du tarif social au chèque énergie… Enregistrer au format PDF

d’une bonne intention apparente à une mauvaise loi…
Lundi 7 novembre 2016

J’ai assisté à une très intéressante présentation à la commission consultative des services publics locaux du SIGERLY sur les tarifs sociaux de l’énergie et leur remplacement prévu par le « chèque énergie ». Ce remplacement, actuellement expérimenté dans 4 départements devrait être généralisé au 1er janvier 2018 et les premiers éléments de retour d’expérience sont très inquiétants…

Comme souvent un discours « social » peut se transformer en réalité bien différente..

Revenons d’abord sur les tarifs sociaux de l’énergie tels qu’ils existent… Le TPN, tarif de première nécessité pour l’électricité, et le TSS, tarif spécial solidarité pour le gaz. Ils n’étaient mis en œuvre que par les opérateurs historiques (EDF et GDF), mais la loi les a finalement imposés à tous les fournisseurs depuis 2013.

Et surtout, la loi a rendu automatique l’application de ces tarifs… Le fonctionnement est compliqué en réalité mais simple à comprendre. Les organismes qui gèrent la CMU et l’allocation complémentaire santé (ACS) transmettent une liste des bénéficiaires aux fournisseurs d’énergie, le fisc fait la même chose pour les foyers qui déclarent un revenu fiscal inférieur à un plafond, et en croisant le nom et l’adresse, les fournisseurs d’énergie identifient leurs clients qui sont éligibles aux tarifs sociaux et doivent alors les appliquer.

Ce fonctionnement « automatisé » a eu un effet impressionnant puisqu’on est passé de 600 000 bénéficiaires en 2012 à plus de 3 millions en 2015. On peut estimer que plus de 80% des ayants-droits de ces tarifs sociaux en bénéficient désormais.

Cela représente une aide qui dépend de la puissance souscrite et de la composition familiale, mais qui va jusqu’à 140€/an pour l’électricité et 185€/an pour le gaz. C’est évidemment très important !

Ce système s’est fortement amélioré ces dernières années et on peut dire qu’il fonctionne aujourd’hui relativement bien, sauf pour l’habitat collectif chauffé au gaz, car le fournisseur de gaz ne connait que le syndic et doit donc manuellement rechercher les éventuels bénéficiaires de cet habitat collectif… (l’aide en habitat collectif est de 47€/an pour l’électricité, mais cela ne concerne principalement que des résidences sociales, et de 100€ pour le gaz, et beaucoup de copropriétés ne connaissent sans doute pas ce dispositif…) Il peut aussi y avoir des familles qui devraient être bénéficiaires de la CMU ou de l’ACS et qui n’ ont pas fait les démarches, elles perdent alors aussi leurs droits aux tarifs sociaux…C’est d’autant plus dommage que ces tarifs sociaux sont accompagnés de droit importants, réduction des frais de procédures notamment !

Ce dispositif des tarifs sociaux est suivi par les collectivités et pour Vénissieux, par le SIGERLY qui peut réaliser des études sur l’impact de ces tarifs, et par exemple, faire émerger des actions de conseil tarifaire aux bénéficiaires pour les aider à maitriser leur consommation…Certains auraient intérêt à changer d’abonnement, de puissance souscrite…

Rappelons que ce dispositif est financé par la « Contribution au Service Public de l’Electricité » ou CSPE, une taxe imposée à tous les consommateurs d’électricité qui financent ces tarifs sociaux, mais aussi, et de plus en plus les fournisseurs d’électricité renouvelables (le célèbre tarif d’achat garanti imposé à EDF !) [1]. De fait, toute cette politique « sociale » est en fait payée par tous, y compris ceux qui en bénéficient !

Au total, dans le cadre actuel, il restait des choses à améliorer mais il y avait plus de 3 millions de bénéficiaires d’un système désormais rodé et dont le coût de gestion restait faible (moins de 2% des montants d’aide…).

Mais la grande agitation de la loi pour la transition énergétique a multiplié les débats très idéologiques et peu pragmatiques… Ainsi du chèque énergie..

Au départ, une bonne idée, les tarifs sociaux ne s’appliquent qu’au gaz et à l’électricité, et pas au fuel, ni au bois… et des milliers de familles, notamment dans le parc privé, notamment en zone rurale, se retrouvent en précarité énergétique pour leur chauffage sans bénéficier d’aucune aide… Il faudrait donc étendre ce dispositif. Et comme pour le fuel ou le bois, il s’agit non pas d’un abonnement, mais de livraisons avec de nombreux distributeurs, certains imaginent un « chèque » dont les bénéficiaires pourraient se servir pour payer leur facture… Il y avait d’autres pistes bien plus intéressantes comme la proposition de la fondation Abbé Pierre de prendre en compte un forfait charges énergie dans le loyer pris en compte par l’APL… mais comme tous les gouvernements successifs cherchent comment réduire le montant des APL…

Et l’emballement commence ! Beaucoup d’acteurs veulent un dispositif indépendant des fournisseurs, reprochant à EDF, opérateur historique, d’utiliser les tarifs sociaux dans sa publicité [2]. L’idée d’un chèque énergie qui devait à l’origine être complémentaire aux tarifs sociaux pour les autres énergies se généralise et la loi décide qu’il remplacerai tous les tarifs sociaux… !

Or les premiers retours de l’expérience conduite dans les 4 départements sont inquiétants !

D’abord parce que le système n’est plus automatique ! Les usagers reçoivent un chèque et ils doivent décider s’ils s’en servent pour leur facture d’électricité, de gaz, ou d’une autre énergie… Or, seuls 50% des chèques envoyés ont été utilisés ! Il reste quelques mois pour avoir le taux final puisque les chèques sont valables un an, mais tout indique qu’une part importante des usagers n’ont pas compris, ou ne savent pas s’en servir… Une part importante de ceux qui l’utilise se trompent, remplissent mal le formulaire, ce qui rend le chèque non valable, ou même se trompent de fournisseur, qui doivent alors leur renvoyer !

Et le pire, c’est que le chèque moyen est très inférieur à ce que représentaient les tarifs sociaux. La moyenne est de 140€ dans l’expérimentation alors que le seul TPN représentait une somme moyenne supérieure à 200€…

Enfin, tout cela a été fait pour traiter les autres énergies, or 95% des chèques ont été utilisés pour l’électricité ou le gaz !

Tout ça pour ça ! Sans compter que le système parait beaucoup plus compliqué et donc couteux qu’annoncé… Il y a des risques de fraude, un fournisseur a déjà reçu un « faux chèque », des usagers indélicats tentent de l’utiliser deux fois…

La décision devra être prise en 2017… Il faut espérer que les gouvernements tiendront compte de ces résultats inquiétants…

En conclusion, rappelons que le service public national et unifié qui existait il y a 20 ans nous fournissait l’électricité la moins chère d’Europe, la moins carbonée, et avec un tarif stable et unique pour tous les usagers… Comme souvent, le droit pour tous et le service public sont de bien meilleurs garants contre les inégalités que tous les dispositifs de "solidarité qui sont censés compensés les inégalités du marché !

[1cette taxe représente actuellement 25% du tarif de l’électricité… et tout le monde annonce sa huasse continue pour financer les énergies renouvelables…

[2beaucoup d’ayatollah de la privatisation dénoncent à chaque occasion EDF sans rappeler que c’est l’opérateur historique qui est seul à supporter l’écart entre les charges et les recettes de CSPE, écart estimé par la CRE elle-même à 5,3€/Mwh en 2013 ! La CRE estime le niveau de cette CSPE à 30€MWh !

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