Mobilisation citoyenne et plan climat… Enregistrer au format PDF

Intervention à l’atelier de l’ALE du 18 Mai 2011
Vendredi 20 mai 2011

la ville de Vénissieux est en train de finaliser son « plan climat territorial », un outil qui sera basé sur le plan d’action « Vénissieux 2030, humaine et durable ». Ces plans climats sont obligatoires pour les villes de plus de 50 000 habitants et représentent la politique de la ville pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Nous réalisons ce travail dans le cadre du plan climat du Grand Lyon et avec l’aide de l’ALE [1] qui m’a invité pour une rencontre sur la mobilisation des citoyens pour le plan climat.

Rencontre très intéressante avec des témoignages sur l’action « Familles à Énergie Positive » qui a mobilisé 700 familles de Rhône-Alpes qui ont expérimenté des règles de vie pour réduire la consommation énergétique, sans faire aucun travaux, mais simplement en faisant attention… Résultat surprenant puisqu’au bout d’un an, ils ont réduit leur consommation de 17%… ce qui représentait en moyenne une économie de 250€…

Nous avons eu aussi une présentation d’une association nouvellement implantée dans la région, les « compagnons bâtisseurs », qui agissent pour les familles les plus en difficulté dans des logements insalubres pour les aider à remettre en état leur lieu de vie. Un petit film montrait comment ces actions étaient menés en associant les habitants pour en faire réellement des « co-producteurs » des travaux de leur maison.

Il y a eu d’autres témoignages plus institutionnels, du Grand Lyon sur l’expérience du conseil de développement, d’un bailleur social de l’Isère évoquant ses « forums de locataires pour le développement durable »

C’est dans la table ronde concluant cette rencontre que j’ai pris la parole pour évoquer l’expérience Vénissiane de la mobilisation citoyenne.

Je n’avais pas écrit de texte, mais je l’ai fait après coup…

La ville de Vénissieux a une longue expérience d’une forme de démocratie participative, ses conseils de quartier. Et nous mesurons a quel point tout effort de mobilisation citoyenne se heurte de plus en plus lourdement a une réalité qu’évoquait le témoignage Grenoblois, une véritable dé-légitimation du « système » en général, et de fait, de toutes les institutions. Il s’est creusé une fracture profonde entre les citoyens et les institutions qui sont censés les représenter.

C’est pourquoi je n’oppose pas la mobilisation citoyenne et la mobilisation des « parties prenantes ». Certes les habitants sont tous des « acteurs » de la ville, et on doit les considérer comme tels dans les projets urbains. Mais ils ne sont pas que des acteurs du projet, ils sont aussi des citoyens, car ce sont eux qui collectivement, ensemble, ont en réalité la seule vraie « souveraineté ». Théoriquement, le pouvoir c’est eux ! C’est en ce sens qu’ils sont des citoyens, ce qui n’a rien à voir avec les sondages.. Le citoyen n’est pas un consommateur de politique, il en est le vrai propriétaire, et l’élu, quel qu’il soit, n’en est, ou ne devrait en être, que le délégué…

C’est pourquoi il est difficile de parler de mobilisation citoyenne sans parler de projet politique, de projet de société. Imaginons que dans une rencontre en Tunisie en Décembre 2010, on discute de démocratie participative… et qu’on recommence quelques mois plus tard, après la révolution… Mais tout a changé ! Ce qui paraissait impossible hier, est devenue réalité… Là ou il semblait impossible de mobiliser des citoyens, il faut organiser leur intervention massive et déterminée… [2]

Je me souviens d’avoir présidé le premier conseil de quartier à Vénissieux en 1989. Nous discutions beaucoup pour savoir comment il fallait l’organiser, le préparer, installer la salle, donner la parole… et un jour, le maire de l’époque, André Gerin, a décidé de fixer la date et de lancer les invitations… Et nous avons finalement inventé quelque chose en marchant…

Un des principes de nos conseils de quartier, c’est que justement, nous ne voulons pas opposer une « politique du haut », qui concernerait la démocratie représentative, celle des élus, et une « politique du bas » qui concernerait les conditions de mise en œuvre de la politique sur le terrain. Nous ne cherchons pas à organiser un « contre-pouvoir », les citoyens sont bien assez grands pour le faire quand ils l’estiment nécessaire, et nous les appelons en permanence à s’organiser dans les forces sociales et politiques de la ville. Nous cherchons au contraire des outils qui permettent de placer les citoyens, collectivement, au cœur de la « politique du haut », c’est à dire du processus de décision politique de la ville elle-même. C’est pourquoi le conseil de quartier est à Vénissieux présidé par un élu municipal. Bien sûr, cela peut avoir des défauts. Des habitant peuvent se contenter d’interpeller l’élu, qui peut aussi se contenter de répondre aux questions [3]. Mais l’expérience de longue durée nous fait creuser toujours plus ce même sillon de l’organisation volontariste d’une démocratie de proximité qui n’est pas une contre démocratie, mais la démocratie elle même, la grande, qui se donne des outils de proximité pour tenter de recoudre cette fracture sociale et politique que nous constatons tous.

Bien sûr, il y a toujours de l’artisanal dans la recherche de l’intervention citoyenne, de la mobilisation de locataires, riverains, usagers… et comme le disait un intervenant, on fait souvent dans le petit format. Il évoquait une réussite avec une centaine de locataires rassemblés pour 32000 logements… A Vénissieux, nous arrivons à réunir dans les assemblées générales de conseil de quartier de 30 à plus de 100 personnes sur un territoire de 3000 à 8000 habitants. Mais il n’y a jamais une seule forme de mobilisation efficace, il faut multiplier les lieux, les heures, les supports, et ce sont les citoyens qui s’emparent ou pas de telle ou telle initiative.

A coté des conseils de quartier, nous expérimentons aussi comme beaucoup de villes, des ateliers de ville, avec de gros moyens de communication et d’animation, des balades urbaines qui se développement de plus en plus, des visites de quartier avec le conseil de quartier, des diagnostics en marchant organisés par des services avec la participation des habitants…

Et nous expérimentons depuis l’an dernier une nouvelle forme : les éco-projets. Ils sont nés du travail participatif sur notre politique de développement humain durable. Pour répondre au défi écologique, la majorité municipale a lancé en 2008 un conseil citoyen qui a travaillé sur des objectifs et des actions à partir d’un état des lieux réalisé par un cabinet spécialisé. 5 groupes de travail, réunissant une centaine de participants ont évoqué les objectifs, actions, idées qui semblaient être un enjeu pour la ville. Beaucoup de questions bien sûr ne relevaient pas de la compétence de la commune, mais cela a permis de revisiter le projet de ville à la lumière des enjeux du développement durable.

Nous ne savions pas s’il fallait parler d’agenda 21 car nous sommes très attentifs justement aux risques d’effet retour d’une communication trop « publicitaire » sur ces enjeux [4]. Je partage l’idée d’une intervenante que ce n’est pas en assénant des messages culpabilisants qu’on modifie des comportements. Et d’ailleurs, je ne crois pas non plus que ce soit en créant des effets de groupe, d’identification compte tenu de la profondeur de la fracture sociale, des contradictions d’intérêt entre locataires et propriétaires, habitat collectif et individuel… En fait, ce que montre parfaitement le petit film des compagnons bâtisseurs, c’est que c’est autour du travail en commun, de l’action collective que se joue l’appropriation citoyenne de ces enjeux. Dans ce film, des personnes que les politiques publiques considèrent en général comme des assistés [5] deviennent subitement des « co-producteurs » de leur lieu de vie. Et ce qui était frappant, c’est que c’est le travail d’équipe qui produit ou révèle ce qu’ils sont en réalité. Il faut donc faire attention aux outils très individuels que sont les forums et autres réseaux sociaux, construits autour de l’individu en relation avec d’autres et ne favorisant pas souvent l’émergence du nous…

Donc, si nous avons décidé récemment de soumettre le résultat du travail du conseil citoyen comme agenda 21, nous avons orienté résolument sa mise en forme autour d’un plan d’action, en cherchant comment permettre que ces actions deviennent des supports de construction. C’est le but des « éco-projets ». Un groupe d’habitants, un partenaire, un conseil de quartier, se retrouvent sur un objectif concernant un lieu. Ils soumettent leur projet à la ville qui sélectionne les projets qu’elle va aider (6 sur 10 propositions en 2011) et qu’elle subventionne et accompagne par ses moyens humains ensuite.

Les sujets 2011 concernent un jardin collectif, un jardin pédagogique autour d’une école, une mare pédagogique, le compostage en habitat collectif, une activité de construction de maquettes d’éolienne, une ligne de pédibus…

D’autres sujets sont en discussion, certains portant sur l’aménagement urbain (comment valoriser la ligne de chemin de fer desservant des usines qui traverse la ville), d’autres sur la consommation avec un projet de marché du soir…

Enfin, concernant le plan climat, il faut évoquer le conseil de transparence du chauffage urbain, qui réuni chaque année des usagers et qui a commencé à organiser des visites de terrain mensuelles (sous-station..). Son action a joué un rôle significatif pour que les usagers du réseau se mobilisent pas uniquement pour interpeller le gestionnaire ou la ville, mais aussi pour s’interroger sur la manière de « consommer » du chauffage. De plus en plus de copropriétés se lancent dans des actions de maitrise de l’énergie, et c’est un enjeu fort du plan climat. Si la ville de Vénissieux dépasse déjà les 20% d’énergie renouvelable pour le logement, elle peut encore fortement progresser et la réduction des consommations énergétiques des logements est sans doute l’action la plus rapidement efficace pour la réduction des émissions.

Pour conclure, et dans la diversité des expériences que nous avons dans la ville, on en revient toujours au constat essentiel de la fracture sociale et politique qui plombe notre société et qu’on ne peut espérer résorber sans un vrai changement de perspective… Peut-être que ce sont justement les citoyens qui ont la vraie clé pour bousculer nos institutions..

[1Agence Locale de l’Energie

[2certains me diront que la Tunisie n’a rien à voir avec la France, sauf qu’on ne dit que la Tunisie n’est une dictature que depuis la révolution… avant, dans les médias, c’était une avancée démocratique…

[3comme dans la séance de « réponses aux questions » de l’assemblée

[4ce qui n e veut pas dire qu’il ne faut pas faire de communication, au contraire, l’expérience faite avec eco-emballage avec 26 messagers du tri parcourant toute la ville pour sensibiliser à la collecte sélective a eu des résultats au delà des espérances… Leçon, ce n’était justement pas une communication « médiatique », mais une relation presque citoyenne, militante, d’un messager en porte à porte

[5et qu’un ministre sans honte dénonçait comme le cancer de la France

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