Vente HLM, ils y mettent des moyens ! Enregistrer au format PDF

Jeudi 29 mars 2018 — Dernier ajout jeudi 5 avril 2018

La future loi logement dite « ELAN » [1] n ’est pas encore discutée au parlement, mais les institutions étatiques la mettent déjà en œuvre. Jamais le parlement n’a été aussi déconsidéré par l’exécutif, et même nié dans son rôle fondamental, celui de faire les lois. Le gouvernement considère que son projet de loi est applicable… C’est le cœur de la démocratie, l’assemblée nationale, qui est ainsi jetée aux oubliettes… [2]

  • Les préfets convoquent déjà les bailleurs sociaux pour discuter des futurs regroupements que la loi veut imposer…
  • Et la caisse des dépôts multiplie les initiatives pour accélérer la « vente de logements HLM », un des objectifs du titre I de la future loi, comme cette « première plateforme numérique de vente de logements HLM ».

Le texte des six bailleurs sociaux de Nouvelle-Aquitaine, tous filiales d’Action logement, qui ont créé cette plateforme est révélateur… Parce qu’aujourd’hui la vente HLM est devenue vitale à la poursuite du développement de l’offre locative, nous nous unissons pour faciliter l’accession à la propriété pour tous Autrement dit, le budget 2018 qui fait payer aux bailleurs la baisse de 1,7 milliards du budget APL de l’état met les bailleurs dans le rouge, et ils n’ont plus qu’un seul moyen de s’en sortir… vendre une partie de leur patrimoine ! C’est ce que la future loi veut faciliter… mais tout ce beau monde ne veut pas attendre et considère que le parlement est inutile !

Sans attendre la loi, la convention 2018-2022 entre Action logement et l’Etat fixe d’ailleurs fixe un objectif de quintuplement des ventes de HLM (passant ainsi d’un taux annuel de 0,2% du parc aujourd’hui à un taux de 1%) et prévoit la création d’une structure de portage, en l’occurrence une société anonyme, chargée d’acheter en bloc des logements sociaux, puis de les revendre

Car ils ne sont pas fous ! Ils connaissent la situation précarisée de beaucoup de locataires qui sont dans l’impossibilité de s’endetter pour acheter. La réalité sociale aujourd’hui, c’est que la grande majorité des salariés sont en dessous des plafonds de logement social, et que sauf patrimoine familial, ils ne peuvent pas épargner ou s’endetter au niveau nécessaire pour acheter dans de bonnes conditions… Le slogan du « tous propriétaires » lancé par Sarkozy se heurte à la réalité des bas salaires et de la précarisation du travail ! Donc, il faut mettre des moyens pour en convaincre que c’est possible et que ça vaut le coup, une belle plateforme marketing qui vous fait rêver, et un discours pour attirer des locataires qui ont du mal à payer leur loyer…Achetez et « Vous êtes chez vous » ! Et quand vous êtes locataire, vous n’êtes pas chez vous ? Voila une notion bien particulière du domicile personnel de 24 millions de Français qui vivent en location ! [3]

Car bien sûr, on peut toujours vendre à bas prix, voire très bas prix ! Pour les bailleurs, vendre un bâtiment qui est déjà payé ne demande pas nécessairement de vendre au prix de marché… car de toute façon, cela fait des recettes … et c’est ce dont ont besoin les bailleurs…

Mais quand on achète un logement, dix ans après, et parfois même avant, il y a souvent des travaux nécessaires, réfection de toiture, résidentialisation, isolation thermique que la loi peut même imposer, sécurisation, ou tout simplement travaux nécessaires face au vandalisme… Et celui qui a acheté apparemment à bon prix, quelle sera sa capacité à financer ces travaux alors qu’il s’est endetté au maximum de ses moyens ?

Et quand on est propriétaire, on doit payer toutes les charges, locatives et non locatives… et payer la taxe foncière, qui peut être élevée… Au total, selon l’INSEE, le poids du logement dans le budget d’un foyer est plus élevé pour un propriétaire accédant, en train de payer son emprunt, que pour un locataire.

En 2010, les dépenses sont élevées pour les propriétaires accédants, dépassant de 75 % la moyenne pour l’ensemble des ménages, et dans une moindre mesure pour les locataires du secteur privé (+ 12 % par rapport à la moyenne). Elles sont en revanche inférieures à la moyenne pour les locataires du secteur social (− 14 %) et plus encore pour les propriétaires non accédants (− 45 %).

Et l’INSEE nous montre que la part « loyer ou emprunt » dans l’effort d’un locataire et d’un propriétaire accédant est très proche

D’ailleurs quand on regarde le discours des experts de l’immobilier, on peut trouver des repères éclairants « Immobilier : il faut gagner 4.500 euros en moyenne pour devenir propriétaire ». Evidemment, aucun locataire du logement social n’a ce niveau de revenu ! Et beaucoup d’études confirment une connaissance empirique, les plus pauvres dépensent en proportion plus que les riches pour se loger !

C’est pourquoi personne ne peut s’étonner que l’INSEE confirme, chiffres à l’appui, que la réalité est un « accès plus difficile à la propriété pour les ménages modestes »

En quinze ans, le profil des locataires s’est modifié : cette catégorie s’est progressivement vidée des ménages aux ressources suffisantes pour accéder à la propriété. Parmi les ménages accédants, seuls 10 % étaient des ménages modestes en 2006 contre 13 % en 1996. À l’inverse, la part des locataires au sein des ménages modestes augmente pour s’établir à 61 % en 2006. En 2010, la hausse se poursuit, les deux tiers des ménages modestes étant locataires.

Et tout cela s’est encore aggravé depuis !

Au lieu de tenter de se faire bien voir du gouvernement qui de toute façon, ne leur fera aucun cadeau, les acteurs du logement social devraient aider, voire pousser, les parlementaires à discuter de toutes ces études sur la réalité du logement utile pour les Français, la place possible de l’accession, et la place pertinente du locatif, dont la part nécessaire du logement social. Cela conduirait à clarifier les conditions d’une vente de logements dans les cas, peu fréquents, où c’est pertinent pour des locataires, en s’engageant à reconstituer ce parc vendu. Cela conduirait aussi à réinventer le locatif public qu’est le logement social en inventant un bail qui fasse du locataire un vrai acteur de son logement, en lui donnant plus de droits et plus de responsabilité, en l’associant aux travaux nécessaires, en valorisant son propre investissement dans son logement, prouvant ainsi qu’on peut être « chez soi » et « responsable » de son logement, sans aucune intention ni possibilité d’en faire un bien marchand pour en chercher des bénéfices fonciers ou immobiliers…

Ce serait une autre politique du logement, ambitieuse, progressiste, tournée vers l’intérêt général, à l ’opposé du projet de loi du gouvernement.

[1c’est la grande mode du numérique qu’on met à toutes les sauces, y compris pour parler du logement social…

[2Il faudra s’en rappeler pour élire nos députés en 2022…. On ne peut vraiment pas faire confiance à des élus godillots qui acceptent que leur rôle soit limité à de la figuration.

[3bon, pour l’instant, il y aurait quelques dizaines de logement en vente, il ne suffit pas de faire du marketing pour que ça marche…

Voir en ligne : lire sur le site de la caisse des dépots et consignations…

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