sur une étude reprise dans la presse….

Vénissieux, trop de pauvres ? Enregistrer au format PDF

Mardi 10 janvier 2017

Une étude périodique sur la pauvreté dans les grandes villes a eu les honneurs d’une presse lyonnaise plus proche du choc des photos et du poids des mots que de l’analyse et du débat contradictoire. Résultat, quelques uns se sont emparés d’un chiffre pour dénigrer une nouvelle fois la ville de Vénissieux, et la tête de file de la droite a cru bon de sortir son « carton rouge » [1] contre la ville…

Pourtant cette étude est utile, comme toutes celles par exemple publiées sur l’excellent site inegalités.fr à condition de la faire connaitre…

Elle classe les 100 plus grandes villes de France [2] selon leur taux de pauvreté. Ce n’est pas si simple de définir ce qu’est la pauvreté, à part que ceux qui la vivent la connaissent bien ! Pour les statistiques, on prend en général comme critère un revenu par personne très inférieur à la moyenne, par exemple ceux qui sont en dessous de 50% du revenu médian [3]. Il faut toujours se méfier des statistiques à qui l’on peut faire tout dire, mais il faut bien prendre un chiffre pour faire des comparaisons et l’étude en question utilise le taux de pauvreté à 60% du revenu médian. Le salaire médian en France étant de l’ordre de 1750€, autrement dit, un pauvre est dans cette étude, une personne seule avec moins de 1000€ de revenu total (salaires, allocations…), ou un couple avec un revenu total de 2000€, c’est donc une définition assez large et qui évolue curieusement. Quand le salaire moyen recule, le taux de pauvreté recule…, puisqu’il est relatif à la moyenne.

Mais pour l’instant, prenons cette définition de la pauvreté… Sur les 100 plus grandes villes de France, le taux de pauvreté va de 45% pour la ville la plus pauvre, Roubaix, et descend à 7% pour la ville avec le moins de pauvres, qui est, cela n’étonnera personne… Neuilly sur Seine.

Dans ce classement, Vénissieux est à la 13e position, avec 31% de pauvres, très au dessus de Villeurbanne (19%) et encore plus de Lyon (14%). Certains lyonnais s’en plaignent d’ailleurs sur le blog du journal concerné car on les fait passer pour une ville qui rejette les pauvres. J’ai pu lire un commentaire outré « non, il y a autant de pauvres à Lyon qu’à Marseille, sauf que Marseille est une grande ville étendue qui englobe ses banlieues… » Un autre complète « il faudrait une seule commune »… Commentaire révélateur, pour ces lyonnais, le problème, ce n’est pas la vie des pauvres, mais le fait que les statistiques les comptent… En noyant les pauvres de Vénissieux dans le chiffre de la métropole, on devrait se trouver dans la moyenne… ça les rassurerait !

Mais ce chiffre est-il trop élevé ? Oui bien sûr, mais on peut le dire avec deux idées opposées en tête…

  • Oui, il est trop élevé, parce qu’il y a trop de pauvres en France, trop de chômeurs, de précaires, et trop de temps partiels contraint par des entreprises qui peuvent tout se permettre. L’urgence contre la pauvreté, c’est alors d’augmenter les salaires et de créer des emplois stables !
  • Oui, il est trop élevé car il y a eu trop de constructions sociales à Vénissieux et il faudrait donc faire venir des plus riches, autrement dit, construire, construire et construire encore du logement cher… et il faudrait faire partir des pauvres, autrement dit, détruire, détruire, et détruire encore… Pour certains, c’est l’objectif du renouvellement urbain. Mais pour revenir à la moyenne nationale du taux de pauvreté, de l’ordre de 14%, il faudrait faire partir la moitié des pauvres, de l’ordre de 10 000 Vénissians, et les remplacer par 10 000 plus riches… Et où iraient ces 10 000 pauvres ? Et quels riches viendraient ? On sait bien que les Lyonnais qui viennent acheter à Vénissieux sont ceux qui ne peuvent pas acheter à Lyon, autrement dit, les plus pauvres des riches… Or avec la précarité actuelle, un grand nombre connaitront le chômage dans leur vie, donc la pauvreté…

La droite accuse la couleur politique de la ville… Pourtant, l’étude elle-même nous donne un argument contraire… La ville qui est tout juste avant Vénissieux dans le classement, donc qui a un tout petit plus de pauvres, est Mulhouse, et la ville qui est tout juste après Vénissieux, donc qui a presque autant de pauvres que Vénissieux est la ville d’Avignon. Rien à voir donc avec la couleur politique de la ville (Avignon est passé de l’UMP au PS en 2014, et Mulhouse dont un ancien maire était entre PS et UMP est depuis 2010 une ville UMP…). Le taux de pauvreté n’a rien à voir ni avec l’image de la ville, ni avec sa couleur politique… Et on voit bien en terme d’image que placer Vénissieux entre Mulhouse et Avignon fait tomber bien des préjugés !

Dans les villes du TOP 10 du classement des plus forts taux de pauvreté, on trouve des villes de droite comme Perpignan (32%) ou d’extrême-droite comme Béziers (33%) et de grandes villes communistes de la région parisienne se découvrent plutôt avec peu de pauvres, comme Nanterre ou Champigny sur marne (20%), bien sûr à cause de leur proximité avec Paris.

Laissons donc cette polémique politicienne à Mr Girard, qui préférerait visiblement être élu dans une ville comme Caluire, et regardons au fonds cette question de la pauvreté et des territoires…

D’abord sur cette définition de la pauvreté par un ratio du revenu médian. Chacun voit bien que tous ceux qui gagnent l’équivalent d’un SMIC par personne ne se considèrent pas tous comme pauvres. La pauvreté peut effectivement se mesurer de manière relative, en se situant par rapport aux autres, mais ce qui compte alors, plus que le pourcentage de personnes en dessous d’un seuil, c’est l’écart entre les plus pauvres et les plus riches. Le site inégalités.fr publie ainsi une étude des inégalités par villes qui repose sur cet écart. Et on s’aperçoit ainsi que Roubaix et Béziers, très pauvres, sont tout autant inégales que Neuilly, très riches. Cela peut surprendre, mais chacun comprend bien que si tout le monde gagne entre 1000 et 2000€, les plus pauvres qui ne gagnent que 1000€ sont finalement assez proche du mode de vie des plus riches qui gagnent 2000€. Par contre, si l’écart est de 1000€ à 10 000€, le mode de vie des pauvres et des riches devient très différent et nous sommes depuis quelques décennies en France dans une situation ou les revenus dans une entreprise peuvent aller de 1 à 100 !!! Pour certains, le chiffre de neuf millions de pauvres en France est de ce point de vue exagéré et il faut distinguer la grande pauvreté, qui doit faire l’objet d’actions spécifiques et la pauvreté relative des salariés. On peut au contraire dire qu’il faut dénoncer les deux, car les politiques économiques de droite comme de gauche ont toutes depuis des décennies chercher à « baisser le coût du travail », autrement dit, baisser le salaire total, ce qui conduit à avoir des « travailleurs pauvres » de plus en plus nombreux. En résumé, chacun comprend bien qu’une personne au RSA est pauvre, faut-il inclure les travailleurs pauvres, autrement dit, une grande part des salariés au salaire minimum mais qui gagne un peu plus de deux fois celui au RSA ?

La solution est peut-être d’étudier la pauvreté par rapport aux besoins de base. Un pauvre est celui qui ne peut pas se loger, se nourrir, se soigner, s’habiller normalement. Et cela indique tout de suite qu’on ne peut pas parler de salaires sans parler des prix !! Si l’énergie, le logement, le transport, la nourriture de base sont peu chers, alors un petit salaire permet de sortir de la pauvreté… Tout est relatif. Un moyen de faire sortir des habitants de la pauvreté, ce serait de… baisser fortement les loyers, de baisser le tarif de l’électricité et du chauffage ! De ce point de vue, la situation est plus complexe, et les acquis sociaux en France, malgré les mises en causes, continuent de protéger des milliers de familles, et notamment l’APL pour le logement..

On voit bien alors le grand écart entre le discours anti-pauvres de Mr Girard, qui suit fidèlement le maire FN de Béziers, et la politique suivie par la ville de Vénissieux. Bien évidemment, tous les maires de Vénissieux se sont battus pour l’emploi et les salaires des Vénissians (en fait de tous les salariés), et donc contre la paupérisation, et ce sont les politiques des amis de Mr Girard notamment qui ont au contraire fabriqué de plus en plus de pauvres. Et depuis les années 2000, avec André Gerin puis Michèle Picard, la ville de Vénissieux est sortir du piège du ghetto urbain dans lequel l’avait placé la crise des ZUP, et a retrouvé une attractivité urbaine et sociale qu’il faut désormais plutôt contenir ! Des centaines de personnes qui ne sont pas des riches, mais qui ne sont pas non plus des pauvres, achètent chaque année un appartement à Vénissieux, mais la ville continue à défendre les Vénissians qui veulent rester à Vénissieux. C’est le choix de 2/3 des locataires, souvent pauvres, des quartiers en rénovation urbaine…

On peut constater ainsi que malgré le taux de pauvreté élevé, aucun quartier des Minguettes ne fait partie des dix quartiers prioritaires les plus pauvres de France. Ces quartiers ont des taux de pauvreté supérieurs à 70 %, le double de la moyenne des quartiers prioritaires de la ville et cinq fois plus que la moyenne nationale. Le plus pauvre est le quartier « Résidence Sociale Nicéa » à Nice, grande ville d’une droite dure… (taux de pauvreté de 87 %), suivi du quartier « Jeanne D’Arc – Clisson » dans le 13e arrondissement de Paris (74,8 %), et « Pous Du Plan », situé à Carpentras dans le Vaucluse, (72,1 %)…

La conclusion est double…

  • d’abord, il faut laisser les polémiques politiciennes aux politiciens et appeler tous les Vénissians à faire de la politique de terrain, à partir des faits et d’un effort partagé pour comprendre et agir ensemble
  • ensuite il faut d’urgence unir les différentes catégories, des plus pauvres aux moins pauvres, des plus précaires aux plus stables, car on est toujours plus pauvre ou plus riche qu’un autre, et les vrais riches, ceux qui continuent à gagner de plus en plus dans la crise, ceux qui sont liés aux banques, aux multinationales, aux élites médiatiques et économiques, ceux-là n’habitent pas et n’habiteront jamais Vénissieux.

A Lyon, la comparaison par arrondissement montre que les deux quartiers ou il y a le moins de pauvres sont le 6e, ce qui n’étonnera personne, et… le 4e, ce qui confirme à quel point la transformation sociale de la Croix-rousse, cet ancien quartier populaire, a été totale !

[1il devrait faire attention avec les cartons rouges… c’est un outil avec lequel les communistes sont à l’aise !

[2on oublie souvent que Vénissieux fait partie des 100 plus grandes villes de France !

[3le revenu médian est le revenu qui sépare la population en deux moitiés, 50% au dessus et 50% au dessous, il est différent du revenu moyen, peu de très riches font monter la moyenne…

Voir en ligne : l’étude du compass sur la pauvreté dans les grandes villes

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