le droit à l’énergie, un débat indispensable ! Enregistrer au format PDF

le 29 Septembre au Grand Rendez-Vous de la Ville
Lundi 19 septembre 2011 — Dernier ajout lundi 26 septembre 2011

Comme l’an dernier, j’ai participé avec un grand intérêt à l’université d’été de l’association Sauvons le Climat. La qualité du public, des intervenants et des présentations confirme que cette association est une ressource très utile pour tous ceux qui recherchent une approche « raisonnée » de débats qui sont souvent dominés par les émotions médiatiques.

Les enjeux du climat semblent avoir disparu des débats politiques, alors qu’un an auparavant, il y avaot consensus sur l’urgence pour la planète. Mais la crise de la dette et l’affaire DSK a effacé Fukushima des unes des médias, Fukushima avait déjà effacé le tsunami qui l’a provoqué, le drame Japonais avait lui-même effacé le drame écologique du Golfe du Mexique quelques mois avant… quelque chose ne tourne pas rond. On ne peut pas comprendre et décider sur des questions essentielles comme le pétrole, le nucléaire, les réseaux électriques, le logement… en se basant sur le court terme des médias et des récupérations politiciennes.

Les citoyens ont besoin d’outils de connaissance, qui se basent sur une démarche scientifique de vérification, de transparence des sources, et d’un temps réel de débat démocratique, dans lequel des opinions contradictoires peuvent s’exprimer, dans lequel des intérêts différents, parfois divergents doivent être identifiés, pour ne pas se retrouver devant des propositions politiques comme des spectateurs clients potentiels devant une publicité…

C’est entre autre dans cet objectif que sera organisé le 29 Septembre une rencontre sur « le droit à l’énergie » présidée par Madame le maire Michèle Picard, avec le conseil citoyen du développement humain durable, dans le cadre du Grand Rendez-Vous de la Ville. Elle se tiendra avec des invités remarquables :

  • Michel Petit, ancien président de la délégation Française au GIEC
  • Bruno Charles (sous réserve), vice-président du Grand Lyon chargé du plan climat
  • Jacques Masurel, président de l’association Sauvons le Climat
  • Thomas Duburtet, de l’Agence Lyonnaise de l’Energie et des témoignages d’expériences concrètes (familles à énergie positive, travaux d’isolation…)

Cette rencontre cherchera à ouvrir le débat sur l’énergie, notamment à partir des questions locales, celles du réseau de chaleur, de ses investissements et du prix de la chaleur, celles du photovoltaïque du gymnase Anquetil, du centre Boris Vian, ou des tours de la Darnaise, et celles des investissements du groupe Bosch, celles de la facture de carburants qui devient intenable pour de nombreux Vénissians contraints de se déplacer pour leur travail en voiture, celles aussi des coupures de courant ou de gaz…

Elle permettra de poser ces questions dans le cadre général de la place de l’énergie dans nos sociétés, avec la nécessité de réduire d’un facteur 4 nos émissions de gaz à effet de serre, l’urgence de remplacer le pétrole dans les transports, mais aussi le contexte de la dérèglementation et des privatisations qui commencent à provoquer dans l’énergie la même chose que dans les télécoms ; plus personne ne comprend rien aux tarifs, les prix augmentent quand on nous promettait la baisse, et des investissements énormes mais spéculatifs se multiplient dans le désordre de marchés qui ne servent pas l’intérêt général…

Pour préparer ce débat, j’ai noté quelques unes des questions qui m’ont marqué dans les présentation de l’université d’été de SLC…

La consommation énergétique peut-elle baisser ?

Certains proposent des solutions radicales basée sur une « décroissance » qui permettrait de réduire les consommations énergétiques jusqu’à se passer du pétrole et du nucléaire. Mais ils oublient tout simplement les immenses besoins humains et sociaux de construction de logement, de déplacement, de nourriture, auxquels tous les êtres humains ont droit, qu’ils soient précaires de banlieue en France ou du quart-monde dans la famine en Afrique. Il n’est pas acceptable de dire que les pauvres doivent finalement accepter leur faible niveau de vie ! Les 9 milliards d’êtres humains prévus sur Terre en 2050 ont bien, pour une vraie qualité de vie, un « droit à l’énergie ».

Les différents scénarios étudiés par les groupes de travail du GIEC envisagent tous une hausse de la consommation d’énergie. Si on prolonge les tendances de ces dernières années, la consommation totale sera multipliée par 3 d’ici 2050. Les scénarios les plus volontaristes prévoit une hausse de 50%, mais un objectif encore atteignable est plutôt un doublement de la consommation totale, sauf catastrophe majeure comme une guerre mondiale. Mais cette hausse mondiale suppose compte tenu du développement attendu du Sud que les pays du Nord fasse plus d’effort d’efficacité énergétique

Les risques sont-ils dans la « surpopulation » ?

En fait, toutes les études démographiques montrent que dans tous les pays, quelque soient les religions et les cultures, la courbe de natalité suit la même tendance. Dès que les filles vont à l’école, la natalité baisse pour atteindre des valeurs autour de 2 enfants par femme. La population se stabilise alors. A l’échelle de la planète, cela donne un maximum qui sera sans doute atteint en 2050 puis une lente décrue. C’est donc du point de vue de la démographie la période jusqu’à 2050 qui est la plus difficile. Contrairement aux prévisions alarmistes du Club de Rome, il n’y a pas une surpopulation qui étoufferait l’espèce humaine devant le manque d’espaces. Il y a par contre des ressources naturelles en quantité limitée dont il faut apprendre à gérer l’usage et le recyclage, dans des conditions d’équité sociale et territoriale.

La priorité est-elle de réduire les émissions de gaz à effet de serre ?

Il y a quelques années, le débat médiatique avait mis l’accent sur l’urgence à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Dans la préparation de Copenhague, comme avant les dernières élections présidentielles, les grandes déclarations, les films se multipliaient.

Et depuis cet été, plus personne n’en parle ! Pour certains, il est urgent de sortir du nucléaire, mais personne ne souligne que cela conduit l’Allemagne depuis 3 mois à augmenter très fortement et très rapidement ses émissions de CO2, remettant en cause tous ses objectifs !

Il est vrai que personne n’explique pourquoi les objectifs de Kyoto qui fixait un niveau d’émission de gaz à effet de serre pour 2012 par rapport au niveau de 1990 ne seront pas atteints, et de très loin pour certains comme les USA. Les émissions ont continué à augmenter et dans les pays et domaines où elles ont baissé, ce sont surtout les restructurations économiques qui en sont la cause. Ainsi, en France, la désindustrialisation ou la crise de 2008 !

Ce débat est important car on peut trouver deux grandes approches dans les scénarios énergétiques :

  • mettre la priorité à la réduction des émissions. C’est ce que propose le scénario « NegaTep », scénario centré sur la réduction des émissions de carbone associées aux énergies fossiles, donc à l’unité de mesure issue du pétrole, la « tonne équivalent pétrole », ou TEP.
  • mettre la priorité sur la réduction de la production d’électricité, qui est au niveau mondial principalement d’origine fossile, ce que symbolise le scénario « NegaWatt », qui repose sur la baisse des consommations d’énergie primaire, et qui intègre la remise en cause du nucléaire, quitte à augmenter la consommation d’énergie fossile comme le gaz qui se développe pour remplacer le nucléaire en Allemagne.

Le Mix énergétique : quelle part des renouvelables ?

Beaucoup de promesses ont été faites pour les énergies renouvelables, et beaucoup d’argent est dépensé pour les favoriser, à tel point qu’on a vu se développer des bulles spéculatives sur le photovoltaïque. Mais le solaire comme l’éolien sont des énergies intermittentes. Leur développement rencontre plusieurs limites :

  • pour représenter une part importante de la consommation totale, il faut de très gros investissements et des installations les plus grosses possibles (comme les éoliennes de 200m en mer), et les plus nombreuses possibles. La conséquence économique et que malgré la baisse potentielle de prix unitaire, le coût d’investissement devient prohibitif, et pose aussi des problèmes d’environnement.
  • d’autant qu’il faut associer à ces énergies des réseaux capables de « tenir le coup » dans les variations fortes et rapides de la production. On se rappelle que plusieurs pannes électriques géantes ont été provoquées par la difficulté de gérer l’intermittence solaire et éolienne. De fait, la commission européenne propose un immense projet de réseaux très haute tension qui relierait le Sud de l’Europe, ou se trouve les plus grosses capacités solaires, avec le Nord ou se trouvent les plus grosses capacités éoliennes, réseau supposé être « intelligent » pour tenir compte des productions locales. Ce projet représente plus de 200G€ d’investissements et de plus des lignes de très haute tension qu’il faut faire passer quelque part, sachant que personne n’en veut. Si on réalise des lignes enterrées, le prix est multiplié par 10 ! et pourquoi les Français devraient payer un tel réseau qui servirait en gros à alimenter l’Allemagne depuis l’Espagne ?

Si théoriquement, il suffit d’une petite part du Sahara pour recueillir l’énergie solaire nécessaire à la consommation électrique de toute la planète, il faut dans la pratique pouvoir la distribuer ! Nous avons besoin de multiplier les études pour avoir une vision réaliste des limites du solaire et de l’éolien… Et à long terme, l’enjeu principal est en fait la capacité de stockage de l’électricité. Pour l’instant pas de progrès décisif dans ce domaine qui devrait être une priorité de recherche sur les batteries (que l’industrie française a abandonné !).

De même, si tout le monde soutient le développement de la biomasse, notamment dans les réseaux de chaleur, il y a des débats contradictoires sur la quantité d’énergie qu’on peut en attendre. Car les forêts et l’agriculture en général ne sont pas infinies ! Et quand pour les biocarburants, on laisse se développer les intérêts privés, on en voit les conséquences sur le prix des denrées alimentaires ! La surface totale cultivable de la Terre est finie, et certaines études disent qu’on ne pourra pas faire plus que doubler la production d’énergie de biomasse…

Le mix énergétique : quelle part du nucléaire ?

Évidemment, Fukushima a provoqué un tsunami médiatique et de très nombreux politiques se sont empressés d’annoncer qu’il fallait sortir du nucléaire. Mais ce qu’ils oublient souvent de dire, c’est que quelque soit le scénario, il faudra gérer du nucléaire dans les 40 prochaines années, soit pour l’exploiter, soit pour le démanteler ! Certains partisans de la sortie du nucléaire proposent justement de développer une industrie du démantèlement nucléaire. Mais elle devrait gérer pendant des décennies ce sur quoi reposent les craintes du nucléaire, les combustibles dans les centrales et dans le cycle des déchets. Le volume de déchets nucléaires au total n’est qu’une part infime en volume des déchets industriels dangereux, et leur stockage peut se faire dans un nombre limité de lieux…

La question première est donc bien pour tous les scénarios énergétiques : « qu’est-ce qui garantit la sécurité publique des activités du nucléaire ». Cela pose la question du service public, de son fonctionnement démocratique, de l’indépendance des structures de contrôle, de la place des salariés du nucléaire… Ne faut-il pas de toute urgence reconsidérer la sous-traitance qui s’est développé dans le cadre de la transformation d’EDF en entreprise privée comme les autres. Et à partir du moment ou le nucléaire ne peut pas se retrouver comme à Fukushima sous la domination d’intérêts privés de court terme, les conditions de maitrise sont elles réunies ? Un exemple donné par ancienne salariée d’une équipe qui travaillait sur le contrôle de la qualité des bétons des centrales nucléaires. A l’époque, EDF avait une équipe dédiée pour celà.. Comme on ne construisait plus de centrales depuis 15 ans, l’équipe a disparu. Est-ce sans rapport avec les difficultés de Flamanville ? Mais à l’inverse, est-il si difficile de reconstruire les structures publiques avec les compétences nécessaires comme cela avait été fait dans les années 60 ?

Il faut ensuite s’interroger sur sa part dans la production d’énergie. 78% de l’électricité en France, ce qui nous donne une électricité peu chère. Faut-il réduire, maintenir ou développer cette capacité ? Une étude présentée dans cette université de SLC propose un calcul de la quantité minimum de nucléaire nécessaire. Elle suppose qu’on fait le maximum possible techniquement sur l’efficacité énergétique, le maximum sur les renouvelables, le maximum sur la récupération du carbone pour avoir de l’électricité à partir de gaz ou de charbon en limitant les émissions de CO2, et essaie d’en déduire selon différents scénarios la part restante minimum du nucléaire. Le résultat est clair et constate qu’il reste nécessaire une augmentation forte de la production d’énergie nucléaire, un doublement même dans les scénarios les plus volontaristes. Il y a don besoin d’un vrai débat public de fonds sur cette question, et il sera intéressant de voir ce qui se passe si le prochain hiver est froid en Allemagne… Soit la France lui exporte l’électricité (nucléaire) nécessaire, soit ce sera le grand clash électrique européen !

Il faut aussi décider si on expérimente de nouvelles solutions comme les centrales à neutron rapides, qui présentent le gros avantage de « bruler » les déchets les plus dangereux comme le plutonium, et aussi de consommer de l’uranium appauvri dont nous avons des stocks considérables. Mais EDF a déjà du mal à maitriser le chantier de l’EPR, est-ce qu’on a encore la capacité de maitriser une nouvelle filière ? Beaucoup de gens sont inquiets, d’autant qu’il est difficile de faire confiance à des états qui mentent si souvent sur beaucoup d’autres questions… Mais on peut s’interroger. Dans les années 60, l’humanité a été capable d’aller sur la Lune. Quand on voit que la station spatiale risque d’être abandonnée aujourd’hui après un accident de fusée russe, parce que les américains n’ont plus de vaisseau capable d’emporter des hommes dans l’Espace, malgré tous les progrès scientifiques et techniques, on peut s’interroger : pourquoi ? Ce ne sont pas les compétences qui nous manquent, alors, ne faut-il pas un bouleversement politique pour sortir enfin des guerres de domination pour construire enfin de grands projets de développement au service des besoins humains ?

Ce qui est certain, c’est que le nucléaire mérite un débat citoyen de longue durée, et pas des coups médiatiques ou publicitaires…

Compenser la précarité énergétique ou affirmer le droit à l’énergie ?

Dans tous les débats actuels sur l’énergie, il y a un enjeu social essentiel, un enjeu de société qui révèle comment chacun voit la société de demain : plus inégale ? plus violente ? moins démocratique ? ou au contraire, enfin, une société plus humaine, débarrassée de cette guerre de tous contre tous que représente cette « concurrence libre et non faussée ».

Dans un cas, il n’y a plus de service public, plus de garantie de fourniture à tous du service, plus de péréquation tarifaire qui permet à tous de payer le même prix quel que soit le coût réel selon la région ou la commune… Il y a alors des pauvres, des très pauvres, il y a des « segments de marché », avec des « produits » de luxe et des « sous-produits » de type « hyper discount »… Des millions de familles seraient alors des « précaires de l’énergie ». C’est ce que va permettre le compteur Linky, ce nouveau compteur dit « intelligent » qui va communiquer par le réseau avec les fournisseurs pour leur dire comment vous consommez, et surtout, qui permettra aux opérateurs de décider de fournir ou non le service… Ainsi, si le réseau ne peut fournir l’énergie demandée, ceux qui n’auront pas pris l’abonnement « forfait illimité » se retrouveront avec une coupure électrique !

Mais pourquoi faudrait-il accepter cette situation ? Pourquoi au contraire ne pas affirmer que nous refusons les coupures d’électricité, que nous revendiquons un « droit à l’énergie », en considérant, comme pour l’eau, que l’énergie est un bien commun de l’humanité, qu’il faut gérer avec soin certes, mais pour répondre aux besoins humains.

Le débat est ouvert !

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