le rapport annuel de la fondation Abbé Pierre

du mal logement aux présidentielles… Enregistrer au format PDF

Lundi 11 avril 2016

J’ai participé ce 6 Avril à la présentation régionale du rapport annuel de la fondation Abbé Pierre (FAP) sur le mal logement. Je connaissais ce rapport source de tant d’informations utiles pour la défense du logement social et des droits des mal logés, mais c’était la première fois que j’étais invité comme adjoint au logement à sa présentation.

Près de 300 personnes, principalement acteurs du logement social, bailleurs, associations, travailleurs sociaux, et 2 élus métropolitains seulement à l’ouverture, André Gachet, (élu lyonnais du Gram), et moi-même, Béatrice Vessilier (EELV Villeurbanne) nous rejoignant en fin de matinée… bref, pas d’élus des partis « présidentiables » !

En introduction, le témoignage d’un parcours typique d’une personne se retrouvant en dette de loyer après la perte d’un emploi et balloté de services en services sans solutions réelles jusqu’ à l’expulsion. Il se terminait par une des paroles fortes de l’Abbé Pierre « la misère, ça ne se gère pas, ça se combat », parole que je trouve totalement communiste !

La première partie présentait le rapport national autour de quelques chiffres clés. C’est un document de 350 pages qui éclaire sous de multiples aspects une réalité que nous connaissons tous, les inégalités s’accroissent, la crise de 2008 a eu des répercussions lourdes et profondes, les politiques du logement n’ont pas fait reculer ces inégalités, et les politiques réelles sont très loin des annonces et des objectifs… Un seul exemple révélateur. François Hollande avait annoncé le doublement de l’aide à la pierre, elle a été divisée par deux !

Il faut donc citer la préface du président de la fondation Abbé Pierre, qu’on ne peut suspecter d’extrémisme ni de révolutionnaire et pourtant

« des couches populaires qui décrochent et une réponse politique qui manque singulièrement de souffle pour enrayer cette chute… » (…) « c’est donc un sentiment de colère qui domine à la lecture de ce rapport »

Quelques un des chiffres commentés par Christophe Robert, le délégué général de la fondation.

  • 3,8 millions de ma logés, toujours en augmentation, sans compter les 1,3 millions de « tanguy », ces plus de 25 ans qui continuent à vivre chez leurs parents
  • des ménages populaires qui font face aux plus graves problèmes de logements (logement sans confort de base, surpeuplement, bruits, installations électriques dégradées)
  • un décrochage des couches populaires, 2 millions de chômeurs de plus entre 2008 et 2015 (catégories a,b,c), une forte augmentation de 70% des très pauvres qui atteignent 2 millions
  • Une forte augmentation des décisions de justices pour dette de loyer, de 81000 à 126000
  • un appel sur deux au 115 qui reste sans solutions, 72% dans les 13 départements les plus en difficulté !
  • 60 000 DALO en attente dont 40 000 depuis 2013, sachant que le taux de validation DALO des commissions de médiations a baissé de 48% en 2008 à 32% en 2014 [1] !
  • une augmentation continue des taux d’efforts, à la fois par la baisse et la précarisation des revenus et par la hausse des loyers, le taux augmentant deux fois plus pour les locataires du secteur social (+6,2%) [2], que pour les propriétaires accédants (+3,3%) [3].
  • une situation intolérable pour les plus pauvres avec un taux d’effort moyen de 55,9% alors que les règles d’attribution fixe un maximum à 33%

Olivier Brachet, ancien vice-président au logement de la métropole, qui avait démissionné il y a un an, considérant qu’il ne pouvait plus soutenir la politique de l’exécutif métropolitain, était présent dans une assemblée dont il connait sans doute la plupart des participants. Il a posé une question très politique : comment faire que cette urgence du logement devienne un vrai enjeu des prochaines présidentielles, en demandant comment la fondation allait faire en 2017. En 2012, elle avait invité les candidats qui avaient signé un « contrat social pour le logement ». Il concluait par une formule très révolutionnaire… « la prochaine fois, il faut que vous leur mettiez la corde au cou, de façon à ce que, si ce n’est pas fait, il soient pendus ! »

La réponse de Christophe Robert m’a marqué, tellement elle confirme la profondeur de la crise politique, l’incapacité de nos institutions démocratique à porter le débat et la décision publique. Tirant les leçons de 2012, il propose plutôt en 2017 d’appeler à la mobilisation citoyenne pour le logement…

Il faut tirer les leçons de 2012 pour la fondation. Les candidats étaient là, ils se sont exprimés, au delà des engagements de signatures. Nous pensons qu’il faut changer de fusil d’épaule. Il ne faut pas qu’on s’adresse aux politiques en début de campagne, ça ne marche pas , il y a un problème de crise de la démocratie dans notre pays. Il faut inverser la logique, et passer par la mobilisation citoyenne, par la mobilisation de tous, en revenant aux fondamentaux , s’appuyer et sur la force de la société et se tourner vers les politiques pour leur dire, voila ce qui est possible, et demander aux politiques de changer.

Tout un symbole, quand les médias veulent nous enfermer dans le choix des présidentiables, on ne peut faire confiance à cette élection présidentielle, et il vaut mieux se tourner vers ce que j’appellerai moi la mobilisation populaire !

A noter aussi que Véronique Gillet, directrice régionale de la fondation, précisera il y avait eu aussi des engagements des candidats aux municipales, puisque tu parles de couper des têtes… trois petits points !

Dans la foulée, il a aussi apporté un éclairage détonnant sur les réformes institutionnelles…

concernant la politique du logement, clairement, il y a un problème de responsabilité. On ne sait plus qui est responsable, ce n’est pas possible de continuer. On avait espéré avec les deux lois de décentralisation qu’on allait clarifier, donner les compétences aux territoires, de l’hébergement au DALO avec l’aide à la pierre, le capacité de préempter, etc.. le bloc global pour agir au plus près en liaison avec des intentions nationales…

On va devoir passer un cap, qui rejoint la mobilisation citoyenne, la promotion des habitants, la place qui est donné à chacun pour s’exprimer librement, et exiger de nos élus autre chose, leur dire « monsieur le maire, moi je veux du logement social, je veux une solution pour les réfugiés, je ne veux pas de chantage au bénévolat pour le RSA parce que c’est inefficace et que ce n’est que de l’agitation politicienne ». Il faut porter collectivement ces questions et obtenir une structuration de l’action publique pour avoir des responsables à qui on va demander des comptes dans des institutions beaucoup plus démocratiques

J’ai alors posé une question sur le logement social dans les villes populaires, en reprenant une des remarques de la présentation critiquant la décision de ne plus construire de logement social dans les villes qui en ont déjà beaucoup. J’ai témoigné du blocage que la ville de Vénissieux rencontrait sur cette question dans une métropole qui semblait vouloir appliquer cette règle, dont le bilan pour Vénissieux serait, 1200 logements sociaux détruits, et seulement 100 constructions par an sur 2000 logements construits en tout, alors qu’on a 3000 demandeurs en attente !

Christophe Robert a confirmé que la décision de ne plus construire dans les villes ayant déjà beaucoup de logement social, tout comme celle de ne plus attribuer de logements aux plus pauvres dans les quartiers ou il y en a déjà, était stupide et inefficace. Il notait ce que tout le monde comprend facilement… S’il y a avait partout des logements sociaux diversifiés, des hébergements, pensions de famille, autrement dit, si on pouvait effectivement apporter une réponse rapide aux demandes, on pourrait alors se dire qu’il est inutile d’en construire plus là où il y en a ! Mais ce n’est pas le cas, et les politiques actuelles sont très loin de pouvoir renverser la situation ! Il confirmera donc que ne pas construire de logements sociaux dans les villes qui le souhaitent et là ou il y a de la demande est donc l’exemple même de « la mauvaise idée présentée pour une bonne raison ». Dans la préface du rapport signée du président de la fondation, on peut lire … « le souci légitime de mixité sociale ne doit en aucun cas entrainer une remise en cause du droit au logement »

J’en ai profité pour souligner que dans cette crise politique qui nécessite l’intervention citoyenne, les communes ont un rôle spécifique et important à jouer, que c’est à ce niveau que la responsabilité d’un élu peut être réellement engagé dans sa relation avec les citoyens, alors que tout le monde voit bien qu’à l’échelle de la métropole ce lien citoyen-élu n’existe plus.

La matinée s’est poursuivi avec une animation se terminant sur un geste insolite du « crieur de la croix-rousse »… qui a réussi à faire faire à l’amphi un… bras d’honneur, en le présentant comme le « salut des canuts » dans une animation commentée de deux bras levés dont le droit ferme le poing pendant que l’autre vient le rabaisser pour lui interdire de faire le fier !

Ensuite, la présentation du rapport régional, s’est faite à travers une étude précise de 30 situations de personnes en difficulté pour leur logement, avec le suivi de leurs dépenses et recettes pendant 3 mois… Le résultat est illustratif de la réalité vécue par des millions de foyers…

  • un budget moyen de 835€ [4] en recette et 946€ en dépenses, budget de pauvre et déséquilibré. Autrement dit, ces familles s’enfoncent…
  • des recettes précaires et instables qui varient en moyenne du simple au double, et qui interdisent tout projet et toute planification pour s’en sortir…
  • un poids élevé des dépenses de logement (loyers, charges, fluides, assurances) qui représente 469€, autrement dit plus de 50% des revenus…

J’ai demandé si la fondation avait accès à des données par territoire sur les expulsions. J’entends souvent dire que pour l’essentiel, le problème des expulsions est réglé dans la métropole par l’important travail de prévention, travail bien réel, mais qui ne nous dit pas ce que deviennent les familles concernées.

Véronique Gilet me confirmera que la fondation n’a pas de données autres que celles des décisions de justice et celles des concours de la force publique effectués…

Autrement dit, on ne sait en fait rien du devenir des milliers de familles qui ont été confrontées à un contentieux lourd avec un bailleur avec une décision de justice. Je note ce point important pour le travail de préparation du plan d’aide au logement des personnes défavorisées que la métropole doit délibérer en Juin prochain.

Il faut quand même constater que c’est une fondation privée, qui apporte ainsi une connaissance sur le mal logement que ni l’état, ni les collectivités ne sont capables de produire… Comme on ne peut pas supposer que ce sont les moyens qui manquent, il faut bien constater que c’est une question de volonté politique !

[1il y a donc 3 fois plus de demandes DALO que de DALO accordé !

[2passant de 22,5% à 23,9%

[3de 24,3% à 25,1%

[4chiffre par « unité de consommation » qui permet de comparer des personnes seules, des foyers…

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