Une loi logement pour répondre aux besoins ou pour trier les demandeurs ? Enregistrer au format PDF

Etude du titre II du projet de loi ELAN
Vendredi 23 février 2018

Voici la suite de l’article introduisant le débat sur la prochaine « loi logement ELAN » qui traitait du titre I de la loi « construire plus, mieux et moins cher ») pour montrer qu’il s’agissait surtout de « construire avec moins d’aides publiques » et moins de capacités financières des offices HLM [1]. Si le plus gros de ce titre I concernant la réorganisation du secteur HLM n’est pas encore connu, le résultat sera évidemment d’aggraver la spécialisation des bailleurs entre ceux, tournés vers les salariés, qui pourraient s’en sortir en augmentant les loyers et réduisant le coût de la proximité, se rapprochant du modèle du logement privé, et ceux contraints de loger les plus pauvres, dans des conditions dégradées et se rapprochant de l’urgence…

Dans ces conditions comment prétendre comme l’affirme le titre II de la loi « répondre aux besoins » de tous dans de bonnes conditions tant que le décalage entre l’offre et la demande reste entier ?

- Titre 2 : Répondre aux besoins de chacun et favoriser la mixité sociale

Le premier article de ce titre, l’article 29 est l’exemple même du discours médiatique qui dit le contraire de ce qu’il fait… En partant du constat de la précarité notamment des jeunes, contraints de prendre des contrats courts loin de chez eux, le gouvernement dit « répondre à leurs besoins » en créant un « bail mobilité », un bail précaire en fait, aussi précaire que les contrats de travail à durée déterminée… un bail au maximum de 10 mois… ! Autrement dit, vous êtes déjà précaires du travail, on va en rajouter en vous faisant précaires du logement ! Ce n’est plus le jeune qui décide quand il part de son logement !, et si son contrat se prolonge ? Et si il se plait dans son nouvel environnement et a des contacts d’emploi possibles ?

L’article suivant va toujours dans le même sens de la mobilité… toujours bien sûr pour « répondre aux besoins de chacun »… Là encore, le gouvernement prend prétexte d’une réalité. Beaucoup de locataires demandent un autre logement (plus petit, plus grand, moins cher, plus accessible) et notamment des personnes âgées. Mais il en profite pour remettre en cause le droit à rester dans son logement ! Bien sûr, il dit que le droit au maintien reste, mais il impose que chaque locataire repasse tous les 6 ans devant la commission d’attribution pour un examen périodique de sa situation… Vous n’avez rien demandé ? attention, on va vous faire remarquer que votre logement serait plus adapté à un autre…

Car c’est bien le vrai sens de cette mesure pour le gouvernement, favoriser la « fluidité » du logement. Autrement dit, pour attribuer un logement à un locataire prioritaire, il faut faire partir un locataire non prioritaire !

Notons que, après avoir dit qu’il fallait garder la proximité, la loi propose que le président de la métropole ait voie prépondérante sur les attributions… et l’article 32 renforce le rôle de coordination des attributions au niveau métropole ou agglomération… Encore une fois, les communes et leurs élus sont éloignées…

Ces articles prolongent ce qui avait été introduit par la loi égalité citoyenneté, une des dernières lois du gouvernement Hollande.

L’artiçle 31 généralise le système de cotation de la demande (chaque demandeur se voit attribuer des points en fonction de sa situation, et se retrouve ainsi avec un numéro dans la file d’attente…). Ce peut être un outil technique utile à la transparence et à l’équité de traitement, mais cela va surtout être l’outil de gestion centralisée des publics prioritaires. Car une fois la cotation mise en place à l’échelle de la métropole, on pourra définir des règles globales qui s’imposeront aux bailleurs, et répartir les publics « prioritaires », donc les plus pauvres, au bon vouloir du préfet et du président de la métropole et non pas en tenant compte des réalités locales et de la connaissance de son parc par le bailleur. Nous avons l’expérience du DALO dont on constate que malgré les efforts sans doute réels des préfectures, ils sont en fait relogés d’abord dans les quartiers prioritaires et non dans les quartiers huppés… tout simplement parceque c’est là que se trouvent les logements disponibles !

De plus, la notion de transparence est toute relative, car si beaucoup de demandeurs sont convaincus que l’attribution de logement est inéquitable, aucun système de cotation ne les convaincra du contraire tant que le délai d’attente dans une ville populaire comme Vénissieux dépasse 3 ans ! C’est bien la relation de proximité entre un travailleur social et un demandeur qui peut aider à faire comprendre la difficulté de trouver un logement social, qui peut aider le demandeur à tenir à jour correctement son dossier, à être attentif à avoir des demandes bien définies pour ne pas se retrouver devoir refuser une attribution…

Les articles 32 et 33 veulent favoriser la « mixité intergénérationnelle », en fait en développant la sous-location par une personne âgée d’une part de son logement à un jeune de moins de 30 ans… qui pourra bénéficier d’APL… ou inversement, à un jeune de moins de trente ans sous-louant une partie de son logement… On développe ainsi le marché de la sous-location en le subventionnant avec le risque d’effets pervers sur les loyers ! je vous sous-loue et puisque vous touchez l’APL, je peux monter le loyer… Le gouvernement dénonce l’effet inflationniste des aides au logement, mais en étend le périmètre… IL est vrai qu’il a sans doute l’intention d’aller plus loin dans la réduction des APL !

L’article 35 concerne les procédures d’expulsion locative, qui devraient mieux prendre en compte les procédures de surendettement, et éviter les procédures des locataires « de bonne foi ». Notons que la motivation est bien peu sociale puisqu’il s’agit de « désengorger les juridictions civiles et de diminuer les coûts incidemment engendrés pour le budget de l’État. ». Mais la vraie question des expulsions ne peut pas se fonder sur cette notion de « bonne foi » bien difficile à caractériser. Qui en décide ? En fait, la majorité des procédures d’expulsion sont résolues et heureusement par un travail social à renforcer. L’enjeu est donc d’abord le nombre de travailleurs sociaux pour organiser le suivi des familles concernées avec le temps, l’attention, la proximité nécessaire, parfois en prenant en compte les situations difficiles de la famille, de santé, de santé psychique… Quand le maintien dans les lieux n’est plus possible [2], c’est la procédure de relogement qui doit être renforcée ! Oui, il peut y avoir des situations de « mauvaise foi », et il faut alors des moyens juridiques pour imposer le respect du bail. C’est vrai d’ailleurs du loyer, mais aussi du respect du voisinage, des violences envers autrui… On pourrait imaginer une décision de justice de relogement contraint, quand il y a manifestement autre chose que les difficultés financières dans la dette locative, mais l’expulsion se traduit dans l’immense majorité des cas par des situations de logement plus précaires, et trop souvent par le non logement ! Dans tous les cas, ce qui est urgent, c’est le renforcement des moyens de l’action sociale, le contraire de ce que décide le gouvernement, comme d’ailleurs la métropole de Lyon ! Oui, les maires communistes qui prennent des décisions d’interdiction de « mise à la rue » ont raison de mener ce combat juridique d’avant-garde…

L’article 38 veut renforcer les moyens de pilotage et d’organisation du dispositif d’accueil, d’hébergement et d’accompagnement vers l’insertion… en donnant plus de poids aux « PDALHPD », les plans départementaux d’aide au logement« .. Tout dépend bien sûr du contenu de ces plans… Il semble aussi que les APL seraient maintenues pendant un plan de désendettement… à suivre… Mais nous avons l’expérience du droit »opposable" avec le DALO qui a son utilité, mais n’a rien résolu au fonds !

L’article 39 la transformation d’hôtels en hébergement sociaux… Il est vrai que tout le monde dénonce la gabegie des ces milliers de nuits d’hôtels payées par l’état car il n’a pas assez de place d’hébergement d’urgence ! Une solution serait donc de transformer des hôtels en hébergement d’urgence, bien sûr à condition d’éviter tout effet d’aubaine pour les propriétaires d’hôtels bien souvent peu scrupuleux… Il peut y avoir un intérêt d’un meilleur contrôle des conditions d’hébergements dans ces hotels devenus résidences agréées, mais cela demandera des moyens !

Les articles 41 et suivants veulent améliorer les relations locataires bailleurs et faciliter la production de logements intermédiaires… (entre logements sociaux et logement « libre »…).

Les derniers articles renforcent les observatoires de loyers tout en les dissociant de l’application de l’encadrement des loyers… Observer sans encadrer ? Même si quand il y encadrement, la loi introduirait des sanctions en cas de non respect par les propriétaires… Celà dit, on n’est loin de la généralisation de l’encadrement des loyers pourtant évoquée…

L’essentiel de ce titre II Peut donc se résumer par un mot « mobilité », autrement dit « précarité »… Le droit à un logement de qualité accessible est vraiment mal vu dans la macronie, comme d’ailleurs tous les droits en général quand ils concernent.. ceux qui vivent de leur travail !

[1plombés par la compensation de la baisse des APL à travers la réduction de loyer de solidarité

[2on sait que ce peut être le cas pour des raisons de désocialisation, d’incapacité à assurer la gestion de son logement, sa propreté…

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