les masques, le capitalisme et l’intérêt général… Enregistrer au format PDF

Mercredi 24 juin 2020

L’affaire des masques a fait couler beaucoup d’encre. C’est normal car c’est vraiment un condensé de ce qu’est notre société, de ce qu’est le capitalisme, et chacun devrait en tirer des conclusions radicales. Ce système est stupide, inefficace, couteux, et incapable de répondre à l’intérêt général. Illustration par les masques et les tests….

Les débuts de la crise sanitaire ont été difficiles pour le gouvernement. A vrai dire, personnellement, je ne lui reproche pas d’avoir été bousculé, cette crise était surprenante pour tout le monde, et il était difficile au début de faire la part des choses entre les alertes qui pouvaient sembler exagérées et des messages trop rassurants, y compris chez les médecins et les scientifiques…

Mais plutôt que de tout mettre sur la table et de jouer la transparence, le gouvernement a surtout travaillé sa « communication », au sens que donnent à ce mot ceux qui font de la politique comme de la publicité… Ainsi, il savait parfaitement quel était le stock de masques, il venait de décider de ne pas acheter les lots prévus pour assurer le stock de sécurité… il savait parfaitement qu’il manquerait de lits en cas de pandémie, il venait d’en fermer 4000 l’année précédente !

C’était sans doute difficile de reconnaitre ses torts, mais cela a conduit à mentir à de nombreuses reprises. Pendant des semaines, le gouvernement et les médias nous ont dit que les masques étaient inutiles, puis qu’ils arrivaient, que des commandes étaient passées, allaient être livrées… et rien ne venait. Des soignants dans les hôpitaux devaient se débrouiller ! Le gouvernement a même dit qu’il en fournirait à chaque Français.. promesse oubliée depuis. Il est vrai qu’une entreprise française, installée en Bretagne, qui pouvait fabriquer 200 millions de masques par an, avait fermé en 2018 après avoir été rachetée par un groupe américain

Ce sont dans les communes, comme à Vénissieux, et dans des associations, que se sont organisés des réseaux de solidarité pour fabriquer des masques.

Mais très vite, tout le monde a compris qu’il faudrait des masques, beaucoup de masques… Et le capitalisme joue son rôle… il y a des affaires à faire, il y a donc des investisseurs cherchant comment en profiter… Ce qui reste de l’industrie textile s’adapte, d’autres s’y lancent et même le groupe Bosch qui a supprimé 1000 emplois à Vénissieux en 10 ans annonce l’ouverture d’une ligne de fabrication de masques ! Pour l’instant, elle ne sert qu’à fournir des masques à ses salariés… Ce grand groupe a certainement fait ses calculs, la marge commerciale est trop faible ! Mais aux USA, le bénéfice net trimestriel du groupe américain 3M fabriquant de masques, a flambé de 45%, dopé par la demande. Le groupement Les Mousquetaires annonce fin avril la relance de la fabrication de masques sur son site du Morbihan, avec une production de 130 millions entre août et décembre 2020.

Les grands distributeurs avaient vite senti le vent et fait des stocks, au moment même ou les hôpitaux étaient en manque ! Ils attendaient le bon moment pour créer le buzz et provoquer la ruée vers leurs magasins ! Et quand la métropole de Lyon et les communes passaient des commandes , c’était le préfet qui réquisitionnait le plus gros pour le système de santé ! mais il n’avait pas réquisitionné les stocks des grandes surfaces !

Et un peu partout des entreprises se sont lancées, ont investi dans quelques machines à coudre, ou dans des machines spéciales pour du non tissé et la fabrication de masques chirurgicaux…

Dans un premier temps, les prix s’envolent… des margoulins font des affaires, on trouve des masques à 10€ !! évidemment, le marketing s’en empare, un masque « haute filtration », puis « très haute filtration »… et les références et sigles se multiplient… et la mode aussi, couleurs, styles, imprimés… les ultra-riches donnent le ton avec des masques jetables de marque à plus de 100€

Et très vite, il y a surproduction ! Dans quelques semaines, on verra les premières restructurations de ceux qui n’auront pas tenu le choc de la concurrence… bien sûr les plus petits, et… les plus honnêtes, ceux qui auront essayé de bien faire leur travail. Et les spéculateurs viendront chercher comment en profiter, ils savent comment gagner des sous à la baisse ou à la hausse ! Au total, ce seront bien sûr les plus gros, ceux qui sont sur le marché mondial, qui maitriseront le marché….

Le capitalisme est incapable de planifier ! En France, l’état le faisait pour lui pendant longtemps, c’était l’époque du gaullisme et d’une forme de compromis issu de l’après-guerre, avec les nationalisation, les services publics, de grandes entreprises publiques pour l’énergie, les transports qui animaient des filières industrielles et technologiques cohérentes… Tout ça a disparu, avec notre industrie…

L’histoire des masques nous confirme que le marché capitaliste est incapable de sérieux, il est inefficace, capable de surinvestir pour de courtes périodes avant de détruire des investissements récents, comme l’entreprise bretonne Plaintel fermée il y a un an…

Vous me direz, mais il n’y a pas d’autres système possible ! Et bien si, il y a bien un autre type de société, celle ou l’état planifie des actions publiques pour servir les intérêts de ceux qui travaillent et où la possession d’un capital ne donne pas de pouvoir politique… Ce système porte un nom, le socialisme !

Oui, il y a eu des échecs, des drames du « socialisme réel », mais pour un instant, oublions l’histoire passée et regardons comment des pays comme Cuba, le Vietnam ou la Chine, trois pays socialistes, différents chacun d’ailleurs, ont géré la question des masques…

Prenons Cuba, un petit pays, qui n’a pas l’habitude asiatique des masques, et qui n’a pas les moyens économiques de la Chine. Cuba a réagi beaucoup plus vite que Macron. Dès le 2 mars, un plan de prévention et de contrôle des coronavirus est décidé, alors que l’épidémie arrivera à Cuba plus tard qu’en France. L’état décide de modifier l’équipement des usines nationalisées qui fabriquaient des uniformes scolaires, pour fabriquer des masques. Celles-ci ont fourni un approvisionnement suffisant à Cuba dès la mi-avril 2020, tandis que la France désindustrialisée, mais aussi les États-Unis, avec leur énorme capacité de production, souffraient toujours d’une pénurie.

La question principale que la crise des masques interroge est simple. Faut-il tout attendre du marché, de l’initiative privée lucrative pour fabriquer des masques ? Visiblement, non ! Et il existe une alternative. Donner le droit à l’état de prendre des décisions économiques, de décider d’investissement, de production, de priorités d’affectation de ressources… Et les masques n’ont rien de particulier en tant que marchandise ! Pourquoi ne pas considérer tous les biens utiles dont nous pouvons facilement planifier le besoin ? des ordinateurs aux bus ou rames de tramway ! Et si nous pouvons planifier le besoin, pourquoi ne pas planifier la production ? Si des entrepreneurs privés veulent répondre à ce plan, tant mieux, mais sinon, l’état doit décider des investissements nécessaires !

Un autre exemple concernant les tests. Comme d’autres élus, j’ai été contacté par une « chargée d’affaire » qui était représentante dans la région d’un homme d’affaire installé à Miami aux USA. Celui-ci avait acheté un million de tests sérologiques à une entreprise chinoise et cherchait à les commercialiser. La personne qui me contactait proposait des tests sérologiques qui coutaient 50€ le test, vendu par lot de 20 000 soit un million d’euros ! Je n’ai pas de raison de penser que ce n’était pas sérieux, mais bien sûr, la ville ne pouvait acheter pour une telle somme des tests qui n’étaient pas validés par l’organisation de la santé en France.

Cet exemple montre encore la nature du capitalisme et de l’intérêt privé. Un « homme d’affaire » se dit que la réponse au virus est un marché potentiel. Il négocie un achat d’un grand volume de tests, puis cherche des représentants pour les commercialiser.. Il gagnera beaucoup d’argent ou pas, mais peu importe. Car il peut le faire parceque l’état lui laisse la possibilité de le faire, parceque l’état n’a pas décidé que la France devait avoir rapidement ses propres tests sérologiques et n’a pas assuré la capacité de tester autant de Français que nécessaire. Deux mois plus tard, plus de 20 tests sérologiques sont validés par l’autorité de santé, à des prix variant de 20 à 50€ et remboursé par la sécurité sociale s’il y a une ordonnance. mais un très petit nombre de Français sont testés. Ce système est peut-être efficace pour ceux qui gagnent, mais il suppose toujours que d’autres perdent, et surtout, il ne permet pas de répondre aux besoins pourtant prévisibles…

Il est temps de poser de manière très concrète la question d’une autre société, fondée sur la planification et la décision démocratique de quoi investir, quoi produire, où et dans quelles conditions…

Une leçon de cette crise sanitaire, c’est que le socialisme est un sujet à réouvrir…

Voir en ligne : un marché devenu fou…. un article du Progrès

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