant sensible pour les locataires, celui de la facture énergétique, qui devient, notamment pour le chauffage au gaz, un poste plus important que le reste à charge du loyer, et qui n’est pas prise en compte dans le calcul des APL ! La seule idée (article 55) est d’expérimenter « une simplification des différents guichets d’information des ménages pour fournir une information intégrée technique et juridique en matière de rénovation, construction, location, vente, et les aides financières locales ou nationales associées », autant dire, rien de concret !

Encore la remise en cause des droits des communes !

Encore une fois, ce texte réduit la capacité des communes à intervenir sur le logement et met la commune sous contrôle. Par exemple, le texte attribue au préfet la compétence pour créer une « Grande Opération Urbaine » en cas de désaccord d’une commune. De même, une commune devait jusqu’à maintenant donner son accord pour la vente de logement social sur son territoire… Le préfet ne pouvait s’y opposer qu’avec l’intervention du ministre ! La loi ELAN propose de supprimer cet avis contraignant de la commune en le restreignant à un rôle purement consultatif. Sur ce point les députés communistes n’ont pu obtenir qu’un pis-aller, la commune pourra se porter acquéreur des logements sociaux vendus, ce qui sera rarement possible compte tenu des ressources des communes !

[1Gilbert-Luc Devinaz, sénateur de Villeurbanne, considère que cet article 18 constitue avant tout « un recul visant à satisfaire les promoteurs immobiliers », au détriment des personnes en situation de handicap.

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